Vous recevez en consultation de rhumatologie Mme M., 72 ans, d’origine caucasienne, qui a pour seul antécédent une hypertension artérielle bien contrôlée sous amlodipine. 

Elle n’a pas d’allergie. Elle a depuis deux mois des douleurs des deux épaules, invalidantes. Depuis un mois elle a plus de difficultés à marcher, avec des douleurs du bassin et de la face latérale des cuisses. Les douleurs prédominent le matin au réveil, avec un dérouillage matinal d’une heure. Elle a également depuis trois semaines des douleurs lombaires, qui la réveillent la nuit. Elle n’a pas de fièvre. Son poids est stable à 67 kg. Elle se sent épuisée. Elle prend du paracétamol qui la soulage partiellement. Son médecin lui a prescrit une échographie des épaules dont le compte-rendu est le suivant : « bursite sous-acromio-deltoïdienne bilatérale avec ténosynovite du long biceps à droite ». 

À l’examen clinique, les deux épaules sont douloureuses avec une limitation en rotation externe et en abduction. Vous ne retrouvez pas de clinostatisme mais un signe de la clé des deux côtés et une limitation des hanches dans tous les plans de l’espace. L’abduction contrariée des membres inférieurs est douloureuse. La palpation des épineuses lombaires est douloureuse. Il n’y a pas de raideur rachidienne. Il n’y a pas d’autre articulation douloureuse ou gonflée. Le reste de l’examen clinique est normal.
Question 1 - À ce stade, quelle(s) est/sont votre/vos hypothèse(s) diagnostique(s) ? 
C’est un diagnostic différentiel de la pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) : la polyarthrite rhumatoïde peut parfois débuter tardivement, avec volontiers une atteinte rhizomélique (atteinte des racines des membres donc des épaules et du bassin).
C’est un diagnostic différentiel de la PPR : un rhumatisme à hydroxyapatite ou une chondrocalcinose diffuse peuvent donner ce type d’atteinte.
Le tableau clinique est typique avec une femme de plus de 50 ans qui a des douleurs rhizoméliques d’horaire inflammatoire et une échographie retrouvant une bursite sous-acromio-deltoïdienne bilatérale.
Ce n’est pas le tableau. Le rhumatisme psoriasique touche préférentiellement les articulations périphériques (orteils, doigts). Il est associé dans 90 % des cas à un psoriasis cutané.
Ce n’est pas le tableau. La spondylarthrite ankylosante correspond à une atteinte inflammatoire axiale (rachis, bassin). Les rachialgies doivent évoluer depuis plus de trois mois, avec une raideur rachidienne à l’examen. Elle concerne plutôt les hommes jeunes.
Question 2 - Quel(s) examen(s) complémentaire(s) peuvent vous aider à ce stade dans votre démarche diagnostique ?
La présence d’un syndrome inflammatoire est quasi systématique dans la PPR.
Ce n’est pas un examen de première intention en raison de son coût et de son caractère irradiant. Il doit être réservé aux situations diagnostiques difficiles.
Il permet de documenter l’atteinte rhizomélique et de rechercher des érosions (absentes dans la PPR), des calcifications (qui seraient présentes dans le rhumatisme à hydroxyapatite ou la chondrocalcinose).
Ils seront élevés dans la polyarthrite rhumatoïde.
Le diagnostic de PPR repose sur un faisceau d’arguments et l’on doit écarter les diagnostics différentiels avant de pouvoir l’affirmer.
Le diagnostic de pseudo-polyarthrite rhizomélique repose sur un faisceau d’arguments clinique, biologique et iconographique. 
Il nécessite d’éliminer les diagnostics différentiels que sont notamment les autres rhumatismes inflammatoires chroniques.
Les examens complémentaires suivants ont été réalisés. 
Bilan biologique : numération formule sanguine (NFS) normale ; plaquettes = 156 G/l ; ionogramme sanguin normal. CRP = 42mg/L ; vitesse de sédimentation (VS) = 50 mm à 1 h ; fonction rénale normale ; aspartate aminotransférase (ASAT) = 24 UI/L ; alanine aminotransférase (ALAT) = 25UI/L ; gamma-glutamyl transférase (GGT) = 1,5 N ; taux de prothrombine (TP) = 80 %, temps de céphaline activée (TCA) = 1,1 ; fibrinogène = 6,9 g/L. Facteur rhumatoïde négatif. Anticorps anti-CCP négatifs. 
Échographie des hanches : épanchement coxofémoral bilatéral de grande abondance. Présence d’une bursite du moyen fessier à gauche. 
Radiographie des épaules et des hanches : normales, notamment pas d’érosion, pas de calcification.
Question 3 - Votre externe vous suggère de réaliser une ponction de hanche, qu’en pensez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ? 
Pas de contre-indication si les plaquettes sont > 50 G/L. En dessous, il n’y a pas de seuil clairement défini.
Toutes les articulations peuvent être ponctionnées, la technique dépend de l’expérience de l’intervenant. La ponction sera guidée par échographie ou radiographie.
L’analyse du liquide articulaire est toujours utile et doit être réalisée dès que possible : elle permet la recherche d’une inflammation, de cristaux pour éliminer une pathologie microcristalline, et d’éliminer une arthrite septique.
La ponction de hanche se réalise sans anesthésie, le plus souvent sous repérage échographique ou radiographique.
Les principales contre-indications à la ponction articulaire sont les suivantes : 
– présence de lésions cutanées au niveau du site de ponction (risque infectieux majoré) ;
– anomalie de la coagulation acquise (par exemple prise d’anticoagulants) ou innée (par exemple hémophilie). Cela est surtout valable pour les articulations profondes comme la hanche ; 
– thrombopénie < 50 G/L (mais pas de seuil clairement défini) ;
– matériel prothétique (risque infectieux accru).
Vous réalisez une ponction de la hanche droite sous échographie et vous retirez 5 mL d’un liquide trouble que vous adressez au laboratoire. 
L’analyse est la suivante : 7 699 éléments/mm3, pas de cristaux visualisés, pas de germe retrouvé après 48 heures de culture.
Question 4 - Quelle est votre principale hypothèse diagnostique devant l’ensemble du tableau clinique ? 
Le liquide articulaire est inflammatoire (> 2 000 éléments). 
Nous avons tous les éléments pour conclure au diagnostic de PPR : 
– atteinte rhizomélique d’horaire inflammatoire et asthénie ;
– syndrome inflammatoire biologique ;
– liquide articulaire inflammatoire ;
– élimination des diagnostics différentiels : pas de calcification ou de microcristaux dans le liquide articulaire pour une pathologie microcristalline, pas de germe pour une oligo-arthrite septique, facteur rhumatoïde (FR) et anti-CCP négatifs et pas d’érosion pour une polyarthrite rhumatoïde. 
La réponse au traitement confirmera le diagnostic a posteriori.
Vous faites le diagnostic de pseudo-polyarthrite rhizomélique.
Question 5 - Quel(s) élément(s) clinique(s) potentiellement associé(s) devez-vous rechercher ? 
Inhabituel dans la PPR (peut se retrouver très rarement dans la polyarthrite rhumatoïde ou dans les pathologies de système type lupus).
Inhabituel dans la PPR (se voit au cours des spondylarthropathies).
Les trois premiers signes sont évocateurs d’une artérite à cellules géantes (anciennement maladie de Horton) et doivent systématiquement être recherchés lors du diagnostic de PPR car les deux pathologies sont associées dans 15 % des cas et il s’agit d’une urgence du fait du risque d’occlusion des vaisseaux. 
La perte de poids et une forte altération de l’état général doivent être recherchées car la PPR peut être paranéoplasique, c’est-à-dire être satellite d’un cancer ou d’une hémopathie. La réalisation d’une radiographie pulmonaire est recommandée au diagnostic de PPR.
La patiente ne rapporte pas de céphalée, pas de d’hyperesthésie du scalp, pas de claudication de la mâchoire. Les pouls temporaux sont bien perçus sans induration.
Vous avez réalisé un scanner thoraco-abdomino-pelvien qui ne retrouve pas de lésion anormale.
Question 6 - Quel(s) traitement(s) proposez-vous en première intention ? 
Oui, c’est le traitement de première intention.
Pas de preuve d’efficacité, et surtout la maladie est très corticosensible. À réserver aux formes ophtalmologiques d’artérite à cellules géantes.
C’est le cas lorsque la PPR est associée à une artérite à cellules géantes du fait du risque de complications ischémiques par occlusion des vaisseaux.
C’est la posologie donnée dans l’artérite à cellules géantes.
Ce traitement peut être rarement donné à visée d’épargne cortisonique chez les patients très comorbides ou en deuxième intention chez les patients corticodépendants, surtout dans les artérites à cellules géantes. L’antécédent d’hypertension artérielle bien contrôlée n’est pas une contre-indication à la corticothérapie.
À noter : la réalisation d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien n’est pas obligatoire dans le bilan d’une pseudo-polyarthrite rhizomélique, le Collège français des enseignants en rhumatologie (COFER) recommande a minima une radiographie pulmonaire.
Vous allez débuter une corticothérapie orale à la dose de 0,3 mg/kg. 
Vous vous inquiétez des risques associés à la corticothérapie. 
Vous complétez le bilan biologique : LDL-cholestérol = 0,8 g/L ; triglycérides = 1 g/L ; glycémie à jeun = 0,98 g/L. 
La patiente n’a aucun antécédent de fracture, ni personnel ni familial. Elle ne fume pas et boit de l’alcool lors d’occasions festives. Elle a été ménopausée à 51 ans. Vous estimez sa consommation de calcium à 1 250 mg/j.
Question 7 - Quelle(s) mesure(s) devez-vous prendre ?
Indiqué devant l’introduction d’une corticothérapie orale > 7,5 mg/j pendant plus de trois mois chez une femme ménopausée. Il faudra s’assurer de l’absence de contre-indication dentaire.
Les critères de traitement sont réunis. On réalisera quand même une ostéodensitométrie pour avoir une valeur de référence avant traitement.
Le taux de LDL-cholestérol de la patiente est bas. On n’introduit pas systématiquement de traitement hypolipémiant en cas de corticothérapie.
Mesure associée à la corticothérapie.
Les apports conseillés en calcium pour une femme > 55 ans sont de 1 200 mg/j. Il n’y a donc pas d’indication à une supplémentation calcique chez cette patiente.

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