M. B., 72 ans, consulte à votre cabinet de médecine générale accompagné de son épouse pour de curieux phénomènes. En effet, récemment, il lui est arrivé à trois reprises d’avoir du mal à parler. Son épouse vous rapporte qu’il « bafouillait » pendant quelques secondes ou minutes. Les trois épisodes sont survenus à des moments complètement différents de la journée, sans horaire particulier. M. B. est inquiet car il n’arrivait pas à « trouver ses mots », ce qui ne lui était jamais arrivé auparavant. Dans ses antécédents, il vous rapporte un syndrome coronaire aigu traité par la pose d’un stent en 2000 et un tabagisme à 20 paquets-année sevré depuis cet accident. Votre examen clinique ne retrouve pas de déficit sensitif ni moteur mais montre une hyper-réflexivité ostéo-tendineuse de l’hémicorps droit avec signes de Hoffmann et de Babinski droits. Il n’y a pas d’anomalie des nerfs crâniens.
Question 1 - Vous déduisez de votre examen clinique que M. B. présente :
L’association d’une hyper-réflexivité ostéo-tendineuse de l’hémicorps droit avec signes de Hoffmann et de Babinski droits signifie qu’il existe une atteinte de la voie pyramidale droite. Comme le syndrome pyramidal est associé à des troubles de la parole, il faut d’emblée évoquer une origine encéphalique et non pas médullaire. Puisque le syndrome pyramidal est hémicorporel droit, on recherchera une atteinte encéphalique controlatérale, de l’hémisphère gauche, qui explique bien l’association à des troubles de la parole.
Question 2 - Au vu des résultats de votre examen clinique, vous suspectez une atteinte de la (des) structure(s) anatomique(s) suivante(s) :
L’association d’un syndrome pyramidal droit avec des épisodes d’aphasie transitoire à type de manque du mot signe une atteinte de l’hémisphère gauche et plus précisément du lobe frontal gauche. Les structures probablement impliquées ici sont l’aire motrice du langage (aire de Broca), située au niveau de la circonvolution frontale inférieure (F3) et les régions motrices de l’hémisphère gauche (homonculus moteur et régions pré-rolandiques gauches). La région pré-rolandique gauche est la région située en avant du sillon de Rolando. Il s’agit donc de l’homonculus moteur gauche. L’atteinte de l’aire de Wernicke au niveau du lobe temporal gauche se traduit cliniquement par des difficultés de compréhension, ce qui n’est pas le cas ici. Comme le syndrome pyramidal est associé à des troubles de la parole, il faut d’emblée évoquer une origine encéphalique et non pas médullaire.
Question 3 - Vous prescrivez donc en première intention :
L’examen de première intention à demander devant ce tableau clinique est une IRM cérébrale avec injection de produit de contraste (gadolinium) qui permettra de localiser précisément la lésion et d’orienter sur sa nature. Le scanner ne sera pas assez précis et nous ne sommes pas dans une situation d’urgence. L’électro-encéphalogramme ne précisera pas la nature de la lésion ni son siège, au mieux il permettra de mettre en évidence la nature épileptique des épisodes d’aphasie.
M. B. revient vous voir un mois plus tard avec le résultat de l’IRM cérébrale que vous lui avez prescrite dont voici un cliché (image 1) :
Question 4 - Indiquez les propositions exactes :
Il s’agit d’une IRM en séquence T1 car le liquide est noir (ce qui est le cas de la séquence T1 ou FLAIR) et que la substance blanche est blanche et la substance grise est grise (T1 uniquement). L’injection de produit de contraste est visible au niveau de la lésion qui se rehausse (signe l’existence d’une néovascularisation) et des vaisseaux méningés. Une telle lésion arrondie accompagnée d’une prise de contraste et d’un œdème péri lésionnel (en hyposignal car il s’agit de liquide) évoque avant tout une origine tumorale. Un cavernome donnerait une image hétérogène, avec une prise de contraste variable, sans œdème péri-lésionnel. Ils sont mieux visibles par la séquence T2* en raison de leur forte susceptibilité magnétique (dépôts d’hémosidérine).
L’IRM conclut à la présence d’une lésion cérébrale frontale antérieure gauche à contenu mixte tissulaire et vasculaire, sans remaniement hémorragique, associée à un œdème péri-lésionnel modéré dont l’origine reste encore indéterminée.
Question 5 - Vous en déduisez donc que l’origine la plus probable des épisodes d’aphasie de M. B. est :
M. B. décrit des épisodes d’aphasie transitoires. Les trois hypothèses principales à évoquer devant des épisodes neurologiques transitoires sont l’accident ischémique transitoire (AIT), l’épilepsie et la migraine avec aura. Il est peu probable que l’état prothrombotique lié au cancer donne des AIT systématisés dans le même territoire. On observe cela en cas de sténoses carotides emboligènes. Les hémorragies cérébrales intra-parenchymateuses se manifestent exceptionnellement par des déficits transitoires mais cela peut se rencontrer lors d’hémorragies de faible volume. Cependant, la tumeur ne présente pas de remaniement hémorragique et, même si elle en présentait, ceux-ci ne pourraient pas être responsables d’épisodes d’aphasie du fait de la localisation antérieure de la tumeur, alors que la zone responsable d’une aphasie à type de manque du mot est la région operculaire/l’aire de Broca située au niveau du gyrus frontal inférieur (F3), à la partie postérieure basse du lobe frontal. L’œdème péri-lésionnel s’étend à la partie postérieure du lobe frontal et semble atteindre l’aire de Broca. Cependant, si l’œdème entraînait un effet de masse sur cette région, M. B. présenterait une aphasie permanente et non pas des épisodes d’aphasie transitoires. La seule hypothèse permettant d’expliquer les épisodes d’aphasie décrits par M. B. est donc celle de crises épileptiques focales gauches liées à l’hyperexcitabilité des neurones de la zone de Broca lésés par l’œdème (voir image 2).
Question 6 - Votre hypothèse diagnostique principale concernant la lésion cérébrale est :
L’hypothèse à prioriser devant une lésion cérébrale arrondie se rehaussant de manière importante avec le produit de contraste est celle d’une métastase cérébrale. Elles sont bien plus fréquentes que les tumeurs primitives cérébrales. La preuve diagnostique repose nécessairement sur un examen anatomopathologique qui est le plus souvent réalisé sur la tumeur primitive ou des adénopathies, plus facilement accessibles.
Vous suspectez une origine métastatique.
Question 7 - Vous allez donc rechercher en priorité les tumeurs primitives suivantes :
Les deux causes les plus fréquentes de métastases cérébrales sont les cancers du poumon et du sein. Viennent ensuite le rein, le côlon et les mélanomes.
M. B. revient vous voir une semaine plus tard avec le résultat du scanner thoraco-abdomino-pelvien que vous lui avez prescrit (image 3).
Question 8 - Indiquez les réponses exactes concernant les légendes du scanner :
Voici les réponses exactes :
Le scanner thoracique retrouve, en plus de l’image précédente, une masse pulmonaire apicale droite spiculée.
Question 9 - Vous allez donc programmer l’examen clé suivant à visée diagnostique :
Le diagnostic de cancer repose sur une preuve anatomopathologique. La structure anatomique choisie pour la réalisation de la biopsie sera la plus facilement accessible, impliquant un geste le moins invasif possible. Ici, il s’agit des adénopathies médiastinales qui seront facilement atteintes grâce à la fibroscopie bronchique couplée à l’écho-endoscopie.
Une fibroscopie bronchique avec écho-endoscopie est programmée prochainement.
Question 10 - Avant la réalisation de ce geste vous vous assurez que M. B. :
L’écho-endoscopie est un examen réalisé le plus souvent sous anesthésie locale chez un patient à jeun qui ne présente pas de signe de détresse respiratoire aiguë. Il est indispensable de s’assurer que le patient ne présente pas de troubles de l’hémostase et une numération plaquettaire normale, et qu’il ne prend pas de traitement antiagrégant ou anticoagulant, afin de limiter le risque de saignement post-biopsie. Il faut également signer un formulaire attestant l’absence de risque de maladie de Creutzfeldt-Jacob.
L’examen anatomopathologique de l’adénopathie biopsiée conclut à un adénocarcinome TTF1+ associé à une mutation activatrice du récepteur de l’EGF (epidermal growth factor).
Question 11 - Vous complétez votre bilan d’extension par :
Il n’est pas utile de refaire l’IRM cérébrale en l’absence de nouveau signe clinique. L’origine de la tumeur d’après l’ensemble des examens est sans aucun doute une métastase cérébrale et l’imagerie spécifique n’apportera pas d’information supplémentaire sur sa nature. Le bilan d’extension recommandé pour les adénocarcinomes comporte une imagerie cérébrale et un scanner TAP afin de déterminer la dissémination aux autres organes (stade M) mais aussi une TEP-TDM au 18-FDG afin de déterminer l’extension ganglionnaire (stade N).
La TEP-TDM au 18-FDG met en évidence une extension ganglionnaire et hépatique.
Question 12 - Le(s) traitement(s) à proposer à M. B. repose(nt) sur :
Le traitement des cancers disséminés (stade IV) est un traitement systémique par chimiothérapie à base de sels de platines. Le traitement local chirurgical est réservé aux cancers localisés (stades I et II) et la radiothérapie thoracique aux cancers localisés non opérables ou aux cancers localement avancés (stade III). Un traitement ciblé par inhibiteur de la tyrosine kinase (ITK) pourra être associé à la chimiothérapie en cas d’addiction oncogénique (EGFR, ALK, ROS1), ce qui est le cas ici. L’immunothérapie est indiquée dans le traitement des cancers disséminés exprimant PD-L1, ce qui n’est pas mentionné chez M. B.
Avant même d’avoir débuté sa chimiothérapie, M. B. revient vous voir car il se plaint depuis une semaine d’une douleur de la face médiale du bras et de l’avant-bras droit. Votre examen clinique retrouve un déficit minime des interosseux et de l’extension des doigts et du poignet droit.
Question 13 - Vous suspectez donc une atteinte de la(les) structure(s) anatomique(s) suivante(s) :
L’association d’une atteinte du territoire ulnaire (interosseux) et radial (extenseurs des doigts et du poignet) à des douleurs radiculaires de trajet C8 (face médiale du bras et avant-bras) signe une atteinte de la racine C8-T1 droite. L’atteinte C7 donnerait une douleur suivant la face postérieure du bras et de l’avant-bras associée à un déficit du triceps, et une diminution du réflexe tricipital. L’atteinte du tronc primaire supérieur du plexus brachial se manifesterait par un déficit du biceps et du deltoïde.
Vous notez par ailleurs une anomalie oculaire que vous n’aviez pas remarquée auparavant (image 4).
Question 14 - Vous en déduisez que M. B. présente :
Les photographies mettent en évidence une anisocorie et un ptosis droit. L’anisocorie est plus marquée dans l’obscurité, il s’agit donc d’un myosis droit et non pas d’une mydriase gauche (l’anisocorie serait alors plus marquée à la lumière). De plus, la pupille pathologique est la pupille la moins variable lors du changement d’ambiance lumineuse (la droite ici). M. B. présente donc un syndrome de Claude Bernard-Horner droit qui associe ptosis, myosis et impression d’énophtalmie droite. L’association d’une atteinte radiculaire C8-T1 et d’un syndrome de Claude Bernard-Horner signe une extension loco-régionale du cancer de l’apex au niveau de la racine C8-T1 et porte le nom de syndrome de Pancoast-Tobias.
Le syndrome de Parsonage-Turner est une atteinte dysimmunitaire du plexus brachial dont le tableau clinique typique est celui d’une violente douleur de l’épaule et du bras suivi d’une amyotrophie. Le syndrome cave supérieur est lié à la compression de la veine cave supérieure par la tumeur ou des adénopathies latéro-trachéales droites. Il se manifestera entre autres par un œdème dit en pèlerine, une dyspnée, des céphalées et une cyanose.
Le syndrome de Parsonage-Turner est une atteinte dysimmunitaire du plexus brachial dont le tableau clinique typique est celui d’une violente douleur de l’épaule et du bras suivi d’une amyotrophie. Le syndrome cave supérieur est lié à la compression de la veine cave supérieure par la tumeur ou des adénopathies latéro-trachéales droites. Il se manifestera entre autres par un œdème dit en pèlerine, une dyspnée, des céphalées et une cyanose.
Question 15 - Le syndrome de Claude Bernard-Horner de M. B. est liée à une dysfonction :
Le syndrome de Claude Bernard-Horner est lié à une dysfonction du système sympathique qui est responsable de la dilatation pupillaire. Les étiologies de CBH sont variées et suivent le trajet de la chaîne sympathique :
– dissection carotidienne : plexus sympathiques autour de l’artère carotide interne ;
– syndrome de Wallenberg : voies sympathiques dans le tronc cérébral ;
– syndrome de Pancoast-Tobias : ganglion stellaire, ganglion cervico-thoracique du tronc sympathique ;
– compression médullaire en C8-D1 : ganglion stellaire ;
– algie vasculaire de la face : dérégulation « globale » du système sympathique.
– dissection carotidienne : plexus sympathiques autour de l’artère carotide interne ;
– syndrome de Wallenberg : voies sympathiques dans le tronc cérébral ;
– syndrome de Pancoast-Tobias : ganglion stellaire, ganglion cervico-thoracique du tronc sympathique ;
– compression médullaire en C8-D1 : ganglion stellaire ;
– algie vasculaire de la face : dérégulation « globale » du système sympathique.