Une femme de 36 ans d’origine antillaise consulte en urgence pour rougeur et douleur de son œil droit évoluant depuis trois jours sans baisse d’acuité visuelle. Elle est asthmatique et hypertendue, traitée par inhibiteur de l’enzyme de conversion. Il n’y a pas de notion de traumatisme oculaire ni de sécrétions.

À l’examen clinique, l’acuité visuelle de loin est à 10/10e corrigée avec -1 (-1,50 à 90°) et de près Parinaud 2 sans correction à droite, et à gauche 10/10e de loin corrigée avec -1 (-1,75 à 90°) Parinaud 2 de près sans correction. La pression intra-oculaire est à 17 mmHg aux deux yeux.

L’examen à la lampe à fente retrouve à droite, une hyperhémie conjonctivale localisée en temporale, une cornée claire, une chambre antérieure calme, un test à la fluorescéine négatif.
Question 1 - Vos hypothèses diagnostiques concernant son œil droit sont les suivantes :
Œil rouge mais indolore
Rougeur en secteur dans l’épisclérite
Test à la fluorescéine négatif
Pas d’hypertonie oculaire
Diagnostics compatibles devant œil rouge et douloureux SANS baisse d’acuité visuelleSclérite : douleurs plus importantes
Épisclérite : douleurs modérées
À noter que la kératite peut également être à l’origine d’un œil rouge et douloureux sans baisse d’acuité visuelle si la lésion est en dehors de l’axe visuel
La conjonctivite bactérienne aiguë se manifeste par un œil rouge, sans baisse d’acuité visuelle. Le patient se plaint de prurit, de sensation de grain de sable ou de corps étranger
Diagnostics compatibles devant œil rouge et douloureux AVEC baisse d’acuité visuelleKératite aiguë (mais le test à la fluorescéine serait positif et l’atteinte centrale)
Uvéite antérieure aiguë (chambre antérieure inflammatoire avec signe de Tyndall, précipités rétrocornéens, synéchies irido-cristalliniennes...)
GAFA
Glaucome néovasculaire
Endophtalmie
Traumatisme/Contusion oculaire
Question 2 - Pour avancer dans votre diagnostic, vous décidez de réaliser : 
Test pouvant être utilisé en cardiologie (accélère l’automatisme du nœud sinusal et la conduction dans le nœud auriculo-ventriculaire 
Utile dans le diagnostic de sécheresse oculaire. Après instillation d’une goutte de fluorescéine et attente pendant une minute, on mesure le délai d’apparition de la première zone de rupture du film lacrymal en l’absence de clignement. Le chiffre moyen est de 10 secondes
Utile dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)
Étude de l’angle irido-cornéen dans le cadre des glaucomes
Le test à la néosynéphrine est utile pour différencier une sclérite d’une épisclérite. Il consiste à instiller une goutte de néosynéphrine et à observer la conjonctive.
Dans l’épisclérite, la rougeur disparaît peu de temps après instillation d’un collyre vasoconstricteur type Néosynéphrine Faure®, ce qui n’est pas le cas dans la sclérite.
Question 3 - Finalement, en réalisant le test à la néosynéphrine, l’hyperhémie conjonctivale localisée en région temporale disparaît très peu de temps après. Le diagnostic le plus probable est :
Œil rouge mais indolore
L’épisclérite est une inflammation de l’épisclère qui est le tissu conjonctif entre la conjonctive et la sclère. Elle est généralement idiopathique mais peut être secondaire à des pathologies chroniques de la surface oculaire ou inflammatoires systémiques. Il est nécessaire de rechercher une maladie de système en cas de récidive. La rougeur disparaît après instillation d’un collyre vasoconstricteur (Néosynéphrine Faure®). Elle peut être simple ou nodulaire. Le traitement repose sur des collyres anti-inflammatoires type corticoïdes sur une courte période associés à des agents mouillants. La douleur oculaire est modérée. L’examen de la chambre antérieure est normal.
Vous traitez cette épisclérite et tout rentre dans l’ordre. La patiente revient vous voir l’année suivante en urgence. Elle présente une rougeur et une douleur de son œil droit, avec une baisse d’acuité visuelle. Elle rapporte une dyspnée d’aggravation progressive depuis plusieurs mois malgré l’absence d’intoxication tabagique. Elle a remarqué que son œil droit était plus « rouge » que l’autre depuis la veille. À noter l’absence de notion de traumatisme oculaire.
À l’examen, vous retrouvez : acuité visuelle corrigée à 7/10 Parinaud 2 à droite, non améliorable malgré la correction optique, et de 10/10 Parinaud 2 à gauche ; pression intra-oculaire : 12 mmHg à droite, 18 mmHg à gauche.
Lampe à fente de son œil droit : voir figures 1A et 1B.

Collection personnelle Natanaël Levy
Question 4 -  Sur cette photographie, vous observez : 
Sur la photographie B
Ce sont les synéchies irido-cristalliniennes qui sont à rechercher en cas de suspicion d’uvéite
Les signes classiques à rechercher dans une uvéite à la lampe à fente sont, d’avant en arrière :
– précipités rétrodescemétiques ;
– phénomène de Tyndall ;
– synéchies irido-cristalliniennes.
Sur ces photographies, on retrouve des synéchies irido-cristalliniennes (A) et des précipités rétrodescemétiques (B).

(A) Synéchies irido-cristalliniennes
(B) Précipités rétrodescemétiques
Question 5 - Vous réalisez un test à la fluorescéine qui revient négatif. Le diagnostic le plus probable est :
Test à la fluorescéine négatif
Œil rouge, indolore sans baisse d’acuité visuelle, chambre antérieure calme, pas de précipités rétrodescemétiques
Les signes d’inflammation du segment antérieur sont présents sur la photographie précédente.
Question 6 - Vous concluez à une uvéite. Quel élément de l’examen clinique devez-vous impérativement réaliser ?
Mesure de l’épaisseur cornéenne, utile dans la mesure précise de la pression intra-oculaire ou pour surveiller des pathologies cornéennes 
Étude de l’angle irido-cornéen
Utile dans le diagnostic d’allergie oculaire
Devant une uvéite, toujours faire un examen du fond d’œil : il permet de définir le type d’uvéite (antérieure, postérieure, intermédiaire, panuvéite...), l’orientation étiologique, la valeur pronostique, et la modification de la thérapeutique.
Question 7 - Finalement, l’examen du fond d’œil est normal. Le bilan à réaliser en première intention dans le cadre du diagnostic est :
Systématique et d’autant plus que la patiente se plaint de dyspnée
Utile pour le diagnostic de sarcoïdose
Pas en première intention 
Un bilan étiologique est indispensable. Il est orienté selon la clinique, mais cependant, dans plus d’un tiers des cas, on ne trouve pas d’étiologie.
Question 8 - Les traitements locaux à mettre en place sont :
Prévention/traitement des synéchies irido-cristalliniennes
Le but du traitement est de : diminuer l’inflammation par le biais des corticoïdes ; prévenir et/ou supprimer les synéchies irido-cristalliniennes par le collyre mydriatique. Il a également un effet antalgique.
Après avoir réalisé des examens complémentaires, vous concluez à une sarcoïdose systémique, l’épisclérite et l’uvéite ayant été les deux manifestations révélatrices de cette pathologie chez votre patiente.
La patiente bénéficie d’un traitement systémique dans le cadre de la sarcoïdose. Elle est traitée au long cours par corticothérapie. Elle ne fait aucune autre poussée d’uvéite et ne revient donc pas vous voir pendant plusieurs années.
Elle revient vous consulter quinze ans plus tard. L’examen retrouve une acuité visuelle est à 10/10e de loin avec -1 (-1,50 à 90°) Parinaud 2 de près avec une addition de +1,50 dioptrie à droite, et à gauche à 10/10e de loin avec -1 (-1,75 à 90°) Parinaud 2 de près avec une addition de +1,50 dioptrie. La pression intra-oculaire, mesurée par aplanation, est à 23 mmHg aux deux yeux.
L’examen à la lampe à fente ne retrouve aucune anomalie, en particulier pas de synéchies irido-cristalliniennes.
Question 9 - L’élément suivant est indispensable pour interpréter la valeur mesurée de pression intra-oculaire : 
Étude de l’angle irido-cornéen
Mesure de l’épaisseur cornéenne
Une pachymétrie épaisse surestime la pression intra-oculaire alors qu’une pachymétrie fine la sous-estime.
La pression intra-oculaire peut donc être normale chez cette patiente (< 21 mmHg si sa pachymétrie est épaisse...).
 La pachymétrie est fine aux deux yeux. Le fond d’œil montre des maculas saines, une papille avec un rapport c/d à 0,6 aux deux yeux, non œdématiée, et une rétine à plat sur 360° aux deux yeu
Question 10  -  Quels sont  les autres examens à réaliser :
Elle permet l’étude de l’angle irido-cornéen. Elle permet de préciser si l’angle est ouvert ou fermé
Il permet de rechercher un retentissement de son excavation papillaire
Mesure de l’épaisseur des fibres optiques
Ils sont indiqués dans d’autres pathologies, les neuropathies optiques rétro-bulbaires, par exemple 
C’est l’enregistrement de l’activité électrique de la rétine en réponse à une stimulation lumineuse. Il est utile pour diagnostiquer les dystrophies rétiniennes
La pachymétrie est fine aux deux yeux, ce qui signifie que la pression intra-oculaire est sous-estimée donc supérieure à la normale (> 21 mmHg).
 Vous faites réaliser l’examen suivant (figure 2).

Collection personnelle Natanaël Levy.
Question 11: Les affirmations exactes sont :
Scotome rattaché à la tache aveugle
Périmétrie statique : on présente un test lumineux fixe, dont on augmente l’intensité jusqu’à ce qu’il soit perçu par le sujet.
C’est une méthode d’examen plus précise que le Goldmann, qui explore de façon fine le champ visuel central : elle est ainsi indiquée dans les pathologies du nerf optique et au cours du glaucome. C’est la méthode de choix dans le dépistage et la surveillance du glaucome chronique.
La gonioscopie montre un angle ouvert aux deux yeux. Vous concluez donc à un glaucome chronique à angle ouvert.
Question 12 - Les facteurs de risque de glaucome chronique présents chez cette patiente sont :
Le principal facteur de risque de glaucome chronique est l’hypertonie oculaire.
Les autres facteurs de risque sont :
– l’âge : incidence augmente à partir de 40 ans, en particulier après 70 ans ;
– les facteurs de risque cardiovasculaire : hypotension artérielle, diabète ;
– l’éthnie : noire ;
– la myopie ;
– les antécédents familiaux de glaucome : 30 % des glaucomes ont un caractère héréditaire ;
– les effets iatrogènes : corticoïdes.
Question 13 - Le traitement médical en première intention est :
Contre-indiqué ici car la patiente est asthmatique
Une seule goutte le soir
Utilisé pendant une courte période lors d’hypertonie majeure et en l’absence de contre-indication
Monothérapie en première intention : bêtabloquant ou prostaglandines.
Attention aux contre-indications des bêtabloquants : ici, asthme chez la patiente.
Les effets indésirables des prostaglandines doivent être connus : modification de la coloration de l’iris, augmentation de la pousse des cils.
Le traitement est prescrit dans les deux yeux et à vie.
Vous optez pour une monothérapie à base de prostaglandines.
La patiente ne revient pas aux consultations de suivi.
Elle revient vous voir trois ans plus tard en urgence, pour baisse d’acuité visuelle de l’œil droit depuis vingt-quatre heures. L’examen à la lampe à fente est inchangé par rapport au précédent. L’œil est blanc et indolore et la patiente ne rapporte pas de notion de traumatisme oculaire. La pression intra-oculaire est à 25 mmHg aux deux yeux. L’acuité visuelle corrigée est de voir bouger la main à un mètre à droite et de 10/10 P2 à gauche.
Question 14 - Les hypothèses à évoquer concernant l’œil droit chez cette patiente sont :
Hypertonie oculaire = facteur de risque d’OVCR
Possible devant une baisse de vision brutale, sévère, avec œil blanc indolore
Possible devant une baisse d’acuité visuelle sur œil blanc/indolore chez une patiente myope
Pas d’hypertonie majeure, lampe à fente inchangé donc pas de rubéose irienne, et GNV = œil rouge et douloureux avec hypertonie oculaire majeure
Angle ouvert sur la dernière gonioscopie et GAFA = hypertonie oculaire majeure, œil rouge et douloureux, pas de modification de l’examen à la lampe à fente
Les principaux diagnostics à évoquer devant une baisse d’acuité visuelle avec œil blanc indolore sont :
– hémorragie intravitréenne ;
– OVCR, OACR ;
– neuropathie optique ischémique antérieure (NOIA) ;
– décollement de rétine macula off ;
– œdème maculaire (diabète, OVCR, DMLA exsudative…) ;
– accident vasculaire cérébral (AVC).
Le fond d’œil droit est le suivant 

Collection personnelle Natanaël Levy.
Question 15 -  Les éléments présents sur le fond d’œil sont :
On peut également trouver des nodules cotonneux dans les OVCR, qui sont des signes d’ischémie.
Les hémorragies disséminées sur la surface rétinienne peuvent être de deux types : superficielles (en flammèches) ou profondes (en taches).

 

 

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien