Vous recevez en consultation de rhumatologie en fin d’après-midi une patiente de 72 ans adressée par son médecin traitant pour « douleurs des épaules et des hanches ». Elle a pour seul antécédent connu une hypertension artérielle traitée par monothérapie. Elle est à jour des dépistages du cancer du sein et du cancer colorectal. Elle vous décrit depuis un mois des arthromyalgies proximales des 4 membres, la réveillant en fin de nuit, maximales le matin, avec une raideur matinale d’au moins deux heures, améliorée par le mouvement. Elle n’est pas soulagée par le paracétamol, ne tolère pas les antalgiques plus forts et n’a pas reçu d’autre traitement pour les douleurs. L’état général est conservé. Elle n’a pas d’autres signes fonctionnels. Elle vous apporte un bilan sanguin réalisé par son médecin traitant qui révèle une protéine C réactive (CRP) à 41 mg/L ainsi que des radiographies des épaules et des hanches qui sont normales. À l’examen clinique, elle pèse 54 kg pour 165 cm ; elle est apyrétique, le rachis est souple et indolore, les articulations sont libres et indolores, il n’y a pas de signe de tendinopathie de la coiffe des rotateurs ni des moyens fessiers, il n’y a pas de déficit moteur, les réflexes sont normaux, les pouls temporaux sont perçus, les aires ganglionnaires sont libres, l’auscultation cardiaque et pulmonaire est normale, le reste de l’examen est sans particularité.
Question 1 - Quelle(s) affirmation(s) est/sont vraie(s) parmi les suivantes ?
Sont en défaveur : l’horaire inflammatoire, les mobilités normales, les radiographies normales.
La polyarthrite rhumatoïde à début tardif est volontiers à début rhizomélique.
Il s’agit du diagnostic différentiel le plus fréquent de la pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et n’est pas exclu par l’absence de calcifications radiographiques aux localisations disponibles.
Il existe des PPR paranéoplasiques qu’il faut pouvoir évoquer notamment devant une altération de l’état général ou une corticorésistance.
La raideur matinale n’est pas constatée car la consultation a lieu en fin d’après-midi.
Vous trouvez le tableau très évocateur de pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et décidez de traiter la patiente. Vous décidez de la revoir une semaine plus tard pour réévaluer le traitement.
Question 2 -Vous inscrivez sur votre ordonnance (une ou plusieurs réponses exactes) :
La dose approximative de prednisone dans la PPR est 0,3 mg/kg/j.
Supplémentation en vitamine D associée à la corticothérapie.
Ce n’est pas proposé systématiquement en l’absence d’artérite à cellules géantes.
Prévention des complications infectieuses.
Vous la revoyez une semaine plus tard. Elle se dit spectaculairement améliorée par le traitement. Elle n’a plus de douleur, plus de raideur et n’est plus réveillée la nuit. La biologie révèle : hémoglobine (Hb) = 13,1 g/dL ; leucocytes = 5 800/mm3 ; plaquettes = 273 000/mm3 ; créatinine = 56 µmol/L ; ionogramme sanguin normal ; aspartate aminotransférase (ASAT) = 16 U/L ; alanine aminotransférase (ALAT) = 21 U/L ; gamma-glutamyl transférase (GGT) = 31 U/L ; calcium = 2,36 mmol/L ; albumine = 40 g/L ; protéine C réactive (CRP) = 8 mg/L ; facteur rhumatoïde négatif ; anticorps anti-CCP négatifs. Vous retenez le diagnostic de PPR et prescrivez une décroissance progressive de la corticothérapie. Vous parvenez à arrêter la corticothérapie au bout de quelques mois.
L’année suivante, elle revient vous voir car les douleurs rhizoméliques inflammatoires ont récidivé depuis un mois. Elle a perdu 6 kg car elle ne mange plus et est très asthénique. Elle a eu de la fièvre à plusieurs reprises. Elle se plaint également à présent de céphalées temporales à prédominante matinale et d’une hyperesthésie du cuir chevelu, sans signes visuels. Il n’y a pas d’autres signes fonctionnels. Le bilan sanguin prescrit par son médecin traitant révèle une CRP à 97 mg/L. À l’examen clinique, vous avez du mal à palper les pouls temporaux, la nuque est souple, l’examen neurologique est normal, il n’y a pas de syndrome tumoral clinique, pas de souffle cardiaque, le reste de l’examen est sans particularité (en fin d’après-midi). Vous décidez de l’hospitaliser devant l’altération de l’état général fébrile.
La fièvre prolongée doit faire évoquer une cause infectieuse (entre autres une endocardite infectieuse).
L’altération de l’état général en l’absence de point d’appel clinique doit faire évoquer une pathologie néoplasique. Il pourrait s’agir d’un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) et/ou d’une tomographie par émission de positons couplée à un scanner (TEP-scanner), qui peuvent également révéler une aortite ou une atteinte des gros vaisseaux et ainsi confirmer le diagnostic suspecté d’artérite à cellules géantes (ACG).
Le tableau est compatible avec une maladie de Horton.
L’artériographie n’a pas de place dans le diagnostic positif de la maladie de Horton (elle peut être pratiquée dans un but thérapeutique, dans un but de revascularisation, plutôt dans la maladie de Takayasu).
Non recommandé en l’absence de signes ophtalmologiques.
L’altération de l’état général et la fièvre prolongée sont des symptômes compatibles avec une artérite à cellules géantes, mais n’en sont bien sûr pas spécifiques et doivent être explorés « pour eux-mêmes ».
Les prélèvements bactériologiques sont négatifs. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien est normal. L’échographie des artères temporales révèle un signe du halo bilatéral. Vous concluez à une rechute de PPR associée à une artérite à cellules géantes. Vous débutez une corticothérapie à 40 mg de prednisone par jour. Vous constatez une efficacité clinique rapide sur les symptômes rhizoméliques aussi bien que céphaliques. Le syndrome inflammatoire biologique régresse rapidement. Vous avez profité de l’hospitalisation pour réaliser une ostéodensitométrie qui révèle un T-score à -2,9 à la hanche et à -2,7 au rachis, et pour administrer à la patiente une perfusion d’acide zolédronique en prévention de l’ostéoporose cortico-induite. Vous débutez à nouveau une diminution de la corticothérapie. Vous revoyez la patiente en consultation au bout de six semaines alors qu’elle prend 25 mg de prednisone. Elle vous dit avoir l’impression que « la maladie revient » à la diminution des doses. En effet, elle vous décrit une douleur inguinale droite depuis une semaine, arrivée spontanément.
Question 4 - À ce stade, l'/les hypothèse(s) évoquée(s) est/sont :
Favorisée par la corticothérapie, même si en général elle s’accompagne d’une impotence fonctionnelle totale à la marche.
Diagnostic différentiel des douleurs coxofémorales.
Favorisée par la corticothérapie.
Diagnostic différentiel des douleurs coxofémorales.
La corticothérapie est une cause d’ostéopathie fragilisante mais aussi d’ostéonécrose aseptique siégeant volontiers à la tête fémorale. La perfusion d’acide zolédronique reçue diminue mais n’annule pas le risque de fracture non traumatique.
La patiente vous décrit effectivement une douleur inguinale droite, apparue spontanément, aggravée à la marche, soulagée par le repos, sans réveils nocturnes, sans dérouillage matinal. La douleur est non impulsive, sans éléments neuropathiques, sans troubles sphinctériens. Il n’y a pas de douleur dans les autres membres. Il n’y a pas de récidive des signes céphaliques. Elle a repris un peu de poids. La CRP est à 3 mg/L. À l’examen, vous constatez une boiterie d’esquive droite. Le rachis est souple et indolore, il n’y a pas de signe de Lasègue ni de Léri, en revanche il existe un salut coxal droit et une reproduction de la douleur inguinale droite à la mobilisation de la hanche droite, qui est limitée en rotation interne. Les réflexes sont normaux aux membres inférieurs. Les autres articulations sont libres et indolores.
Question 5 - Devant ce tableau clinique, vous prescrivez (une ou plusieurs réponses exactes) :
Il n’existe pas d’argument en faveur d’une rechute (pas de douleurs inflammatoires, pas de signes céphaliques, pas de syndrome inflammatoire biologique).
Il est légitime d’évoquer une complication osseuse de la corticothérapie systémique, mais la décroissance accélérée risque de déclencher une rechute de la maladie inflammatoire.
L’examen clinique est effectivement en faveur d’une douleur d’origine coxofémorale, mais il est nécessaire de poser un diagnostic étiologique avant de proposer un traitement.
Elles permettent de rechercher une anomalie structurale de l’articulation douloureuse.
Elle serait justifiée en cas de suspicion de cruralgie droite qui, effectivement, peut provoquer des douleurs inguinales ; cependant il n’y a presque aucun argument clinique pour une cruralgie (pas de paresthésies, pas d’impulsivité, pas de syndrome rachidien, pas de signe de Léri, pas d’abolition du réflexe rotulien, pas de déficit moteur).
Il aurait été légitime de ne pas faire d’examen d’imagerie si les douleurs étaient inflammatoires, bilatérales, semblables aux douleurs initiales, et s’il s’y associait une rechute biologique, ce qui n’est pas le cas ici.
La radiographie du bassin et des hanches est normale. Vous complétez par une IRM de la hanche qui révèle un fin liseré sous-chondral en hyposignal T1 et hyposignal T2 délimitant un séquestre osseux avec un début de perte de sphéricité, sans épanchement intra-articulaire associé.
Question 6 - Quel diagnostic retenez-vous ?
La fracture aurait été vue à la radiographie.
La radiographie peut être normale à la phase précoce.
Il n’y a pas d’épanchement intra-articulaire.
Indépendamment de l’aspect IRM, ce diagnostic nécessite des radiographies successives de hanche à plusieurs moments, ce dont on ne dispose pas ici.
Vous traitez de manière symptomatique cette ostéonécrose aseptique de hanche induite par la corticothérapie. Vous ne retrouvez pas d’autre facteur ayant pu favoriser l’ostéonécrose. Vous décidez d’introduire un traitement par tocilizumab (anticorps monoclonal anti-IL6) à visée d’épargne cortisonique. Après avoir vérifié l’absence de contre-indication, vous débutez le tocilizumab et arrêtez rapidement la corticothérapie. La patiente est en rémission sur les douleurs inflammatoires rhizoméliques, les symptômes céphaliques et le syndrome inflammatoire biologique. Elle ne conserve que des douleurs de hanche droite sur la coxarthrose secondaire à l’ostéonécrose. Quelques mois plus tard, alors que la patiente est considérée en rémission sous tocilizumab, elle vous appelle en raison d’une diplopie binoculaire apparue le matin même, associée à des douleurs rétro-oculaires, sans rougeur oculaire.
Question 7 - Devant ce tableau, vous proposez dans l’immédiat (une ou plusieurs réponses exactes) :
Une diplopie douloureuse doit faire évoquer un anévrisme carotidien pré-fissuraire et impose de réaliser une imagerie cérébrale en urgence. Par ailleurs, la CRP sera ininterprétable sous tocilizumab car généralement normale.
On ne peut pas considérer que la patiente soit en rechute avant d’avoir éliminé un anévrisme carotidien pré-fissuraire.
On ne peut pas considérer que la patiente soit en rechute avant d’avoir éliminé un anévrisme carotidien pré-fissuraire.
Le fond d’œil n’a pas d’intérêt devant une diplopie binoculaire, qui évoque une pathologie oculomotrice.
Une diplopie douloureuse doit faire évoquer un anévrisme carotidien pré-fissuraire et impose de réaliser une imagerie cérébrale en urgence.
L’imagerie cérébrale faite en urgence révèle un anévrisme supra-clinoïdien pré-fissuraire pour lequel la patiente bénéficie d’un traitement interventionnel dans la journée. Une diplopie douloureuse peut rarement s’intégrer dans le cadre d’une artérite à cellules géantes, mais il faut d’abord évoquer la cause anévrismale d’autant plus que la patiente est traitée efficacement pour l’artérite à cellules géantes et en l’absence d’autre signe. Au niveau oculaire, l’ACG se manifeste le plus souvent sous forme d’une amaurose (le plus souvent en rapport avec une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë, mais aussi parfois avec une occlusion de l’artère centrale de la rétine ou une neuropathie optique postérieure), plus rarement sous forme d’un scotome scintillant ou d’une diplopie pouvant être douloureuse (par ischémie des troncs oculomoteurs).