Vous êtes interne de garde aux urgences. Un patient de 71 ans est adressé par son médecin traitant pour dyspnée aiguë.

À l’arrivée, les constantes du patient sont : pression artérielle (PA) = 167/119 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 114/min ; température (T) = 37,2 °C ; saturation en oxygène (SpO2) = 82 % en air ambiant ; fréquence respiratoire (FR) 30/min.
Question 1 - Parmi les éléments cliniques suivants, lequel (ou lesquels) vous orienterai(en)t vers une insuffisance cardiaque globale (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Présence fréquente d’épanchement pleural en cas d’insuffisance cardiaque mais généralement indolore.
Signe d’hypercapnie aiguë non spécifique.
Signe d’insuffisance cardiaque droite.
Signe d’insuffisance cardiaque gauche.
Signe non spécifique.
Vous mettez le patient sous 6 L/min d’O2, vous recontrôlez la saturation à 95 %. Malgré cela, le patient a du mal à répondre à vos questions, il finit par vous dire qu’il a été traité il y a vingt ans pour une tuberculose pulmonaire, et qu’il est suivi pour une maladie de Crohn depuis l’âge de 30 ans sans traitement actuellement.
Vous examinez votre patient. Vous notez à l’auscultation une tachycardie sans souffle et des crépitants secs aux bases. Pas de toux, pas d’expectoration, pas de douleur thoracique. Mise en évidence d’œdèmes des membres inférieurs prenant le godet remontant jusqu’aux genoux et d’une turgescence jugulaire.
Question 2 - Quel examen demandez-vous en urgence (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Afin d’évaluer l’hypoxémie et la capnie.
Rechercher le retentissement rénal.
En théorie oui, toujours recherche une infection pulmonaire devant une insuffisance respiratoire aiguë mais dans le cas présent NON ! Le patient ne tousse pas, n’expectore pas et n’a pas de fièvre.
Indiquer dans le cadre d’une hémoptysie. Rappel anatomique : les artères bronchiques ont pour origine l’aorte descendante, à ne pas confondre avec les artères pulmonaires qui proviennent du ventricule droit. En pratique, quand on parle d’angioscanner thoracique, on sous-entend scanner thoracique injecté au temps artériel pulmonaire !
Oui, pour évaluer le caractère chronique d’une hyper- ou hypocapnie. Attention ! En pratique courante les bicarbonates sur le gaz du sang sont calculés à partir de la capnie et non mesurés, c’est pour cela qu’il faut demander systématiquement un dosage du bicarbonate dans le sang.
Vous récupérez les premiers résultats complémentaires : 
– électrocardiogramme (ECG) : tachycardie sinusale, axe normal, pas de bloc atrioventriculaire, bloc de branche droit incomplet, pas de trouble de la repolarisation, QTc = 450 ms ;
– bilan biologique : gaz du sang sous 6 L/min d’O2 ; pH = 7,33 ; PaCO2 = 76 mmHg ; PaO2 = 72 mmHg ; lactate = 1,2 mmol/L ; bicarbonates = 42 mmol/L ; hémoglobine = 14,5 g/dL ; hématocrite = 52 % (norme 40-52 %) ; leucocytes = 5 000/mm3 ; plaquettes = 420 G/L ; troponine = 22 ng/L, B-type natriuretic peptide (BNP) = 459 ng/L ; Na = 131 mmol/L ; K = 4,2 mmol/L ; urée = 6,7 mmol/L ; créatinine = 67 µmol/L ; protides = 90 g/L (norme = 65-80 g/L).
Question 3 - À propos de la prise en charge, quelle(s) est/sont la/les proposition(s) exacte(s) ?
Exact, probabilité clinique faible (cf. score de probabilité clinique de Genève/score de Wells).
Rappel : effet shunt gazométrique : PaCO2+ PaO2 120 mmHg en AIR AMBIANT. Attention ! Ici le prélèvement est fait sous 6 L/min donc effet shunt possiblement caché.
Patient ayant plusieurs défaillances d’organes : respiratoire (hypercapnie, hypoxémie et polypnée), cardiologique (insuffisance cardiaque aiguë) et potentiellement neurologique (difficultés de communication).
Voir réponse 3.
Indispensable dans le cadre d’une insuffisance cardiaque : importance de déterminer la cause et le retentissement grâce à une échographie.
Score de Wells :
– symptômes d’une thrombose veineuse profonde (+ 3 points) ;
– autres diagnostics envisagés moins probables que celui de l’embolie pulmonaire (+ 3 points) ;
– fréquence cardiaque > 100/min (+ 1,5 point) ;
– immobilisations ou chirurgie dans les 4 dernières semaines (+ 1,5 point) ;
– antécédent thromboembolique (+ 1,5 point) ;
– hémoptysie (+ 1 point) ;
– cancer (dans les 6 derniers mois) (+ 1 point).
Score de 0 à 3 : probabilité faible < 8 %.
Score intermédiaire entre 4 et 10 : probabilité de 28 %.
Score supérieur ou égal à 11 : probabilité forte de 74 %.
Le réanimateur décide d’hospitaliser le patient dans son service afin de poursuivre la prise en charge.
En attendant les brancardiers, vous êtes appelé par le laboratoire qui vous indique que les D-dimères de votre patient sont à 750 µg/L et le cardiologue réalise une échographie dont le compte-rendu est le suivant : fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) : 50-55 % ; ventricule droit dilaté avec présence d’un septum paradoxal ; absence de valvulopathie mitro-aortique significative ; pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) = 42 + 15 = 57 mmHg.
Question 4 - Quelle(s) est/sont la/les proposition(s) exacte(s) ?
Rythme sinusal et régulier à l’ECG.
L’augmentation du chiffre de D-dimères n’est pas spécifique et peut se voir dans plusieurs situations : grossesse cancer, infection, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Cependant, la sensibilité pour le diagnostic de maladie veineuse thromboembolique est excellente.
Vous suspectez une embolie pulmonaire devant les D-dimères positifs, un tableau d’insuffisance cardiaque globale et une hypertension pulmonaire à l’échographie.
Pas de contexte infectieux, le patient n’a pas de fièvre, pas de toux ou d’expectoration, ni de syndrome inflammatoire à la biologie (absence d’hyperleucocytose).
Suspicion échographique d’hypertension pulmonaire si PAPs > 35 mmHg.
Vous réalisez un angioscanner thoracique, voici quelques coupes scanographiques (fig. 1-4) :  
Figure 1 (Jacques Durin, La Revue du Praticien)
Figure 2 (Jacques Durin, La Revue du Praticien)
Figure 3 (Jacques Durin, La Revue du Praticien)
Figure 4 (Jacques Durin, La Revue du Praticien)
Question 5 - À propos des résultats de l’angioscanner, quelle(s) est/sont la/les proposition(s) exacte(s) ?
Anomalies parenchymateuses (fig. 5) : poumon droit : cavité avec disparition du parenchyme sain (flèche jaune) et présence de dilatations des bronches cylindriques avec un niveau broncho-aérique (flèche rouge).
Œsophage à peine visible, à ne pas confondre avec la trachée.
Présence d’un défect endoluminal de l’artère pulmonaire droite (fig. 6, flèche bleue).
Voir réponse 1.
Voir réponse 1.
Figure 5 (Jacques Durin, La Revue du Praticien)

 

Figure 6 (Jacques Durin, La Revue du Praticien)
Vous diagnostiquez donc une embolie pulmonaire de risque intermédiaire élevé (marqueurs cardiaques et marqueurs échographiques positifs) nécessitant une surveillance de 48 h minimum dans un service de soins intensifs. Vous avez relié les lésions pulmonaires séquellaires à l’antécédent d’infection tuberculeuse. Vous décidez de débuter un traitement.
Question 6 - À propos du traitement de l’embolie pulmonaire, quelle(s) est (sont) la(les) proposition(s) exacte(s) ?
En première intention anticoagulant direct (AOD) ou héparine de bas poids moléculaire (HBPM) si fonction rénale non altérée (débit de filtration glomérulaire [DFG] > 30 mL/min). Les héparines non fractionnées (HNF) sont utilisées dans le traitement des embolies pulmonaires (EP) à risque élevé.
Pas d’indication en première intention si absence de signe de choc (hypotension artérielle).
Embolie pulmonaire = choc obstructif !!! Les signes d’hémoconcentrations sont liés à une fuite capillaire vers les alvéoles pulmonaires liée à l’obstruction du retour veineux systémique et non à un défaut d’éjection cardiaque. De manière simple, si vous remplissez trop, vous augmentez la distension du ventricule droit (VD) qui empêche le ventricule gauche (VG) de se contracter correctement ce qui aggrave le choc.
Pas d’indication à un traitement antiagrégant dans l’embolie pulmonaire.
Vous avez entrepris le traitement de l’embolie pulmonaire. Le patient s’améliore cliniquement. Votre examen clinique est sans anomalie notable en dehors des crépitants des bases et des œdèmes des membres inférieurs qui vont en diminuant.
Question 7 - À propos de l’apparition de cette embolie pulmonaire, quelle(s) est/sont la/les proposition(s) exacte(s) ?
Non recommandé de manière systématique en l’absence de point d’appel clinique. Il faudra réaliser un interrogatoire et un examen clinique, et se guider sur les éventuelles anomalies pour guider la recherche de cancer, en plus de mettre à jour les dépistages recommandés dans cette population.
Pas d’indication à cette recherche en cas de premier épisode en l’absence de polyglobulie ou de point d’appel.
Pas d’indication à réaliser un bilan de thrombophilie dans le cadre d’un premier épisode de maladie thromboembolique veineuse chez un patient âgé de plus de 50 ans.
La présence de maladie inflammatoire chronique digestive est un facteur de risque persistant de l’apparition d’évènement thromboembolique, surtout si elle est active.
Il s’agit de séquelles.
 

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