Monsieur D., 23 ans, consulte aux urgences pour trouble de la conscience. Il a pour seul antécédent un épisode dépressif caractérisé sous escitalopram. Sa mère nous apprend qu’il a très souvent soif ces derniers temps et qu’il mange beaucoup mais il a perdu 4 kg en 2 mois. Paramètres vitaux : FC 121 bpm, TA : 96/54 mmHg, SpO2 : 100 %, FR : 28/min, T° 36,4°C. À l’examen clinique, le patient est GSC 12 (Y3M6V3), il est polypnéique. L’auscultation pulmonaire est claire. Les bruits du cœur sont réguliers. Il a un pli cutané.
Question 1 - Quel(s) examen(s) prescrivez-vous rapidement ?
Ce tableau (syndrome cardinal avec polyurie-polyphagie-polydipsique avec amaigrissement chez un patient d’âge jeune) oriente vers une découverte d’un diabète de type 1 avec acido-cétose (acidose métabolique se traduisant ici par une polypnée de Kussmaul). La bandelette urinaire permet de mettre en évidence une glycosurie et une cétonurie pouvant appuyer le diagnostic.
Le tableau clinique peut faire évoquer une hyperthyroïdie (tachycardie, polyphagie, amaigrissement) donc le dosage de TSH est à réaliser rapidement.
La cétonémie capillaire est pertinente dans le cadre d’un diagnostic d’acidocétose diabétique, à la fois pour le diagnostic et pour le suivi thérapeutique.
Le ionogramme sanguin est important en cas de décompensation acidocétose diabétique à la recherche de troubles ioniques souvent associés et pour le suivi du traitement (déshydratation extracellulaire, anomalie de la kaliémie, baisse de la bicarbonatémie). Il permet, dans ce contexte de trouble de la conscience, de chercher des diagnostics différentiels (hypercalcémie, association d’une hyponatrémie et d’une hyperkaliémie évoquant le diagnostic d’insuffisance surrénalienne).
Le diagnostic d’acidocétose diabétique repose selon l’American Diabetes Association sur :
– Une cétonémie (> 3 mmol/l) ou cétonurie (> « ++ ») significative ;
– Une glycémie > 250 mg/dl ;
– Des bicarbonates < 18 mmol/l et/ou pH veineux < 7,30.
Un prélèvement artériel selon cette définition (retenue par le Collège des enseignants en endocrinologie) n’est pas indispensable mais sera très utile en pratique.
La bandelette urinaire montre une glycosurie à 3 croix, la cétonémie capillaire est à 4 mmol/L. La natrémie est à 113 mmol/L, la kaliémie est à 5,5 mmol/L, la glycémie est à 34 mmol/L, la calcémie est à 2,2 mmol/L. L’albuminémie est à 40 g/L. La créatininémie plasmatique est à 67 µmol/L, l’urée sanguine est à 4 mmol/L. La phosphorémie est à 1,2 mmol/L. Le dosage de la TSH est en cours. Un gaz du sang artériel a été réalisé et met en évidence un pH à 7,20, bicarbonatémie à 10 mmol/L, lactate à 2,4 mmol/L, pCO2 à 20 mmHg, pO2 à 125 mmHg.
Question 2 - Concernant ces résultats, quelle(s) affirmation(s) est/sont exacte(s) ?
La natrémie doit être corrigée par une formule de correction avec la glycémie : Na corrigée = Na mesurée + glycémie – 5 (en mmol/L)/4. Ici, la natrémie corrigée est à 121 mmol/L. Il y a donc tout de même une hyponatrémie.
On peut également calculer l’osmolarité plasmatique (Na x 2 + K + glycémie + urée), ici à 275 mOsm/L, en cas de fausse hyponatrémie, l’osmolarité plasmatique est normale ou augmentée, alors qu’en cas de vraie hyponatrémie, l’osmolarité plasmatique est abaissée.
Cf. critères diagnostiques rappelés question précédente.
L’hypoxie tissulaire correspond à une baisse de l’oxygénation tissulaire. Le témoin de cette hypoxie tissulaire est l’augmentation de la lactatémie (> 2 mmol/L) produit de la glycolyse anaérobie. À ne pas confondre avec l’hypoxémie qui correspond à une baisse de la PaO2 80 mmHg.
La polypnée est en rapport avec l’acidose métabolique (polypnée de Kussmaul), la saturation en oxygène est normale, il a une pO2 normale en air ambiant. Il n’y a donc pas d’argument pour une pathologie respiratoire sous-jacente.
L’acidocétose diabétique s’accompagne d’une majoration de la kaliurèse importante et d’une baisse du stock potassique. La kaliémie initialement élevée est liée à une augmentation de la sortie cellulaire de potassium en rapport avec l’acidose métabolique. La correction de l’acidose s’accompagne très souvent d’une baisse rapide de la kaliémie imposant une supplémentation massive en potassium.
Question 3 - Concernant la prise en charge du patient, quelle(s) réponse(s) est/sont exacte(s) ?
Le traitement de l’acidocétose diabétique repose sur le traitement par insuline IVSE jusqu’à disparition de la cétonémie/cétonurie.
Le stock potassique est diminué dans l’acidocétose. Le traitement par insuline IVSE fait diminuer rapidement la kaliémie. Il est nécessaire de monitorer régulièrement la kaliémie. La supplémentation en potassium doit débuter dès que la kaliémie diminue en dessous de 5 mmol/L.
L’acidocétose diabétique s’accompagne d’une importante déshydratation extracellulaire nécessitant une hydratation IV intensive. Le sérum salé hypertonique serait justifié si l’hyponatrémie était très profonde et symptomatique (or, ici, la natrémie corrigée est à 121 mmol/L). Il existe probablement une part volodépendante de l’hyponatrémie. La perfusion de sérum salé isotonique peut permettre de corriger au moins partiellement l’hyponatrémie dans cette situation tout en évitant une correction trop rapide.
Cf. supra.
La prise en charge d’une acidocétose diabétique doit avoir lieu dans un service de soins intensifs ou le monitorage est constant.
Le patient est transféré en soins intensifs sous insuline IVSE, avec une hydratation par Nacl 0,9 % intensive. Vous prescrivez une surveillance de la glycémie et du ionogramme sanguin régulière.
Une heure après le début de l’insulinothérapie, le patient devient tachycarde à 114 bpm, a des paresthésies des membres inférieurs et commence à suer intensément. On contrôle rapidement la glycémie capillaire qui est à 0,63 g/L. La cétonémie capillaire est à 1 mmol/L.
Question 4 - Concernant ce tableau clinique, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) ?
Il s’agit d’une hypoglycémie (glycémie 0,7 g/L chez le diabétique ou 0,5 g/L chez le non diabétique) associée à des signes de neuroglucopénie (confusion, troubles de la conscience, tremblements, troubles visuels, paresthésies d’un membre...) et des signes adrénergiques (anxiété, tachycardie, palpitations, pâleur, sueur...)
La correction de l’acidocétose diabétique est définie par la négativation de la cétonémie ou de la cétonurie. La diminution de la glycémie n’impose pas forcément l’arrêt de l’insulinothérapie IVSE mais l’administration de sérum glucosé 10 %. Généralement, pour prévenir l’apparition d’une hypoglycémie, on commence à administrer du sérum glucosé à partir de 2,5 g/L tant que persiste la cétone. En cas d’hypoglycémie profonde et symptomatique, on peut transitoirement interrompre l’insulinothérapie IVSE. On doit poursuivre l’insulinothérapie IVSE tant que la cétonémie est détectable.
On doit poursuivre l’insulinothérapie IVSE tant que la cétonémie est détectable.
Cf. supra.
La surveillance glycémique doit être bien plus fréquente, de l’ordre de toutes les 15 minutes environ.
On poursuit la surveillance de la glycémie et du ionogramme sanguin, ainsi qu’une supplémentation potassique, en phosphore et en vitamine B1. Après la prise en charge en soins intensifs, le patient est admis en service de diabétologie pour une prise en charge de ce diabète nouvellement diagnostiqué. Il s’améliore avec disparition de la polypnée et du syndrome polyuro-polydipsique et le retour d’un état de conscience normal.
Sa prise de sang de contrôle est la suivante : la natrémie est à 121 mmol/L, la kaliémie est à 3,8 mmol/L, la glycémie est à 6 mmol/L, l’urée est à 4 mmol/L. Le gaz du sang de contrôle met en évidence un pH à 7,38, bicarbonatémie à 21 mmol/L, lactate à 1,3 mmol/L, pCO2 à 39 mmHg, pO2 à 102 mmHg.
Question 5 - Concernant son hyponatrémie, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) ?
L’insuffisance surrénalienne peut se voir par un tableau d’hyponatrémie (qu’il s’agisse d’une insuffisance surrénalienne primaire ou d’une insuffisance corticotrope), c’est donc un diagnostic à évoquer.  Il faut doser un cortisol plasmatique à 8h (sera abaissé en cas d’insuffisance surrénalienne).
L’osmolarité calculée est à 259 mOsm/L ( 290 +/- 5 mOsm/L) donc l’hyponatrémie est bien hypo-osmolaire.
L’évaluation du secteur extracellulaire permet de savoir s’il existe une part volodépendante à l’hyponatrémie (hypovolémie vraie en cas de déshydratation extracellulaire, ou hypovolémie efficace en cas d’hyperhydratation extracellulaire) ou si l’hyponatrémie est principalement liée à un excès d’eau dépassant les capacités de dilution rénale (potomanie) ou une anomalie de la réponse rénale à l’hyponatrémie (SiADH, hypothyroïdie, insuffisance corticotrope) ; auquel cas, on observerait un secteur extracellulaire normal.
Le ionogramme urinaire permet de calculer une osmolarité urinaire indispensable pour le raisonnement face à une hyponatrémie. La natriurèse isolément permet par ailleurs de s’orienter sur le diagnostic.
L’hyponatrémie est persistante malgré la correction de la glycémie. Elle n’est probablement pas en rapport avec le diabète.
À l’examen clinique, le patient paraît euvolémique (pas de signe de déshydratation extracellulaire, ni d’hyperhydratation cellulaire), le ionogramme urinaire met en évidence une natriurèse à 32 mmol/L, une kaliurèse à 12 mmol/L, la glycosurie est à 0,2 mmol/L, l’urée urinaire est à 154 mmol/L. La TSH est normale. Le corticol plasmatique à 8h est normal. Le dosage de l’osmolarité en laboratoire n’est pas disponible.
Question 6 - Concernant l’étiologie de cette hyponatrémie, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) :
Une hyponatrémie hypo-osmolaire en situation euvolémique avec une réponse urinaire inadaptée (c’est-à-dire une urine concentrée avec Osm U > 100 mOsm/L avec Osm U = (NaU + KU) x 2 + glycosurie + urée urinaire, soit ici à 242,2 mOsm/L) après avoir éliminé une insuffisance corticotrope ainsi qu’une hypothyroïdie, correspond à un SiADH.
Il n’y a pas d’indication de dosage de l’ACTH en cas de cortisolémie à 8h normale pour le diagnostic d’insuffisance corticotrope.
Une hyponatrémie secondaire à une prise cachée de diurétique de l’anse a une natriurèse élevée mais également une kaliurèse élevée et s’accompagne souvent d’une déshydratation extracellulaire secondaire.
Une baisse de l’acide urique sanguin est fréquemment observée en cas de SiADH et permet d’orienter le diagnostic.
En cas de potomanie, l’osmolarité urinaire est adaptée 100 mOsm/L. Dans cette situation, l’hyponatrémie est liée à un dépassement des capacités de dilution urinaire (les urines peuvent être diluées jusqu’à environ 60 mOsm/L chez un sujet bien portant). Ici, l’osmolarité urinaire est inadaptée.
Question 7 - Concernant la prise en charge de cette hyponatrémie, quelle(s) proposition(s) est/sont exacte(s) ?
Les traitements par antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont des traitements connus pour être pourvoyeurs de SiADH. Il est important de changer le traitement en accord avec son médecin prescripteur.
La restriction hydrique est indiquée dans le traitement du SiADH. Le sérum salé hypertonique n’a sa place que dans l’hyponatrémie profonde symptomatique (trouble de la conscience, convulsions...)
La recherche de l’étiologie du SiADH est importante, on doit éliminer les causes iatrogènes (ISRS, antiépileptique...), ainsi que des affections du système nerveux central (infection neuroméningée, tumeur cérébrale), ou des affections pulmonaires (cancer bronchique notamment à petites cellules, infections pulmonaires, maladies pulmonaires chroniques...) ou d’autre cause de cancer solide.
L’urée en sachets ou le Tolvaptan (antagoniste des récepteurs V2 à l’ADH) peuvent être des alternatives thérapeutiques en cas de SiADH ne répondant pas à la restriction hydrique et dont la cause est difficilement curable.
Dans les hyponatrémies avec une osmolarité urinaire très élevée -> 300 mOsm/L, l’association d’une hydratation par sérum salé isotonique et de diurétique de l’anse peut être une alternative thérapeutique car elle peut permettre de positiver la clairance d’eau libre et ramener l’osmolarité urinaire à 300 mOsm/L en abolissant le gradient cortico-médullaire.

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