Une patiente de 12 ans, sans antécédent particulier, vient à votre consultation accompagnée de ses parents, pour amaigrissement et douleurs abdominales depuis trois mois cotées 3/10 sur l’échelle numérique.
Question 1 - Les symptômes à rechercher en faveur d’une cause organique digestive sont : 
Plutôt en faveur d’une origine fonctionnelle.
Voir réponse 1.
Tout signe associé à une douleur abdominale chronique oriente plutôt vers une origine organique.
Voir réponse 3.
Voir réponse 3.
Une localisation précise de la douleur abdominale, avec irradiation quotidienne, avec horaires diurne et nocturne, associée à une altération de l’état général et une perte de poids non volontaire, oriente vers une cause organique.
Voir : Mercier JC, Basmaci R, Gaschignard J, et al. Item 269-270 (ancien 267). Douleurs abdominales et lombaires aiguës chez l'enfant et chez l'adulte - Partie : Chez l'enfant. Rev Prat 2020;70(9);e299-308.

 

L’adolescente de 12 ans a diminué volontairement ses ingesta depuis six mois car elle se trouvait trop serrée dans ses vêtements et a subi des moqueries à l’école. 
Elle pèse actuellement 40,5 kg versus 59 kg il y a six mois, et mesure 152 cm. Sa mère mesure 167 cm et son père 185 cm (figures 1 et 2).
Elle n’a jamais eu ses règles.
 
Figure 1

 
Figure 2
Question 2 - À partir de la courbe de croissance staturo-pondérale et l’indice de masse corporelle (IMC), ses paramètres nutritionnels sont :
À 11,5 ans, pour une taille de 152 cm, le poids attendu est de 41 kg.
Calcul PpT = poids réel/poids attendu = 59/41 = 143,9 %.
Calcul TpA = taille moyenne attendue pour l’âge/taille actuelle = 152/152 = 100 %.
Taille cible génétique = (taille mère [cm] + taille père [cm])/2-6,5 cm (filles) = 169,5 cm.
Perte de poids = (poids actuel - poids de référence) / poids de référence = (40,5-59)/59 = -31 %.
L’IMC normal pour un adulte se situe entre 18,5 et 25 kg/m²
IMC = poids (kg)/taille (m²) = 17,5 kg/m². À 12 ans, cet IMC est normal. Par contre, sa perte de poids importante évoque une dénutrition alors que l’IMC est normal.
Elle se plaint également d’une douleur abdominale localisée au niveau de la fosse iliaque droite depuis trois mois (intensité de 2/10 sur l’échelle visuelle analogique [EVA]), depuis son retour de voyage en Asie. Son transit est, depuis, fait de deux à trois selles liquides par jour, sans rectorragie, alors qu’elle avait une selle moulée par jour avant. Elle est apyrétique. Il n’y a pas de retentissement scolaire. 
Question 3 - Les hypothèses diagnostiques sont :
La perte de poids volontaire et importante, avant même que les troubles digestifs ne débutent, évoque une anorexie mentale. Mais la perte d’appétit est aussi en faveur d’une MICI, de même que la douleur en fosse iliaque droite et la diarrhée chronique. Une perte de poids avec diarrhée chronique doit également faire rechercher une maladie cœliaque même en l’absence d’antécédent auto-immun familial ou personnel. 
Le SII est un diagnostic d’élimination, et il existe trop de symptômes en faveur d’une organicité pour l’évoquer en premier lieu. 
Les douleurs abdominales et les troubles du transit durent depuis trop longtemps pour évoquer une simple colite infectieuse, mais il faudra réaliser un examen microbiologique des selles. 
Voir : Cosnes J, Nion-Larmurier I. Item 285 (ancien 282). Diarrhée chronique. Rev Prat. 2017;67(5);3239-45.
& Mercier JC, Basmaci R, Gaschignard J, et al. Item 269-270 (ancien 267). Douleurs abdominales et lombaires aiguës chez l'enfant et chez l'adulte - Partie : Chez l'enfant. Rev Prat 2020;70(9);e299-308. 
Le bilan étiologique retrouve un taux de protéine C-réactive (CRP) à 50 mg/L, une vitesse de sédimentation (VS) à 35 mm, une anémie microcytaire. La coproculture et la virologie des selles sont négatives. Vous évoquez une maladie de Crohn.
Question 4 - Quel(s) autre(s) examen(s) demandez-vous pour étayer votre diagnostic de maladie de Crohn ?
Utile pour le diagnostic de maladie cœliaque, mais pas d’intérêt pour le diagnostic de maladie de Crohn.
HLA B27 associé à la spondylarthrite ankylosante.
Marqueur d’inflammation digestive aspécifique, mais utile au diagnostic et dans le suivi des MICI pour évaluer l’inflammation muqueuse.
Évaluation de l’inflammation grêlique, et recherche de zones de rétrécissement.
Endoscopie œso-gastro-duodénale et iléo-colonoscopie.
Les explorations confirment le diagnostic de maladie de Crohn œsophagienne et iléo-cæcale. Vous faites l’annonce diagnostique à la patiente et à ses parents.
Question 5 - Que leur dites-vous ?
Elles sont souvent multifactorielles : génétique, environnementale, dysimmunité.
Le traitement de fond permet de prévenir les poussées. En cas de poussée, on adapte le traitement de fond ou on ajoute un traitement d’attaque.
Bien que certains patients se sentent mieux sur le plan digestif en évitant certains aliments, il n’y a pas de régime spécifique à suivre.
La transplantation de microbiote fécal (TMF) est encore actuellement une piste de recherche dans les MICI pour induire une rémission durable. En 2021, la seule indication validée par les sociétés savantes de la TMF est l’infection récidivante à Clostridium difficile.
Vous débutez un traitement d’attaque par corticothérapie, et un traitement de fond avec un anti-inflammatoire intestinal (5-ASA) et un immunosuppresseur (azathioprine). Trois mois après le début du traitement, la patiente consulte son référent gastroentérologue. Elle a rattrapé en partie son retard pondéral. Le syndrome inflammatoire a disparu. Et la calprotectine fécale est passée de 800 mg/g à 150 mg/g (N < 50). Elle est en rémission clinicobiologique.
Une semaine plus tard, la patiente consulte aux urgences pour une douleur épigastrique intense (EVA 8/10) évoluant depuis 12 heures, associée à des vomissements alimentaires, non verts et sans fièvre. Vous évoquez une pancréatite aiguë médicamenteuse immuno-allergique sous azathioprine.
 Question 6 - Quelle est votre prise en charge diagnostique et thérapeutique ?
Lipasémie > 3N + douleur épigastrique = pancréatite aiguë.
Il faut éliminer un diagnostic différentiel. La présence d’une lithiase dans les voies biliaires ferait discuter une sphinctérotomie en urgence.
Il est démontré actuellement que la réalimentation doit être la plus précoce possible (dans les 72 heures), par voie orale ou par nutrition entérale, ce qui est de meilleur pronostic qu’une nutrition parentérale seule dans les formes modérées ou sévères de pancréatite.
Une douleur abdominale ne contre-indique pas l’utilisation de morphiniques.
Voir : Mercier JC, Basmaci R, Gaschignard J, et al. Item 269-270 (ancien 267). Douleurs abdominales et lombaires aiguës chez l'enfant et chez l'adulte - Partie : Chez l'enfant. Rev Prat 2020;70(9);e299-308.
Abu-El-Haija M, Uc A, Werlin SL, Freeman AJ, Georgieva M, et al. Nutritional considerations in pediatric pancreatitis: A position paper from the NASPHAN Pancreas Committee and ESPHAN Cystic Fibrosis/Pancreas Working Group. Journal of Pediatric Gastroenterology and Nutrition, 2018 Jul; 67(1):131-43. 
À l’issue de cette pancréatite aiguë médicamenteuse que vous avez déclarée à la pharmacovigilance, vous arrêtez le traitement par azathioprine. Vous faites un relais par anti-TNF alpha de type infliximab. 
 Question 7 - Vous prescrivez le bilan préthérapeutique des anti-TNF alpha :
Non nécessaire en l’absence d’insuffisance cardiaque clinique.
Faure P. Bilan à réaliser et situations particulières avant la mise en route d'une biothérapie ou d'un immunosuppresseur. MICI mémo - Janvier 2017. Cregg (Club de réflexion des cabinets et groupes d'hépato-gastroentérologie).

 

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