Vous êtes interne de neurologie au CHU. L’interne de gynécologie-obstétrique vous appelle à 13h45 pour une de ses patientes qui vient de présenter une crise d’épilepsie généralisée. La patiente est âgée de 33 ans et a accouché 72 heures plus tôt par césarienne (en raison de troubles du rythme cardiaque fœtal) d’une fille de 3,3 kg qui se porte très bien. Mme G se portait très bien jusqu’à ce matin, où elle a commencé à se plaindre de céphalées diffuses et présentait une fièvre à 38,7 °C (ECBU en cours, cicatrice de césarienne légèrement inflammatoire

Son mari a prévenu l’équipe médicale à 13h30 car sa femme a présenté brutalement la symptomatologie suivante : « cela a commencé par des difficultés à s’exprimer pendant quelques secondes : elle n’arrivait plus à dire certains mots, puis elle est devenue toute raide avec les yeux révulsés et semblait avoir des difficultés à respirer, elle ne répondait plus aux questions. Puis sont apparus des tremblements très importants de tout le corps pendant environ une minute ». Actuellement, la patiente est somnolente mais réveillable et ses propos ne sont pas très compréhensibles. Le reste de l’examen serait normal.

Vous vous rendez à la maternité pour examiner la patiente.
Question 1: En attendant votre arrivée, vous demandez à votre collègue :
10 mg de clonazépam = Surdosage majeur
Il est important de poser une voie veineuse périphérique pour avoir une voie d’abord veineuse en cas de récidive de crise épileptique, pour administrer un traitement IV. Pas d’indication à ce stade à appeler le réanimateur, ni à administrer un traitement antiépileptique par benzodiazépine (pas d’état de mal épileptique).
Vous arrivez dans la chambre de la patiente 15 minutes plus tard (14 h). Celle-ci est inconsciente, avec des clonies des quatre membres. Votre collègue vous explique que ces mouvements sont continus depuis environ 5 minutes et que la sage-femme n’arrive pas à la perfuser tellement elle bouge.
Question 2: Votre attitude initiale est :
L’imagerie cérébrale doit être réalisée dans un deuxième temps, après la prise en charge thérapeutique de l’état de mal.
La réalisation d’un EEG n’est d’aucune utilité dans ce contexte où le diagnostic d’état de mal épileptique est évident, et risque de ralentir le délai de prise en charge thérapeutique. 
Surdosage majeur (1 mg en intraveineux)
En cas d’état de mal épileptique convulsif, il est improbable (et dangereux) de réussir à mettre en place une canule de Guedel. Il faudra le faire une fois la crise terminée.
Crise épileptique généralisée d’une durée de plus de 5 minutes, définissant un état de mal épileptique. Il faut prévenir le réanimateur en urgence, et administrer 1 mg de clonazépam en intramusculaire en l’absence de voie d’abord veineuse (sinon : intraveineuse). La dose de 10 mg serait un surdosage majeur. Le bilan à visée diagnostique sera à réaliser après la prise en charge thérapeutique de l’état de mal.
Le réanimateur arrive sur place 10 minutes plus tard, l’administration de 1 mg de clonazépam n’a pas fait pas céder la crise. Vous avez finalement réussi à poser une voie d’abord veineuse de bon calibre.
Question 3: Dans l’intervalle, votre collègue vous a donné quelques informations supplémentaires concernant l’histoire de la patiente : accouchement par césarienne après anesthésie péridurale, aucun antécédents médicaux, grossesse bien suivie sans complications, aucune prise de traitement particulier depuis l’accouchement en dehors de paracétamol.
D’après les recommandations de prise en charge de l’état de mal épileptique : en l’absence d’efficacité de l’administration de 1 mg de clonzépam, injecter à nouveau 1 mg de clonazépam puis de la phénytoïne ou fosphénytoïne en l’absence d’efficacité (cf recommandations SFMU).
L’injection de fosphénytoïne a finalement permis de faire céder la crise. La patiente est transférée en réanimation. À son arrivée sur place vers 14h45, elle est somnolente mais réveillable, ne présente pas de déficit moteur franc, mais son langage reste incompréhensible. Par ailleurs, vous constatez une raideur de nuque. Ses constantes sont les suivantes : PA 110/61 mmHg, FC 100 batt/min, tempréature 38,6 °C, glycémie capillaire 1,3 g/l.
Question 4: Votre attitude initiale comporte ?
Suspicion de méningite bactérienne avec signes de localisation neurologique et état de mal épileptique = contre-indication à la PL d’emblée.
Contre-indication à la PL d’emblée, il faut réaliser une imagerie cérébrale avant la PL.
En cas de contre-indication à la PL d’emblée, il faut débuter l’antibiothérapie avant l’imagerie cérébrale (et donc avant la PL), pour ne pas retarder la prise en charge thérapeutique.
Pas d’indication à un transfert au bloc sur les éléments présentés dans le dossier. Il semble y avoir un point d’appel plus sérieux : le syndrome méningé fébrile.
Suspicion de méningite bactérienne (iatrogène : péridurale ?) avec signes de localisation neurologique et état de mal épileptique = contre-indication à la ponction lombaire d’emblée. Il faut réaliser une imagerie cérébrale AVANT la ponction lombaire et donc administrer AVANT l’imagerie et la ponction lombaire une  antibiothérapie pour ne pas retarder la prise en charge thérapeutique (cf conférence de consensus sur les méningites bactériennes).
Il faut réaliser une paire d’hémoculture avant l’antibiothérapie
Ci-joint deux coupes de l’imagerie cérébrale réalisée 
Question 4: Vous constatez ?
Absence d’effet de masse sur cette image.
Hyperdensité spontanée du sinus latéral gauche.
Les ventricules sont normaux (3e ventricule visible sur l’image de gauche), donc aucun argument pour une hydrocéphalie aiguë.
On observe sur ce scanner cérébral sans injection une hyperdensité temporale gauche, au sein d’une hypodensité. L’hyperdensité évoque fortement une lésion hématique. Indication à réaliser un angioscanner veineux compte tenu de la forte suspicion clinique de thrombose veineuse cérébrale (céphalées, crise épileptique, lésion hémorragique cérébrale en post-partum) et de la visualisation d’une hyperdensité spontanée du sinus latéral gauche sur l’image de gauche, évoquant une thrombose de ce sinus.
Ci-joint les résultats des examens biologiques réalisés :
NFS : 17500 GB/mm3 dont 80% de PNN, Hb 10,9 g/dl, plaquettes 390 000/mm3.
CRP 220 mg/l.
Ionogramme sanguin : Na+ 144 mmol/l, K+ 3,9 mmol/l, créatininémie 67 µmol/l.
Calcémie 2,4 mmol/l
Glycémie veineuse 1,2 g/l.
LCR : 310 éléments dont 90 % de PNN, 110 hématies.
Protéinorrachie 1,3 g/l
Glycorrachie 0,3 g/l.
Examen direct : nombreux bacilles Gram positifs.
Question 5: Vous suspectez ?
Il s’agit d’une méningite bactérienne nosocomiale, favorisée par l’anesthésie péridurale. Le pathogène n’est donc probablement pas celui d’une méningite communautaire. Il faut évoquer un autre pathogène.
Question 6: Votre prise en charge médicamenteuse immédiate comporte ?
Il faut introduire une antibiothérapie probabiliste (déjà introduite avant le scanner !) adaptée à l’écologie du service et à l’examen direct car méningite nosocomiale. Bien entendu, cette antibiothérapie sera à adapter aux résultats de la culture et de l’antibiogramme. Aucune indication à un traitement par corticoïdes (indication : suspicion de méningite à méningocoque ou pneumocoque) ou aciclovir (pas de suspicion de méningo-encéphalite herpétique).
Un complément d’imagerie cérébrale est réalisé, ci-joint
Question 7: Vous suspectez ?
on observe un hypersignal Flair temporal externe gauche et frontal gauche. La lésion temporale externe est partiellement hémorragique car hyposignal T2* en son sein (pour rappel, la séquence T2* en IRM permet de voir les lésions hémorragiques). On observe également une thrombose (hyposignal T2*) du sinus latéral gauche et d’une veine corticale frontale gauche. L’ARM veineuse montre l’absence d’opacification du sinus latéral gauche. On retient donc le diagnostic de thrombose veineuse cérébrale, compliquée d’un infarctus veineux hémorragique.
Le tableau clinico-radiologique n’est pas évocateur des autres diagnostics proposés.
Question 8: Compte tenu de cette imagerie, quelle est votre attitude sur un éventuel traitement antithrombotique ?
l’Indication formelle à une anticoagulation curative en cas de thrombophlébite cérébrale, même en présence d’une lésion hémorragique
Vous retenez donc le diagnostic de méningite nosocomiale (péridurale) compliquée de thrombophlébite cérébrale avec infarctus veineux hémorragique et d’état de mal épileptique. La patiente reste fébrile (supérieur à 38,5 °C) 48 heures après l’introduction de l’antibiothérapie, alors que le germe est sensible à l’antibiotique prescrit.
Question 9: Vous décidez ?
La persistance de fièvre à 48 h est inhabituelle et doit faire évoquer la persistance de la méningite et/ou la survenue d’une complication type abcès cérébral. Il faut donc réaliser une imagerie cérébrale et discuter dans un deuxième temps d’une ponction lombaire de contrôle (selon les données de l’imagerie).
Ci-joint le résultat de l’imagerie cérébrale réalisée
Question 10: Cette imagerie vous permet de constater :
Hypodensité, excluant le caractère hémorragique de la lésion
Prise de contraste en cocarde (périphérique).
Oui, avec effet de masse sur le ventricule latéral.
Absence d’engagement sous-falcoriel sur cette coupe
Bonne opacification du sinus longitudinal supérieur, excluant une thrombose de ce dernier.
Il s’agit d’un scanner cérébral injecté, en coupe axiale. On observe une hypodensité temporo-occipitale droite avec prise de contraste en cocarde, avec œdème périlésionnel et effet de masse sur le ventricule latéral. Dans ce contexte, on retient le diagnostic d’abcès cérébral.
Question 11: La prise en charge de la complication comporte :
Aucun intérêt de modifier l’antibiothérapie car le germe est sensible à l’antibiotique prescrit. Il faut proposer un traitement chirurgical. La corticothérapie est contre-indiquée car risquerait d’aggraver l’infection.
Vous retenez le diagnostic d’abcès cérébral. La patiente est opérée, et son état s’améliore progressivement. Dix jours plus tard, elle est asymptomatique. Son traitement comporte une HBPM curative, un traitement antiépileptique par diazépam 5mg x 3/j et lamotrigine 100 mg x2/j, et une antibiothérapie par voie orale.
Question 12: La prise en charge des 15 prochains jours comporte :
Il est important de réaliser un bilan de thrombophilie complet (protéine C, S, mutation facteur II et V, recherche de syndrome des antiphospholipides) même en cas d’étiologie déjà connue de thrombose veineuse cérébrale (ici, la méningite), car il est fréquent de trouver plusieurs causes associées. Cela aurait par ailleurs un impact fort sur la durée de l’anticoagulation curative (transitoire si négatif, au long cours si positif).
Les anticoagulants oraux directs n’ont pas l’indication dans le traitement des TVC.
Il faut arrêter progressivement le diazépam (benzodiazépine), mais maintenir le traitement antiépileptique de fond par lamotrigine. L’arrêt de ce dernier sera à discuter à distance.
Question 13: Concernant la méningite,vous devez ?
C’est à la patiente de faire la demande de copie du dossier médical  auprès du directeur de l’hôpital.
C’est à la patiente de faire les démarches auprès de l’ONIAM
Que déclarer après une infection nosocomiale (IN) ? (« infection associée aux soins »)
1) Les IN ayant un caractère rare ou particulier, par rapport aux données épidémiologiques locales, régionales et nationales, du fait :

a) soit de la nature ou des caractéristiques de l'agent pathogène en cause, ou de son profil de résistance aux anti-infectieux ;

b) soit de la localisation de l'infection chez la (ou les) personne(s) atteinte(s) ;
c) soit de l'utilisation d'un dispositif médical ;
d) soit de procédures ou pratiques pouvant exposer ou avoir exposé, lors d'un acte invasif, d'autres personnes au même risque infectieux.
2) Tout décès lié à une infection nosocomiale.
3) Les IN suspectes d'être causées par un germe présent dans l'eau ou dans l'air environnant.
4) Les maladies devant faire l'objet d'une transmission obligatoire de données individuelles à l'autorité sanitaire en application de l'article R. 11-2 et dont l'origine nosocomiale peut être suspectée.
Indemnisation et infection nosocomiale (Loi du 4 mars 2002 modifiée le 31 décembre 2002) :
-Si l’infection nosocomiale est à l’origine d’une IPP supérieure à 25 %, ou d’un décès, elle ouvre doit à réparation au titre de la solidarité nationale (article L 1142-1-1, 1° du CSP). C’est l’ONIAM qui indemnise la victime, indépendamment de l’existence ou non d’une responsabilité civile.
- Si l’infection nosocomiale est à l’origine d’une IPP inférieure ou égale à 25%, le régime d’indemnisation classique s’applique (article L 1142-1, II CSP). Par conséquent, la victime est indemnisée soit par l’assureur de celui dont la responsabilité est établie, soit par l’ONIAM en l’absence de responsabilité, si les conditions au titre de la solidarité nationale sont réunies  (conséquences anormales au regard de l’état de santé du patient et seuil de gravité IPP au plus égal à 25 %, ou ITT 6 mois consécutifs ou non consécutifs sur une période de 12 mois, ou inaptitude à l’exercice de la profession, ou troubles particulièrement graves, y compris économique, dans les conditions d’existence).
Vous revoyez la patiente six mois plus tard, elle est asymptomatique et n’a présenté aucune récidive de crise épileptique. Son traitement actuel comporte uniquement de la coumadine (INR bien équilibrés) et de la lamotrigine. L’imagerie cérébrale réalisée montre une recanalisation complète des sinus veineux, mais il persiste une séquelle parenchymateuse temporo-occipitale droite en regard de la chirurgie. L’EEG est normal.
Elle vous pose des questions concernant la reprise de la conduite automobile.
Question 14: Vous lui annoncez ?
Il persiste un risque de crise épileptique, compte tenu de la persistance d’une séquelle parenchymateuse (même si ce risque est faible, compte tenu de l’absence de crise sous traitement depuis 6 mois), la patiente ne peut donc pas reprendre immédiatement la conduite. Elle doit consulter un médecin agrée par la préfecture de son domicile qui pourra lui donner l’autorisation (le neurologue seul ne peut pas donner cette autorisation).

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