Jeune interne, vous êtes appelé aux urgences pour examiner une patiente de 50 ans qui présente une éruption cutanée évoluant depuis juillet, après ses vacances en Corse.

Vous notez comme antécédent un tabagisme actif à 5 paquets-année, G3P1 avec deux fausses couches à 9 semaines d’aménorrhée (SA) et ménopausée depuis un an. Elle ne prend aucun traitement à part un traitement hormonal substitutif de la ménopause depuis six mois.

Le bilan sanguin suivant initial retrouve :

– hémoglobine (Hb) =13 g/dL ;

– Pl = 120 G/L ;

– temps de céphaline activée (TCA) = 1,7 ;

– taux de prothrombine (TP) = 90 % ;

– leucocytes = 4 G/L ;

– protéine C réactive (CRP) = 5 mg/L ;

– vitesse de sédimentation (VS) = 120 mm/h ;

– ASAT = 20 UI/L ;

– ALAT = 30 UI/L ;

– créatininémie = 80 µmol/L avec un débit de filtration glomérulaire (DFG) à 80 ml/min.

Source :  B. Demarez.
Source :  B. Demarez.
Source :  B. Demarez.
Question 1 - Concernant les lésions dermatologiques de la patiente, vous constatez :
Érythème finement squameux à bordure émiettée épargnant les paupières et les plis naso-géniens caractéristique du lupus érythémateux disséminé.
Lupus pernio : sarcoïdose.
Dermatomyose : érythème liliacé des paupières, pas des pommettes
Pas d’atteinte des paupières sur cette patiente.
Visage, avant-bras, décolleté.
Absence de nodules : papules uniquement.
Nodules : élevures rondes saillantes > 1 cm.
Papules : élevures saillantes < 1 cm.
Distribution des lésions sur les zones photo-exposées : visage, avant-bras, décolleté avec érythème hyperkératosique et squameux épargnant les paupières.
Tendance du lupus à épargner les régions mobiles du visage : les paupières, les plis nasogéniens. Pas de dépôts immuns dans ces zones mobiles.
Lupus pernio : atteinte violacée du nez essentiellement et des pommettes qu’on retrouve uniquement dans la sarcoïdose. Pas de photo-exposition dans la sarcoïdose.
Dermatomyosite : caractéristique → érythème liliacé des paupières donc atteinte très fréquente des paupières contrairement au lupus.
Vous décidez d’hospitaliser la patiente.
Question 2 - Quelle est votre hypothèse diagnostique principale ?
Zones photo-exposées, érythème finement squameux, contexte de femme sous hormonothérapie.
Localisations multiples sur zone photo-exposées, caractère non suintant.
Pas de notion de flush, pas de pustule ni de papule (localisation de la rosacée uniquement sur le visage).
Pas de flush, tableau non évocateur (urticaire chronique, réactions anaphylactiques…).
Localisation du visage possible, papules violacées possibles mais ne touche pas le décolleté (localisation typique : le nez avec le « lupus pernio »).
Question 3 - Afin de confirmer votre hypothèse diagnostique principale de lupus érythémateux disséminé, vous effectuez :
Immunofluorescence directe (IFD) sur peau saine et pathologique. IFI dans le sang.
Test de Fahr : dosage des anticorps anti-DNA natifs.
Biopsie cutanée : histologie (en peau pathologique) qui peut retrouver une hyperkératose, une atrophie épidermique, une vacuolisation des kératinocytes basaux, un épaississement de la membrane basale et une immunofluorescence directe (en peau saine).
Une immunofluorescence directe (IFD), à ne pas confondre avec l’immunofluorescence indirecte (IFI) effectuée dans le sang à la recherche des anticorps, qu’on effectue en peau saine et en peau pathologique : dans 30 % des lupus érythémateux disséminés, l’IFD est positive, ce qui correspond à un argument supplémentaire important en faveur d’une forme systémique par rapport à une forme cutanée pure.
En ce qui concerne l’IFI, qui consiste à révéler dans le sang, de manière indirecte, la positivité des anticorps lupiques :
– recherche des anticorps anti-nucléaires (ACAN, FAN) sur les cellules Hep2 : très sensible, peu spécifique du lupus ;
– recherche des anticorps anti-DNA natifs par le test de Fahr, par l’immunofluorescence sur crithidia luciliae, ou test ELISA (le plus fréquent actuellement) : moins sensible, mais plus spécifique du lupus.
Les anticorps anti-nucléaires sont fortement positifs de type moucheté, avec anti-DNA natifs positifs, SSA/SSB positifs ainsi que les anticorps anti-Sm sur le prélèvement sanguin.
Question 4 - Le compte-rendu anatomopathologique reste compatible avec un lupus systémique si vous retrouvez :
Le long de la jonction dermo-épidermique.
IgG, IgA, IgM.
IgE non impliquées dans les phénomènes auto-immuns (activité antiparasitaire, allergie…).
Immunofluorescence directe ! IFI non obtenue sur un compte rendu anatomopathologique.
30 % de positivité seulement de l’IFD en peau saine dans le cadre du lupus érythémateux systémique.
« Full house » (toutes les immunoglobulines de l’immunité présentes le long de la membrane basale) : IgG, IgA, IgM présents le long de la jonction dermo-épidermique, lésions semblables retrouvées au niveau du rein lors des néphropathies lupiques biopsiées.
« Bande lupique » : dépôt d’IgG, A, M (« GAM ») et de complément le long de la jonction dermo-épidermique en peau saine également, argument fort pour une maladie systémique.
Vous confirmez donc votre diagnostic de lupus érythémateux disséminé et concentrez votre examen dermatologique sur les zones photo-exposées de la patiente.
La patiente vous déclare ressentir des douleurs insomniantes au niveau des articulations des mains, avec une sensation de gonflement et de chaleur ainsi qu’un dérouillage matinal > 30 minutes particulièrement invalidant.
Source : B. Demarez.
Question 5 - Elle présente cliniquement des arthrites des articulations interphalangiennes proximales (IPP) et distales (IPD). Concernant les atteintes cutanées et articulaires des mains chez cette patiente :
Érythème en bande : dermatomyosite.
Absence d’érosion osseuse, contrairement à la polyarthrite rhumatoïde (PR).
Seule atteinte articulaire réversible : rhumatisme de Jaccoud qui correspond à des subluxations des tendons des doigts.
Polyarthrite rhumatoïde : jamais d’atteinte des IPD.
Lupus : IPD et IPP.
Jamais d’atteinte des IPD dans la polyarthrite rhumatoïde.
Érythème en bande spécifique des dermatomyosites : érythème en regard des articulations interphalangiennes, a contrario du lupus cutané qui respecte les articulations interphalangiennes (zones mobiles de la main, pas de dépôt de complexe immun).
Lupus : atteintes articulaires très fréquentes (80 %) mais pas destructeur et encore moins irréversible.
Lorsque douleurs articulaires chez une femme jeune : deux diagnostics → PR ou lupus, PR pas d’atteinte des IPD (maladie de la synovie, dans les IPD peu de synovie), dans lupus atteinte des IPP et des IPD.
Vous décidez d’initier un traitement dans le cadre de cette atteinte cutanéo-articulaire pure.
Question 6 - En cas de lupus cutanéo-articulaire isolé, sans atteinte viscérale autre, vous pouvez lui proposer :
Les plus souvent utilisés dans l’atteinte cutanée.
Le plus important : le Plaquenil.
But du Plaquenil : réduire la photosensibilité et donc l’activation de la maladie.
Que dans les atteintes graves de lupus, surtout rénales et neurologiques.
Possible, mais effets indésirables contraignants.
Corticothérapie faible dose per os autorisée dans les poussées articulaires douloureuses et invalidantes mais pas pour les lésions cutanées isolées.
Posologie : 1 mg/kg/j uniquement dans les atteintes graves de lupus : neurologiques, rénales, sérites.
Hors AMM : thalidomide (attention aux neuropathies périphériques, tératogènes), méthotrexate, tacrolimus local…
La patiente vous interpelle concernant des lésions violacées fixes au niveau de son sein droit, qui évoluent depuis plusieurs mois.
La patiente n’a pas consulté de gynécologue depuis deux ans.
La palpation du sein est normale, vous ne palpez aucune adénopathie. 
Source : B. Demarez.
Question 7 - Parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont exactes ?
Livedo reticularis : membres inférieurs.
Un livedo dans le cadre d’un lupus doit toujours faire rechercher un SAPL associé.
Toujours penser au SAPL dans les dossiers de lupus : énoncé évocateur → thrombopénie isolée (fréquente dans le SAPL), TCA allongé et TP normal (prédictif de la présence d’anticoagulant circulant de type lupique) et contexte obstétrical (deux fausses couches spontanées à 9 SA).
Livedo fixe, qui ne touche pas les membres inférieurs, d’apparition récente : pathologique jusqu’à preuve du contraire, première hypothèse diagnostique dans ce cas là : SAPL (même si livedo pathologique possible dans le cadre oncologique).
Livedo : érythème violacé en réseau d’origine vasculaire : réticulé « reticularis » physiologique avec mailles fermées, petites, régulières, fines typique du livedo physiologique dû à des troubles vasomoteurs (le froid principalement, avec disparition au réchauffement et à la position orthostatique) OU ramifié « racemosa » pathologique, lié à une occlusion artériolaire fréquente avec des mailles irrégulières, ouvertes, infiltrées, ne disparaissant pas et qui peut se localiser ailleurs que sur l’abdomen contrairement au livedo physiologique toujours présent au niveau des membres inférieurs.

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