Un patient de 25 ans consulte le 17 novembre 2018 pour une fièvre apparue depuis le 8 novembre 2018.

Il a effectué un voyage touristique en Thaïlande du 31 août au 17 septembre 2018.

Vaccination à jour d’après le patient (carnet de santé non vu). Non immunodéprimé. Pas de rapport sexuel à risque. Pas de chimioprophylaxie antipaludique. Baignade en eau douce durant le séjour.

Consommation de nourriture locale, y compris de jus de fruits frais et de glaçons.

Durant le séjour, un épisode fébrile les 8 et 9 septembre avec frissons sans point d’appel motivant une automédication par amoxicilline 2 jours puis résolution.
Question 1 - Avant son séjour vous auriez proposé la(es) mesure(s) préventive(s) suivante(s) :
Prophylaxie antipaludique : Afrique subsaharienne en systématique ; Amérique du Sud uniquement si nuitées en Amazonie ; Asie du Sud-Est au cas par cas (non, en général, pour les circuits touristiques classiques).
Vaccinations du voyageur :
– péril fécal : hépatite A et fièvre typhoïde ;
– ceinture de la méningite, Mecque : méningocoque ACWY conjugué ;
– Afrique et Amérique du Sud : fièvre jaune (pas en Asie) ;
– situation d’isolement, jeunes enfants, zone endémique : rage ;
– Asie du Sud-Est, zone rurale : encéphalite japonaise.
Aucune des mesures préventives n’a été réalisée par le patient.
Question 2 - Pour l’épisode actuel, devant une fièvre isolée, et compte tenu du délai possible d’incubation et de l’épidémiologie des pays visités, vous évoquez :
Paludisme :
– 95 % du paludisme d’importation métropolitain en provenance d’Afrique subsaharienne, essentiellement à Plasmodium falciparum (85 %).
Durée d’incubation :
– minimale : P. falciparum : 7 jours ; autres : 10 jours
– maximale : P. falciparum : 3 mois dans 95 % des cas ; P. vivax et ovale : 3 ans ; P. malariae : > 10 ans
Incubation courte (5 jours)
L’amœbose colique ne donne pas de fièvre : en cas de fièvre, évoquer une amœbose hépatique ou un diagnostic différentiel.
Incubation variable, en général > 1 mois.
Incubation classique 2 semaines.
Incubation courte : < 7 jours : arboviroses, diarrhées infectieuses ; < 2 semaines : typhoïde, leptospirose, rickettsioses, borrélioses.
Incubation longue : > 2 semaines : paludisme, virus de l’immunodéficience humaine (VIH), schistosomose, amœbose hépatique, hépatites virales.
Le patient se plaint d’une dyspnée, d’une toux non productive et d’une douleur de l’hypochondre droit irradiant l’épaule droite (un épisode de vomissement à domicile).
L’examen clinique initial retrouve :
– température à 38,8 °C ; pouls à 100 battements par minute (bpm). Saturation à 100 % en air ambiant ; tension à 127/60 mmHg ;
– abdominal : pas de trouble du transit, pas de nausée, pas de vomissement, douleur hypochondre droit avec projection épaule droite, hépatomégalie de 2 travers de doigt, douleur à la palpation hypogastrique à droit sans défense, conjonctive jaune ;
– cardiologique : bruits du cœur réguliers, pas de souffle cardiaque ; mollets souples ;
– pulmonaire : crépitant en base gauche avec diminution du murmure vésiculaire en base droite ; pas de bruit surajouté ;
– neurologique : Glasgow 15, orienté ; examen neurologique normal ;
– urologique : brûlures mictionnelles ; pas d’écoulement urétral, urines foncées ;
– pas de douleur articulaire ;
– examen cutané sans anomalie.
Question 3 - Vous décidez de réaliser le(s) examen(s) suivant(s) :
(PMZ.) Ne pas oublier le paludisme devant toute fièvre au retour d’un pays tropical.
Dengue et autres arboviroses : incubation courte 7 jours.
(PMZ.) Triade de Charcot : douleur, fièvre, ictère ; indication à une imagerie abdominale en urgence pour éliminer/rechercher une angiocholite (indication chirurgicale urgente).
Le frottis sanguin est réalisé et retrouve : présence de trophozoïtes sanguins, P. ovale.
Question 4 - Vous évoquez un accès palustre :
Ictère clinique = critère de gravité (CHUCHI GLAPIRA).
= récidive liée à la présence d’hypnozoïtes : P. vivax et ovale.
Forme associée à un infection chronique (pays endémiques, enfant) associant splénomégalie, fièvre prolongée, anémie, hypergammaglobulinémie polyclonale (IgG), frottis sanguin positif.
Forme associée à une infection chronique (pays endémique, plutôt adulte), associant splénomégalie, frottis sanguin négatif, hypergammaglobulinémie polyclonale (IgM).
Critères de gravité du paludisme (P.falciparum +/- vivax) : CHUCHI GLAPIRA :
Choc : défaillance neurologique ; respiratoire, cardiocirculatoire.
Hémoglobinurie macroscopique.
Convulsions.
Hémorragie : définition clinique.
Ictère : clinique ou bilirubine totale > 50 mmol/L.
Glycémie : hypoglycémie.
Lactatémie.
Anémie : Hb < 7 g/dL.
Parasitémie : > 4 %.
Insuffisance rénale.
Acidose.
Voici le bilan biologique sanguin :
Question 5 - Quel(s) consommation(s) ou déficit(s) en cofacteur(s) peu(ven)t expliquer les troubles de l’hémostase observés ?
Une baisse du TP est forcément un déficit ou une consommation en facteur VII (non exploré par le TCA contrairement aux autres cofacteurs, explorés par le TCA et le TP = voie commune).
 
Le patient n’a pas eu de récidive de ses vomissements.
Question 6 - Concernant ce primo-accès palustre à Plasmodium ovale vous pouvez proposer un traitement de première intention par :
Nécessite la recherche préalable d’un déficit en G6PD (contre-indiquant le traitement, le cas échéant).
Traitement d’un accès palustre P. falciparum :
– simple sans vomissement : dérivés de l’artémisine per os ;
– vomissement : quinine IV ;
– grave : artésunate IV.

Traitement d’un accès palustre non falciparum :
– vomissement : quinine IV ;
P. vivax/ovale : chloroquine ou dérivés de l’artémisine per os + primaquine (ATU, en l’absence de déficit en G6PD, prévient les accès de reviviscence) ;
P. malariae : chloroquine.
Un scanner thoraco-abdominopelvien est réalisé :
Source : E. Le Dault.
Question 7 - Vous retenez :
Paroi épaisse en faveur d’un abcès.
Kyste : cloison fine, contenu homogène.
Question 8 - Vous suspectez sur le plan étiologique :
Kystes centrés sur un scolex spontanément hyperdense, habituellement cérébraux ou intramusculaires.
La distomatose est responsable d’atteinte des voies biliaires : cholécystite, angiocholite.
Impasse parasitaire, larva migrans viscéral.
Vous suspectez un abcès bactérien ou une amœbose hépatique.
Question 9 - Quel(s) élément(s) clinique(s) et/ou paraclinique(s) est (sont) pour vous discriminant(s) entre l’hypothèse amibienne et bactérienne (= permettent d’orienter plutôt vers l’une ou l’autre étiologie) ?
Aucun des éléments précédents n’est discriminant.
Question 10 - Pour orienter votre diagnostic, vous réalisez :
Pas d’orientation spécifique supplémentaire.
1er examen à discuter : ponction de l’abcès à visée diagnostique +/- thérapeutique.
Examens à réaliser devant un abcès hépatique (par ordre d’importance) :
– hémocultures -> recherche d’une bactériémie notamment à Klebsiella pneumoniae et Staphylococcus aureus (2 principales étiologies bactériennes : mécanisme hématogène ou porte d’entrée digestive par le système porte -> endoscopies digestives dans un second temps) ;
– sérologie amœbose (amœbose hépatique) ;
– examen parasitologique des selles (amœbose hépatique et digestive) ;
– coproculture.
Devant la taille des abcès et la cholestase ictérique, il est décidé de réaliser un drainage échoguidé de l’abcès.
Question 11 - Vous débutez après la ponction un traitement par :
Ne couvre pas l’hypothèse d’une amœbose.
Cible les entérobactéries, élimination biliaire.
Amœbicide tissulaire et antibiotique large sur les anaérobies.
Ne couvre pas l’hypothèse d’une amœbose.
Le traitement probabiliste d’un abcès hépatique au retour d’un pays tropical doit couvrir les principales hypothèses diagnostiques :
– abcès bactérien (entérobactéries, anaérobies) ;
– amœbose hépatique.
En règle générale, les résultats microbiologiques sont attendus avant de débuter une antibiothérapie dans les indications suivantes :
– cystite aiguë à risque de complication bien tolérée ;
– infection urinaire masculine bien tolérée sans fièvre (contre-indication assez théorique…)
– infections ostéo-articulaires (excepté arthrite septique aiguë, bactériémie associée, sepsis/choc septique).
Une antibiothérapie post-ponction par ceftriaxone et métronidazole est débutée.
Dans le cadre du bilan étiologique, les examens suivants sont rendus :
– hémocultures : stériles ;
– sérologie amœbose : positive ;
– coproculture : absence de bactérie pathogène ;
– examen parasitologique des selles : Entemœba histolytica histolytica ;
– examen parasitaire et bactériologique du liquide de la ponction de l’abcès : pus couleur chocolat macroscopiquement ; culture stérile, absence d’amibes.
Question 12 - Vous adaptez votre traitement par :
Amœbicide contact (évite les récidives) : tiliquinol-tilbroquinol.
Traitement d’une amœbose :
– amœbicide tissulaire : métronidazole ;
– amœbicide contact (évite les récidives) : tiliquinol-tilbroquinol.
L’évolution est favorable sous traitement.
Question 13 - Dans le cadre du suivi systématique, vous prescrivez le(s) examen(s) complémentaire(s) suivant(s) :
L’échographie se normalise de façon plus lente : à réaliser si l’évolution clinique est défavorable seulement. Une image cicatricielle peut persister.
Pas d’intérêt.
Pas d’endoscopies recommandées en systématique en cas d’amœbose ; en revanche, un abcès bactérien doit faire rechercher une porte d’entrée digestive (néoplasie, polype) par la réalisation d’endoscopies digestives.
Critères de guérison : fièvre, douleur et CRP.
Question 14 - Quel(s) conseil(s) délivrez-vous au patient afin de prévenir la maladie (spécifiquement l’amœbose) en cas de nouveau séjour outre-mer ?
Transmission féco-orale (eau, aliments) et manuportée :
– hygiène alimentaire : « boil it, peel it or forget it » (il faut faire bouillir l’aliment, le cuire, l’éplucher ou l’oublier). ;
– hygiène de l’eau : eau en bouteille, ne pas prendre de glaçons ; ou chlorer +/- filtrer son eau (si trouble) ;
– hygiène des mains ;
– protéger les aliments des mouches.
Lors du suivi à 2 mois, alors que le patient n’a pas de troubles du transit, un examen parasitologique des selles retrouve les amibes suivantes : Endolimax nana et Dientamœ bafragilis.
Question 15 - Vous décidez de réaliser :
Seule Entemœba histolytica est une amibe pathogène ; en cas de découverte fortuite d’autres amibes non pathogènes, aucun traitement n’est recommandé.

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