Vous recevez en consultation de dermatologie Mme C., 29 ans, pour des lésions du décolleté et du visage touchant les joues, le menton et le front, évoluant depuis plusieurs semaines. Elle rapporte également des douleurs articulaires des mains et des poignets.

Voici une photo des lésions :

 

Figure 1 (Jeanne Gauthier, La Revue du Praticien)


Les lésions élémentaires du visage sont les mêmes que celles du décolleté.
Question 1 - Au vu des lésions élémentaires et de leur topographie, quel(s) diagnostic(s) vous semble(nt) compatible(s) ?
Éruption aiguë des zones photo-exposées.
Lésions élémentaires non compatibles (eczéma : lésions érythémateuses et vésiculeuses puis croûteuses, très prurigineuses).
Lésion élémentaire du psoriasis : papule érythémato-squameuse bien limitée, arrondie, ovalaire ou polycyclique. Zones bastion : faces d’extension des coudes et genoux, jambes, région lombosacrée, cuir chevelu, paumes et plantes ; respect du visage.
L’atteinte serait davantage cicatricielle et atrophique. Les marqueurs cliniques d’activité sont l’érythème et les squames.
Vespertilio + atteinte du décolleté, généralement photosensible, caractéristique. Les érosions du palais dur sont également un signe d’activité d’un lupus aigu.
Les lésions cutanées du lupus prédominent sur les zones exposées en raison de leur fréquente photosensibilité.
Lésions aiguës :
– érythème « en loup » ou vespertilio, plus ou moins squameux, œdémateux, typique par sa localisation sur les joues et le nez, respectant relativement les sillons nasogéniens, s’étendant souvent sur le front, les orbites, le cou dans la zone du décolleté et le dos des doigts en interarticulaire ;
– lésions buccales érosives ;
– elles régressent sans cicatrice. 
Lésions subaiguës : elles prédominent dans la moitié supérieure du corps et sont de type annulaire ou psoriasiforme. Les lésions disparaissent le plus souvent sans cicatrice avec parfois une hypochromie séquellaire. 
Lésions chroniques (laissant des cicatrices) :
– lupus discoïde : plaques bien limitées associant érythème parcouru de fines télangiectasies ; squames plus ou moins épaisses ; atrophies cicatricielles définitives, souvent multiples et symétriques, surtout localisées au visage sur l’arête du nez, les pommettes, les régions temporales et l’ourlet des oreilles, et sur le cuir chevelu avec alopécie cicatricielle définitive ;
– lupus tumidus : un ou plusieurs placards nettement saillants, arrondis ou ovalaires, de teinte rouge violacé, à bords nets comme « tracés au compas », de consistance œdémateuse ;
– lupus engelure ;
– panniculite : nodules ou plaques infiltrées de taille variable, évoluant vers une dépression cupuliforme.
Source : Protocole national de diagnostic et de soins. Lupus érythémateux systémique. Janvier 2017.
Question 2 - Quel(s) élément(s) clinique(s) vous orienterai(en)t vers un lupus systémique dans ce contexte ? 
Peut-être cicatricielle ou non cicatricielle dans le lupus (signe d’activité).
Peut-être cicatricielle ou non cicatricielle dans le lupus (signe d’activité).
Oriente plutôt vers une maladie de Behçet.
Érosions muqueuses notamment buccales fréquentes dans le lupus (plus que des aphtes à proprement parler).
Devra également faire rechercher un syndrome des anti-phospholipides associé.
Les caractéristiques cliniques des autres connectivites (sclérodermie, maladie de Sjögren, polyarthrite rhumatoïde, myosites…) sont à rechercher néanmoins à l’interrogatoire si vous suspectez un lupus car les connectivites peuvent s’associer ou avoir des profils mixtes.
En reprenant l’interrogatoire, vous retrouvez dans les antécédents de la patiente une thyroïdite d’Hashimoto depuis cinq ans, bien équilibrée sous traitement, ainsi qu’une fausse couche spontanée à huit semaines d’aménorrhée (SA) il y a six mois (G1P0). 
Les douleurs articulaires prédominent la nuit et le matin. Il n’y a pas de gonflement articulaire. 
Elle a depuis des années un phénomène de Raynaud bilatéral qui touche tous les doigts sauf le pouce et survient au froid et lorsqu’elle met ses doigts dans l’eau. Elle n’a pas d’autre plainte. Elle n’a jamais fait de thrombose veineuse profonde. 
Elle mesure 161 cm et pèse 87 kg. Vous notez des érosions du palais dur à l’examen en plus des lésions cutanées décrites. Il n’y a pas d’autre anomalie cutanée.
Son traitement comporte : lévothyroxine 75 µg/j, pilule œstroprogestative, prise occasionnelle d’ibuprofène en cas de douleurs articulaires.
Elle a fait une prise de sang en ville qui retrouve :
– hémoglobine = 11,2 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 81 fL ; leucocytes = 3,0 G/L ; polynucléaires neutrophiles (PNN) = 1,9 G/L ; lymphocytes = 0,8 G/L ; plaquettes = 141 G/L ; 
– sodium (Na) = 141 mmol/L ; potassium (K) = 4,1 mmol/L ; protéines = 71 g/L ; créatinine = 67 µmol/L ; urée = 4,7 mmol/L ;
– bilan hépatique normal ;
– protéine C réactive (CRP) = 4 mg/L ;
– anticorps anti-nucléaires = 1/320 ; anti-DNA natifs positifs ; anti-Sm positifs ; anti-RNP négatifs ; anti-SSA/SSB négatifs ; anti-centromères négatifs ; anti-Scl70 négatifs.
Question 3 - Au vu de ces éléments, quelle(s) est/sont la ou les bonne(s) réponse(s) ?
La CRP n’est pas un marqueur d’activité du lupus. Elle peut être élevée lors d’atteintes spécifiques comme une sérite ou le plus souvent lors d’une infection intercurrente (fréquentes lors de la prise d’immunosuppresseurs). Parmi les atteintes plus rares associées à une élévation de la CRP, on peut citer le syndrome d’activation macrophagique.
Souvent retrouvée lors des poussées mais absolument pas spécifique.
La positivité des anticorps anti-nucléaires est un critère obligatoire, ils sont sensibles mais peu spécifiques. Les anti-DNA natifs et les anti-Sm sont spécifiques du lupus mais moins sensibles. Les anti-RNP se retrouvent notamment dans les connectivites mixtes. Les anti-SSA et SSB sont surtout associés à la maladie de Sjögren. Les anti-centromères sont caractéristiques de la sclérodermie.
Une seule fausse couche spontanée n’oriente pas vers un SAPL, c’est un événement très fréquent (1 grossesse sur 4). Elle n’a jamais fait de thrombose artérielle ou veineuse. La biologie anti-phospholipide n’est pas disponible
Le phénomène de Raynaud n’est pas spécifique et peut se voir dans la plupart des connectives, il ne semble pas y avoir de sclérodactylie ou autre signe de sclérodermie, les anticorps anti-centromères et Scl70 sont négatifs.
Vous avez posé le diagnostic de lupus systémique en poussée.
Question 4 - Quel examen indispensable manque-t-il pour décider de la suite de la prise en charge ?
À faire dans le bilan préthérapeutique de l’hydroxychloroquine mais pas indispensable pour débuter le traitement.
À faire également mais pas d’atteinte particulière à rechercher dans le cadre du lupus (calculer le QTc avant l’hydroxychloroquine).
Idem, recommandé dans le bilan préthérapeutique.
Indispensable, toujours rechercher une atteinte rénale avec la protéinurie qui modifiera le traitement.
Utile pour avoir un point de départ mais ne modifiera pas le traitement.
Vous avez complété le bilan avec :
– une biologie anti-phospholipides qui est négative ;
– une BU et un sédiment urinaire qui sont normaux ;
– un examen ophtalmologique qui est normal ;
– une radiographie thoracique qui est sans particularité.
Question 5 - Quelle(s) prise(s) en charge proposez-vous ?
Une corticothérapie générale de courte durée peut être introduite pour calmer la poussée mais elle est généralement débutée à plus faible dose (entre 10 et 20 mg/j) dans le cas d’une poussée uniquement cutanéo-articulaire.
Indispensable, il s’agit de la pierre angulaire du traitement.
Le lupus et notamment avec atteinte cutanée aiguë est une maladie très photosensible. L’exposition solaire est à haut risque de déclencher des poussées (même extra-cutanées).
La contraception œstroprogestative est contre-indiquée dans le lupus car les œstrogènes sont inducteurs de poussées. Vous devez conseiller à votre patiente une contraception car toute grossesse doit être encadrée (à risque de déclencher une poussée). L’implant est une possibilité car il s’agit d’un microprogestatif.
Parmi les autres mesures importantes associées au traitement du lupus, on peut citer l’arrêt du tabac (en cause dans l’activité de la maladie) et les mesures associées au traitement par corticoïdes (mise à jour du calendrier vaccinal, supplémentation vitamino-calcique/prévention de l’ostéoporose, prévention du risque métabolique)
Vous revoyez la patiente trois mois plus tard. Elle a récemment arrêté l’hydroxychloroquine et la prednisone prise à faibles doses ainsi que sa contraception car elle a un désir de grossesse dont elle ne vous avait pas fait part initialement. 
Après une amélioration initiale des douleurs articulaires, celles-ci se sont majorées et sont insomniantes, elle a maintenant des plaques d’alopécie et elle a depuis une semaine des œdèmes des membres inférieurs bilatéraux prenant le godet.
Question 6 - Concernant son désir de grossesse, que lui proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Il est recommandé d’attendre 6 à 12 mois après une poussée pour débuter une grossesse. Le lupus doit être le plus calme possible.
Pas d’indication ici en l’absence de SAPL ou d’insuffisance placentaire prouvée ou suspectée.
Les traitements du lupus autorisés pendant la grossesse sont :
– la corticothérapie ;
– l’hydroxychloroquine ;
– l’azathioprine, la ciclosporine voire le tacrolimus ;
– l’aspirine à dose antiagrégante et les héparines de bas poids moléculaire (HBPM).
Les bêta-hCG sont négatifs. La pression artérielle est à 148/99 mmHg. 
Le bilan rénal montre une protéinurie à 5,2 g/g de créatininurie, une créatininémie à 70 µmol/L, une albuminémie à 24 g/L, un sédiment urinaire normal.
Les fractions C3 et C4 du complément sont consommées.
Vous réalisez une ponction-biopsie rénale qui montre : une prolifération endocapillaire et extracapillaire touchant 30 % des glomérules, associée à des dépôts immuns dans le mésangium et sous-endothéliaux. 10 % des glomérules sont le siège d’une fibrose.
Question 7 - Concernant l’atteinte rénale, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) ?
Syndrome néphrotique défini par protéinurie > 3 g/24 h et albuminémie 30 g/L. Impur en cas d’insuffisance rénale, d’hypertension artérielle ou d’hématurie associée.
Classe III.
Marqueur d’activité immunologique du lupus souvent retrouvé dans les atteintes rénales mais non spécifique.
La ponction-biopsie rénale permet d’identifier l’une des 6 classes de glomérulonéphrite (GN) lupique, ou un diagnostic différentiel. Chaque classe de GN lupique a un pronostic et un traitement différent.
Pour une classe III avec une atteinte active, le traitement repose avant tout sur la corticothérapie forte dose associée à un immunosuppresseur type mycophénolate mofétil ou cyclophosphamide.
Classification des glomérulonéphrites lupiques :
– classe I : microscopie optique (MO) normale, lésions mésangiales isolées en immunofluorescence (IF) ;
– classe II : lésions mésangiales prolifératives en MO et en IF ;
– classe III : glomérulonéphrite proliférative focale (< 50 % des glomérules) ;
– classe IV : glomérulonéphrite proliférative diffuse (> 50 % des glomérules) ;
– classe V : glomérulonéphrite extra-membraneuse ;
– classe VI : > 90 % de glomérules sclérosés.
Source : Collège universitaire des enseignants de néphrologie. Chapitre 12 : rein et maladies systémiques. 2021.

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