Psychiatre, vous suivez Mlle J. depuis ses 15 ans lors d'un premier épisode dépressif traité par psychothérapie, suivi d'un deuxième épisode à 17 ans traité par fluoxétine 20 mg, antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine. Vous la suivez de manière bimestrielle depuis son baccalauréat au vu de la disparition de ses symptômes dépressifs.

Mlle J. a aujourd’hui 20 ans, elle est en deuxième année d’Histoire à l’Université. Elle habite chez ses parents, avec un bon étayage social, sans petit ami. Elle a pour antécédent somatique un syndrome d’apnées du sommeil dans l’enfance traité par amygdalectomie et une allergie aux pollens. Elle aurait un cousin germain schizophrène.

Vous la recevez sur un créneau d’urgence en consultation car Mlle J. a appris qu’elle était enceinte à 24 semaines d’aménorrhée. Initialement désemparée, elle est maintenant ravie de cette nouvelle et souhaite arrêter son antidépresseur.
Question 1 - Que faites-vous sur le plan médicamenteux (une ou plusieurs réponses exactes) ?
La possibilité de survenue de ces effets néonatals est à mettre en balance avec les risques de décompensation que pourraient faire courir à la mère une diminution, voire un arrêt, de son traitement antidépresseur, en particulier dans cette période de fragilité que constituent la fin de grossesse et le post-partum. Dans cette situation, il est rapporté une stabilisation thymique de Mlle J. depuis plus de deux ans, permettant l’arrêt progressif de l’antidépresseur. Un arrêt brutal est à risque de sevrage. Il est nécessaire de rassurer la patiente quant au risque malformatif de la fluoxétine.
Si Mlle J. souhaitait poursuivre le traitement et que son état thymique le nécessitait, une augmentation des posologies journalières devrait être nécessaire afin de maintenir l’efficacité du traitement au cours de la grossesse.
D’après le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT), « les données publiées chez les femmes enceintes exposées à la fluoxétine au premier trimestre de la grossesse sont très nombreuses et aucun effet malformatif particulier attribuable au traitement n’est retenu à ce jour ». 
La grossesse se poursuit sans complication, Mlle J. accouche à terme d’un petite fille en bonne santé, du nom de Cléa, et peut rapidement rentrer à son domicile. La patiente vous appelle en pleurs dix jours après la naissance, vous expliquant que depuis une semaine elle n’arrive plus à dormir et passe ses journées à avoir des crises de larmes, se sentant incapable de s’occuper de son bébé, très anxieuse. Ses parents sont démunis et n’arrivent pas à la rassurer.
Question 2 - Quel est votre diagnostic ?
Le déni de grossesse n’est pas le diagnostic expliquant les symptômes ici décrits, Mlle J. à en revanche fait un déni partiel de cette grossesse (au-delà de 22 SA).
Un épisode dépressif caractérisé du post-partum pourra être discuté si le post-partum blues se prolonge au-delà de 15 jours.
Une psychose puerpérale nécessite un épisode thymique avec des caractéristiques psychotiques, non présentes ici.
Le post-partum blues est un diagnostic différentiel classique, il concerne 30 à 80 % des accouchées. Cet état transitoire survient le 2e et le 5e jour après l’accouchement, avec un pic au 3e jour. Réduit parfois à 24 heures, il dure de 4 à 10 jours maximum. Il associe anxiété, irritabilité, labilité émotionnelle, troubles du sommeil, fatigue et plaintes physiques. Les crises de larmes, la susceptibilité, la crainte d’être délaissée ou de ne pas pouvoir s’occuper du bébé surprennent et déroutent l’entourage, surtout lorsque l’accouchement s’est bien passé.
Mlle J. a été rassurée par vos explications sur le post-partum blues, qui a cessé dans les 48 heures suivant votre appel téléphonique. Vous la revoyez à deux mois de l’accouchement, elle et sa fille Cléa sont en parfaite santé. Pour autant, elle ne se vient pas aux prochains rendez-vous avant le 4e mois après la naissance.
En entretien, Mlle J. se dit triste et découragée par le fait d’être mère, elle se sent incapable d’assurer son rôle parental seule, avec une forte culpabilité car elle aurait tout pour être heureuse. Elle n’a pas réussi à reprendre ses études du fait de céphalées récurrentes et d’une grande fatigue en lien avec ses insomnies.
Le cours de sa pensée est ralenti. Vous la trouvez amimique avec une hypoprosodie, très ralentie sur le plan moteur.
Elle vous rapporte sa crainte de prendre Cléa dans ses bras, effrayée à l’idée de la lâcher. Ce sentiment se majore quand elle pleure, ses cris l’effrayent et elle se voit la jeter par la fenêtre. Elle n’a pas obtenu de place en crèche pour sa fille et ses parents ne l’aident pas.
Alerté(e) par cette dépression du post-partum, vous organisez une visite à domicile pour évaluer l’impact du trouble sur les interactions précoces mère-enfant.
Question 3 - Que recherchez-vous chez Cléa (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Tous ces signes peuvent être le reflet d’une souffrance du bébé en lien avec des interactions précoces mère-enfant appauvries. Les pathologies médicales non psychiatriques sont alors le reflet d’un stress chronique ; le bébé peut être agité pour (entre autres) essayer d’obtenir l’attention de sa mère, ou apathique s’il a compris que cela n’amenait à aucune réaction. Le manque de stimulation peut induire un retard de son développement.
Votre visite confirme vos inquiétudes, vous notez des anomalies dans le développement de Cléa du fait d’une hypostimulation de l’environnement avec une plagiocéphalie. La périodicité jour/nuit du sommeil ne s’est pas installée. Elle n’a pas de sourire spontané et attrape peu les objets. Mlle J. se sent submergée avec des idées suicidaires passives de type « ma fille serait mieux sans moi ». Il n’y a pas d’idées d’infanticide. Au vu de la gravité de la situation, vous hospitalisez Mlle J. et Cléa en unité mère-bébé (UMB). Elle est en demande d’une aide médicamenteuse.
Question 4 - Quel traitement prescrivez-vous à Mlle J., sachant qu’elle allaite son enfant (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Contre-indiqué en cas d’allaitement maternel.
Au vu des données disponibles sur la sertraline et l’allaitement (www.lecrat.fr), son utilisation est possible chez une femme qui allaite et est à préférer à la fluoxétine. Contre-indication relative mais au vu de la balance bénéfices-risques (idées suicidaires, répercussion sur le développement de l’enfant, etc.), l’antidépresseur est nécessaire.
Contre-indiqué en cas d’allaitement maternel.
L’ECT n’est pas recommandée en première intention, surtout quand d’autres psychotropes sont disponibles.
La prise en charge en UMB permet le soin de la mère associé au travail du lien mère-enfant dans une démarche de prévention des troubles du développement de la jeune femme.
Dans la semaine suivant l’introduction de l’antidépresseur sertraline, vous notez chez Mlle J. une confusion avec une agitation idéomotrice associée à une forte irritabilité, des émotions versatiles et des réponses émotionnelles disproportionnées par rapport aux événements. Elle a une logorrhée avec une tachyphémie auprès des infirmiers.
Question 5 - Quelle est votre stratégie thérapeutique (une ou plusieurs réponses exactes) ?
L’ECT n’est pas recommandée en première intention, elle pourrait être discutée en cas de syndrome catatonique résistant aux benzodiazépines ou autre critère de gravité.
La carbamazépine est contre-indiquée chez les femmes qui allaitent.
Très probable virage maniaque sous antidépresseur nécessitant l’arrêt immédiat de la sertraline. Il n’y a pas de risque de sevrage, celui-ci ayant été introduit depuis moins d’une semaine.
Malgré l’arrêt de l’antidépresseur, les symptômes persistent avec l’apparition d’idées délirantes autour de son bébé Cléa, comme quoi Mlle J. aurait enfanté la fille de Dieu et qu’elle doit lui transmettre des dons hors du commun. Elle ne dort que quatre heures par nuit et n’a plus aucun appétit. L’allaitement maternel n’est plus possible.
Question 6 - Quel est votre diagnostic ?
Les épisodes dépressifs répétés avant 25 ans, dont un en post-partum, auraient pu déjà faire suspecter un trouble bipolaire.
Question 7 - Quelles sont vos possibilités de prise en charge médicamenteuse (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Traitement d’attaque d’un épisode dépressif dans le cadre d’un trouble bipolaire.
Lithium, valproate, antipsychotique de deuxième génération : traitement d’attaque d’un épisode maniaque ayant pour but une rémission symptomatique.

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