[Mis à jour le 06/07/23]

Cardiologue de garde au CHU, vous êtes appelé aux urgences vers 19 h pour discuter du dossier d’un patient de 47 ans, admis dix minutes plus tôt pour une douleur thoracique ayant débuté 4 heures auparavant, et ne cédant pas aux antalgiques usuels.

Il s’agit d’un patient n’ayant aucun antécédent, n’ayant jamais été hospitalisé (ni en France ni à l’étranger) et ayant pour seul facteur de risque cardiovasculaire un tabagisme actif estimé à environ 20 paquets-années. Il n’a pas d’animaux à la maison et n’a pas voyagé récemment.

Les paramètres vitaux enregistrés à l’accueil sont les suivants : pression artérielle 115/78 mmHg, fréquence cardiaque 75 batt/min, fréquence respiratoire 15/min, SpO2 97 % en air ambiant, glycémie capillaire 6,10 mmol/L.

L’examen physique est normal sur tous les plans, en dehors d’un teint grisâtre et d’un faciès manifestement douloureux. Il n’y a pas de signes d’hypoperfusion périphérique, ni de signes de gravité respiratoire ou neurologique.

Le bilan biologique n’est pas encore réalisé, mais l’urgentiste vous montre l’ECG :

Question 1 - Le diagnostic électro-clinique est (une ou plusieurs réponses exactes) :
L’électrocardiogramme s’inscrit en rythme sinusal et régulier (une onde P avant chaque QRS, chaque onde P est suivie d’un QRS). La fréquence cardiaque est d’environ 75 batt/min, donc normale. Il n’y a pas de trouble de la conduction auriculo-ventriculaire (PR < 200 ms). Les QRS sont fins (< 100 ms), comme on peut le voir dans les dérivations précordiales V5 et V6 (les autres dérivations ne sont pas interprétables). L’axe des QRS est un peu dévié vers la gauche (mais ce point reste d’interprétation difficile compte-tenu des troubles de la repolarisation qui rendent l’estimation de la polarité du QRS en aVF difficile à apprécier). Il existe un sus-décalage du segment ST, englobant l’onde T, de plus de 1 mm dans les dérivations frontales = (DI – aVL) et de plus de 2 mm dans les dérivations précordiales (V1, V2, V3 et V4) : il s’agit de la classique onde de Pardee, témoin d’une ischémie myocardique transmurale. Cette onde de Pardee existe dans au moins deux dérivations contiguës (c’est-à-dire dans le même plan). Il existe un sous-décalage en miroir associé dans les dérivations inférieures (DII, DIII et aVF).
Petite précision concernant la terminologie « en voie de constitution » / « constitué ». Un infarctus est dit « constitué » quand la nécrose myocardique est installée et que le sus-décalage et la douleur thoracique ont disparu. Dans ce contexte, des ondes Q significatives sont présentes sur le territoire infarci sur l’ECG, et la coronarographie en urgence n’a aucun intérêt. En revanche, lorsque la douleur thoracique est toujours présente et que le sus-décalage du segment ST persiste sur l’ECG, cela signifie que le myocarde souffre d’une ischémie aiguë, transmurale, mais que l’infarctus n’est pas encore constitué. Il est donc dit en « voie de constitution », et ce même s’il existe déjà des ondes Q (cela signifie qu’il existe déjà des zones de nécrose, mais tant que la douleur thoracique persiste il existe encore du myocarde viable !).
Enfin, concernant le territoire, la schématisation que vous devez retenir est assez simple et est résumée sur ce schéma :

Cette figure vous permet de faire un diagnostic topographique. L’ECG vous permet de voir en un coup d’œil le gros tronc coronaire en cause pour telle ou telle dérivation. En-dessous, vous trouverez de façon détaillée la topographie électrique correspondant à chaque groupe de dérivations.
Pour information : Left Anterior Descending = Artère interventriculaire antérieure (IVA) ; Left Circumflex = Artère circonflexe (Cx) et Right Coronary Artery = Artère coronaire droite (CD) »
Dans ce cas clinique, l’infarctus est vraisemblablement antéro-latéral (le sus-décalage existe de V1 à V4 et en DI, aVL). Il est probable qu’on ne vous piégera pas de façon pointue sur les territoires ECG. Sachez simplement au moins différencier le territoire antérieur du territoire inférieur. En effet, les infarctus antérieurs et antéro-latéraux se compliquent de troubles de conduction de haut degré en rapport avec une ischémie du nœud atrio ventriculaire (cela implique la pose d’une sonde d’entraînement électro systolique en urgence), alors que les troubles de conduction des infarctus inférieurs sont liés à une hypertonie vagale et répondent bien à l’atropine.
Votre diagnostic électro-clinique est celui d’un infarctus du myocarde antéro-latéral en voie de constitution.
Question 2 - L(es) examen(s) complémentaire(s) nécessaire(s) pour confirmer le diagnostic est/sont :
Il s’agit ici d’une question à laquelle le doute n’est pas permis. Autant dans le non-STEMI, le dosage de troponine est nécessaire pour confirmer le diagnostic, autant dans le SCA avec sus-décalage du segment ST, le diagnostic positif est uniquement électro-clinique. Autrement dit, votre diagnostic est déjà confirmé, et aucun examen complémentaire supplémentaire n’est nécessaire. L’urgence est la revascularisation.
Le patient est transféré en salle d’accueil des urgences vitales pour un monitoring cardio-tensionnel continu.
Son état clinique reste stable.
Question 3 - La prise en charge dans l’heure à venir comporte (une ou plusieurs réponses exactes) :
Dans les infarctus STEMI (avec sus-décalage du segment ST) comme c’est le cas ici, les deux piliers du traitement médicamenteux à la phase aiguë sont : la bithérapie anti-agrégante et le traitement anticoagulant.
Le traitement anti-agrégant fait appel, en première intention, à l’association de deux médicaments.
– L’un est systématiquement l’aspirine, à la dose de charge de 250 mg (IV ou per os).
– L’autre est soit le ticagrélor (BRILIQUE®) à la dose de charge de 180 mg (per os, jamais en IV…), ou le prasugrel (EFIENT®) 60 mg en dose de charge (à éviter si plus de 75 ans ou moins de 60 kg). Le clopidogrel (PLAVIX®) à la dose de charge de 600 mg (per os également) n’est plus le traitement de première intention.
Le traitement anticoagulant fait appel, de façon très répandue, à l’héparine non fractionnée (un bolus IV, généralement de 4 000 à 5 000 UI). La bivalirudine peut également être utilisée en cas de contre-indication (TIH par exemple). Une alternative est l’énoxaparine (LOVENOX®) mais il s’agit d’une demi-dose curative par voie intra-veineuse, soit 50 UI/kg, et retenir cette posologie inhabituelle associée à ce mode d’administration inhabituel peut être source de confusion. Le fondaparinux n’a absolument aucune place dans le traitement du syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST.
Lorsque le patient est à proximité d’une salle de cathétérisme (délai entre l’ECG qualifiant et la revascularisation < 120min), la thrombolyse médicamenteuse n’a aucune place dans le traitement du SCA ST+. Le deuxième temps, après le traitement médicamenteux, est la revascularisation myocardique en urgence. Essayez de ne pas vous compliquer la vie : si l’on souhaite vous amener sur la piste de la thrombolyse, l’énoncé sera bourré d’indices vous indiquant que vous êtes loin du premier coronarographiste !
À noter enfin que la dobutamine ne se justifie qu’en cas d’état de choc cardiogénique associé (et ce n’est pas le cas ici). Retenez par ailleurs que la dobutamine en phase aiguë d’infarctus du myocarde peut être arythmogène sur un myocarde vulnérable, et les traitements mécaniques pourront être privilégiés selon la situation clinique (ballon de contre-pulsion intra-aortique ; assistance circulatoire de type ECLS…).
D’après : Ibanez B, James S, Agewall S, et al. 2017 ESC Guidelines for the management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation: The Task Force for the management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC).  Eur Hearth J 2018;39(2):119-77.
Le patient est transféré en salle de cathétérisme. L’examen angiographique des artères coronaires (coronarographie) montre une lésion monotronculaire de l’artère interventriculaire antérieure, aiguë, thrombotique, traitée par thrombo-aspiration et mise en place d’un stent actif. Le reste du réseau est normal. Le patient sort de procédure sous une perfusion continue d’anti-GpIIbIIIa (abiciximab, Réopro®) pour une durée de 24 heures.
L’évolution est ensuite favorable. L’échographie cardiaque montre une dysfonction ventriculaire gauche sévère estimée à 31 % en Simpson-Biplan, avec une akinésie antéro-septo-apicale et une hyperkinésie modérée compensatrice des segments basaux. Il n’y a pas de valvulopathie mitro-aortique significative, et le péricarde est sec. Le débit cardiaque est calculé à 5 L/min.
Question 4 - Le traitement médicamenteux pendant le séjour hospitalier est :
La bithérapie anti-agrégante doit être poursuivie pendant au moins un an (c’est fondamental), et l’aspirine doit être poursuivie à vie (évidemment en l’absence d’événements hémorragiques intercurrents où l’indication sera réévaluée en fonction des particularités du patient). Le traitement anticoagulant efficace sera, par contre, stoppé dès revascularisation coronarienne sauf, bien sûr, s’il y a une autre indication d’anticoagulation curative : embolie pulmonaire récente, thrombus intra-ventriculaire gauche, valve mécanique, fibrillation atriale. Dans ce cas, la bithérapie anti-agrégante fera appel à l’aspirine et au clopidogrel (les autres anti-agrégants n’ont pas l’AMM en association avec un anticoagulant). Par ailleurs, la durée de la bithérapie pourra être raccourcie (en cas de risque hémorragique majeur) à un strict minimum de 1 mois en cas de stent nu et 6 mois en cas de stent actif.
Concernant les autres traitements :
– le traitement par statines doit être introduit de façon précoce, à fortes doses, et indépendamment du bilan lipidique ;
– il est d’usage d’attendre 24 heures avant d’introduire les bêtabloquants et les IEC. Notez bien que les indications indiscutables (recommandations de grade I) des bêtabloquants et IEC sont la dysfonction VG, le diabète et l’hypertension artérielle associée. Il est d’usage, également, de prescrire ces deux classes médicamenteuses de façon systématique après un SCA ST+ ;
– l’indication de l’éplérénone est ici présente (FEVG < 40 %, infarctus antérieur).
D’après : Ibanez B, James S, Agewall S, et al. 2017 ESC Guidelines for the management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation: The Task Force for the management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC).  Eur Hearth J 2018;39(2):119-77.
Un inhibiteur de SGLT2 pourra également se discuter.
Le lendemain matin (J1), le patient décrit un épisode de palpitations. Vous enregistrez l’ECG suivant.
Question 5 - Votre attitude thérapeutique est (une ou plusieurs réponses exactes) :
L’ECG objective une tachycardie irrégulière à QRS fins à 160-180 batt/min. Regardez le D2 long pour être persuadé qu’il s’agit bien d’un rythme irrégulier. Dans le cas de FA très rapides, l’ECG peut prendre un aspect pseudo-régulier qui peut être déroutant. Il s’agit ici d’une fibrillation atriale rapide (a contrario, dans la tachysystolie atriale (synonyme de tachycardie atriale), un rythme atrial est individualisable, et la cadence ventriculaire est généralement régulière, ce qui n’est pas le cas ici).
La réponse à la question du traitement anticoagulant est systématiquement donnée par le score CHADS2-VA2Sc en cas de FA non valvulaire. Les recommandations de l’ESC 2016 sur la fibrillation atriale définissent très clairement la FA valvulaire : présence d’une valve prothétique (y compris plastie mitrale) ou sténose mitrale sévère. Ici, le score est à 2 (antécédent d’infarctus et dysfonction ventriculaire gauche). Il y a donc bien une indication à un traitement anticoagulant efficace.
Comme vu dans la question précédente, la bithérapie anti-agrégante ne doit en aucun cas être stoppée (risque majeur de thrombose de stent !). Elle sera raccourcie à 6 mois maximum pour limiter le risque hémorragique.
D’après : Ibanez B, James S, Agewall S, et al. 2017 ESC Guidelines for the management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation: The Task Force for the management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC).  Eur Hearth J 2018;39(2):119-77.
Enfin, la proposition 5 amène à s’interroger sur la possibilité (ou non) de réduire une fibrillation atriale de découverte récente.
Il n’y a que deux, et seulement deux, indications pour réduire une fibrillation atriale de découverte récente :
– la fibrillation atriale authentiquement mal tolérée (et un OAP sur FA n’entre pas dans cette catégorie… C’est l’insuffisance cardiaque réfractaire qui est ici concernée, et pour arriver à la conclusion que l’insuffisance cardiaque est réfractaire, il faut avoir essayé de la traiter ! Le choc cardiogénique est également une bonne indication). Dans ce cas, on utilisera plutôt la cardioversion électrique, plus rapide et plus efficace ;
– la fibrillation atriale authentiquement datée de moins de 48 heures (ce qui signifie que vous disposez d’ECG en rythme sinusal, daté(s) précisément de moins de 48 heures), quelle qu’en soit la tolérance. Dans ce cas, on utilisera plutôt la cardioversion chimique.
Dans ces deux cas, et dans ces deux cas seulement, vous avez le droit de réduire la FA sans 3 semaines d’anticoagulation et/ou ETO. Dans tous les autres cas, vous devez suivre le schéma classique à la lettre (soit 3 semaines d’anticoagulation efficace avant la réduction, soit ETO pour vérifier l’absence de thrombus intra-cavitaire avant la réduction).
N’oubliez jamais que le contrôle du rythme n’a jamais prouvé de supériorité par rapport au contrôle de la fréquence, et qu’il n’y a donc pas de rationnel franc à réduire une fibrillation atriale bien tolérée (le risque majeur est celui de l’embolie de régularisation, à partir d’un thrombus intra-cavitaire qui met généralement 48 heures à se former, d’où le cut-off temporel vu précédemment !).
Le schéma suivant résume ce dernier point :
Le trouble du rythme se réduit spontanément, sans récidive au décours. Au matin du 2e jour (J2), l’infirmière vous signale que le patient n’a uriné que 200 cc sur les 12 dernières heures. Le patient est asthénique et incapable de se lever. La gazométrie artérielle montre une lactatémie à 4,1 mmol/L. La pression artérielle moyenne est aux alentours de 50 mmHg et la fréquence cardiaque est à 110 batt/min. Vous suspectez un choc cardiogénique.
Question 6 - Parmi les éléments suivants, quel(s) est/sont le(s) argument(s) que vous pourriez retenir en faveur du diagnostic d’état de choc cardiogénique ?
Le choc cardiogénique est défini par l’incapacité de la pompe ventriculaire à générer un débit sanguin suffisant permettant aux organes périphériques de subvenir à leurs besoins métaboliques. Cela signifie qu’en plus du bas débit cardiaque, il faut des stigmates d’hypoxie tissulaire, en l’absence de signes d’hypovolémie (auquel cas le traitement serait… le remplissage vasculaire !).
Les critères hémodynamiques du choc cardiogénique sont les suivants (CNER) :
– pression artérielle systolique < 90 mmHg pendant au moins 30 minutes (ou baisse de plus de 40 mmHg de la PAS par rapport à sa valeur habituelle). Attention, toute hypotension artérielle ne signifie pas choc cardiogénique ! ;
– bas débit cardiaque objectivé par des moyens invasifs (cathétérisme de Swan-Ganz, devenu aujourd’hui anecdotique sauf dans les services de réanimation de chirurgie cardiaque) ou non invasifs (échocardiographie), le seuil admis est de 2,2 L/min/m-2 ;
– pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) > 15 mmHg.
À ces critères hémodynamiques, il faut donc ajouter les critères cliniques d’insuffisance circulatoire aiguë (oligurie, marbrures cutanées, extrémités froides, cyanose et/ou pâleur cutanéo-muqueuse, troubles de la conscience). Ces critères cliniques ont souvent une traduction biologique qui reflète également le bas débit cardiaque (insuffisance rénale aiguë biologique, cytolyse prédominant sur les ASAT).
Votre diagnostic est confirmé. L’échographie cardiaque montre un débit cardiaque effondré à 1,8 L/min associé à une hypokinésie ventriculaire gauche globale sévère (FEVG estimée à moins de 20 %). Il n’y a pas d’épanchement péricardique. La veine cave inférieure est dilatée, non compliante. Le bilan biologique objective une insuffisance rénale aiguë (créatinine 400 µmol/L, urée 19 mmol/L), une cytolyse hépatique à 5 N prédominant sur les ASAT, et le patient n’a pas repris de diurèse.
Sur le plan clinique, la fréquence cardiaque est à 110 batt/min, et la pression artérielle est à 85/40 mmHg.
Question 7 - Votre prise en charge dans les prochaines heures comporte (une ou plusieurs réponses exactes) :
Manifestement, ce patient est en état de choc cardiogénique sévère (débit cardiaque effondré, FEVG 20 %). Il existe un bas débit systémique, comme en témoignent l’insuffisance rénale aiguë et la cytolyse hépatique. L’hypotension artérielle et la tachycardie réflexe (mécanisme de compensation visant à maintenir le débit cardiaque) sont deux signes cliniques également évocateurs.
Le traitement du choc cardiogénique, qui correspond à une dysfonction contractile primitive de la pompe cardiaque, repose précisément sur des médicaments inotropes. L’objectif est d’augmenter la « puissance » (donc la contractilité) du myocarde. Il faut donc utiliser des inotropes, et non des vasopresseurs qui, eux, augmentent la post-charge sans augmenter la puissance du cœur qui se retrouverait donc à pousser « contre un mur ».
L’aspirine ne doit en aucun cas être arrêtée (phase précoce d’infarctus du myocarde !), mais compte-tenu de cette dégradation de la FEVG à J4, un contrôle coronarographique doit être discuté pour éliminer l’existence d’un nouvel élément ischémique (le plus probable à ce stade est la thrombose de stent).
En cas d’inefficacité du traitement médical, les techniques d’assistance mécanique, voire de transplantation, seront à discuter, mais l’indication n’est pas posée d’emblée dans ce cas.
Le patient bénéficie d’une perfusion continue de dobutamine à la posologie de 10 gamma/kg/min. Le contrôle coronarographique ne montre pas d’évolutivité coronarienne et en particulier pas de thrombose de stent. Six heures plus tard, la diurèse n’a pas repris et le bilan biologique continue de s’aggraver, malgré une majoration de la dobutamine à 15 gamma/kg/min. De façon concomitante, le patient est devenu de plus en plus confus, n’ouvre pas les yeux (ni à la demande ni à la douleur), prononce quelques mots inintelligibles lorsque vous le stimulez, et retire la main de façon appropriée à la stimulation douloureuse. La saturation est maintenant de 91 % en air ambiant.
Question 8 -Le score de Glasgow de ce patient est :
Y1V2M4 = 7
Il s’agit ici d’une question de cours basique sur laquelle vous devez être incollable. Il s’agit de points facilement gagnés que vous ne pouvez pas vous permettre de refuser.
Un petit rappel du mode de calcul du score de Glasgow (ici Y1 + V2 + M4 = 7) :
Le Glasgow est calculé à 7. Vous prenez la décision de transférer le malade en réanimation où il est rapidement intubé.
Question 9 - À la lumière de ces éléments, la prise en charge de ce patient est (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le traitement du choc cardiogénique est d’abord et avant tout le traitement inotrope (dobutamine). Ici, il doit donc être poursuivi (l’effet de tachyphylaxie ne s’observe généralement que pour des traitements prolongés, et il est ici trop tôt pour pouvoir le mettre en cause).
Par ailleurs, dans notre cas, le patient commence à se « mouiller », c’est-à-dire qu’il existe une surcharge hydro-sodée pulmonaire, expliquant très probablement la désaturation. Rappelez-vous également que la veine cave inférieure est dilatée et non compliante. Le patient est donc globalement en grande inflation hydro-sodée et doit être déplété. Il n’est pas contradictoire d’utiliser des diurétiques dans un état de choc cardiogénique ! Cela permet de diminuer les signes congestifs, les pressions de remplissage et d’adapter la volémie au débit cardiaque, ce qui facilite l’éjection ventriculaire gauche.
Lorsque les amines inotropes sont inefficaces, comme c’est le cas ici, il faut rapidement discuter une assistance périphérique circulatoire et transférer le malade dans un centre adapté le cas échéant. La décision d’implantation d’une ECMO est une décision collégiale, complexe et il est plus qu’improbable qu’on vous demande de prendre la décision seul(e). Votre rôle est surtout d’identifier rapidement les situations où le patient doit être rapproché d’un centre de chirurgie cardiaque pour ne pas prendre de retard dans la prise en charge thérapeutique.
Le patient bénéficie de l’implantation d’une assistance circulatoire périphérique par ECMO veino-artérielle (voie fémorale) dont les paramètres de fonctionnement sont satisfaisants. L’état hémodynamique s’améliore, et les drogues inotropes peuvent progressivement être diminuées.
Au matin du 3e jour de prise en charge en réanimation, alors que le patient est toujours ventilé en FiO2 50 % (Fraction inspirée d’oxygène 50 %), l’infirmière vous informe qu’il désature à 91 % depuis la fin de la nuit. Les sécrétions bronchiques sont sales et purulentes, et le patient est fébrile à 39,7 °C. L’hémodynamique est inchangée.
Vous suspectez une pneumonie acquise sous ventilation mécanique (PAVM).
Question 10 - Concernant la PAVM de ce patient (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le diagnostic d’une pneumonie acquise sous ventilation mécanique (PAVM) n’est pas très aisé et repose le plus souvent sur un faisceau d’arguments.
Pour le Collège des enseignants de pneumologie, le diagnostic est « difficile car les signes cliniques ne sont pas spécifiques. Il repose sur un faisceau diagnostique.
Les éléments de suspicion sont cliniques, biologiques et radiologiques :
– hyperthermie > 38 °C sans autre cause ou hypothermie ;
– apparition de sécrétions purulentes, aggravation de l’état respiratoire et/ou hémodynbamique sans autre raison évidente ;
– hyperleucocytose > ou = 12 000 GB/mm3 ou leucopénie < 4 000 GB/mm3 ;
– une élévation de marqueurs biologiques de l’inflammation ;
– apparition, modification ou simplement présence d’images radiologiques compatibles ».
Pour le Pilly, les critères sont plus évasifs : « Distinctions entre les pneumonies acquises sous ventilation mécanique (PAVM) précoces : < 5 jours d’hospitalisation (agents infectieux communautaires) et tardives : > ou = 5 jours (agents infectieux d’origine nosocomiale et souvent résistants aux antibiotiques. Ex : Pseudomonas Aeruginosa ».
Cf : Pilly Infectiologie – E1 N°4. La sécurité du patient La gestion des risques Les événements indésirables associés aux soins (EIAS).
Noter que le diagnostic microbiologique est obligatoire pour pouvoir confirmer le diagnostic. Les éléments cliniques qui doivent vous alerter sont les éléments « classiques » qui définissent les pneumopathies infectieuses (hyperthermie, encombrement et majoration des sécrétions qui deviennent sales et purulentes, majoration des besoins en oxygène, syndrome inflammatoire biologique, infiltrat radiologique…).
Avant 5 jours de ventilation mécanique, comme c’est le cas ici, on parle de PAVM précoce. Au-delà, on parle de PAVM tardive. Ces deux entités se distinguent par l’écologie bactérienne qui est différente : germes communautaires pour les PAVM précoces, et germes nosocomiaux pour les PAVM tardives.
Référence : Leone M, Bouadma L, Bouhemad B, et al. Recommandations formalisées d’experts. Pneumonies associées aux soins de réanimation. 21 septembre 2017.
La PAVM est évidemment une infection nosocomiale, mais elle ne nécessite pas de déclaration obligatoire (sauf bien sûr s’il s’agit d’un germe à déclaration obligatoire, c’est-à-dire un bacille de Koch ou Legionella pneumophila).
Il faut éviter les contaminations intra-hospitalières par traitement préventif :
– hygiène des mains (produits hydroalcooliques) ;
– politiques raisonnée des antibiotiques (moins d’antibiotiques, durée plus courte en désescalade, réduction du recours à certaines classes d’antibiotiques) ;
– privilégier la ventilation non invasive à la ventilation mécanique ;
– diminuer la sédation et la curarisation des malades.
Question 11 - L’antibiothérapie probabiliste proposée peut être :
Là encore, le traitement doit faire appel au bon sens. Il s’agit d’une PAVM précoce, donc l’antibiothérapie probabiliste doit cibler les germes communautaires. Il n’y a pas d’instabilité hémodynamique, donc pas de nécessité d’y ajouter un aminoside. Il n’y a pas de nécessité de cibler le staphylocoque doré résistant à la méthicilline sauf si facteurs de risque de SARM : prévalence locale de SARM élevée, colonisation récente du patient à SARM, lésion cutanée chronique, dialyse chronique.
Le spectre de l’amoxicilline associé à l’acide clavulanique est suffisant pour couvrir à la fois les germes concernés et les anaérobies. La céphalosporine de 3e génération en monothérapie est également un traitement satisfaisant jusqu’à la documentation microbiologique (même si dans ce cas, on ne couvre pas les anaérobies).
Le spectre de Tazocilline® (ticarcilline + acide clavulanique) paraît trop large pour une PAVM précoce sans facteurs de risque de BMR (rappelez-vous qu’au début de l’énoncé, on vous indique que le patient n’a pas voyagé récemment et n’a pas été hospitalisé).
Référence : Leone M, Bouadma L, Bouhemad B, et al. Recommandations formalisées d’experts. Pneumonies associées aux soins de réanimation. 21 septembre 2017.
Le patient s’améliore sous antibiothérapie, avec disparition de la fièvre et une amélioration des paramètres de ventilation.
48 h plus tard, un scanner cérébral est réalisé devant une mydriase bilatérale aréactive et une absence de réveil et met en évidence un hématome profond massif avec des signes d’engagement sous falcoriels.
Question 12 - La constatation du ou des élément(s) suivant(s) permettrait d’affirmer le diagnostic de mort encéphalique :
Les critères cliniques nécessaires au diagnostic d’état de mort encéphalique sont :
• Un examen physique qui doit objectiver un coma aréactif (Glasgow 3), sans réflexes du tronc cérébral et sans respiration spontanée.
• L’absence de respiration spontanée peut être vérifiée par un « test de respiration spontanée ».
• L’élévation de la capnie au-delà de 50-60 mmHg (seuil généralement admis, mais il n’y a pas de recommandation officielle) est un argument fort pour l’absence de ventilation spontanée.
Cet état de mort encéphalique doit être confirmé par un examen complémentaire parmi les suivants :
– soit 2 EEG nuls (silence électro-cortical) et aréactifs, enregistrés sur 30 minutes, à au moins 4 heures d’intervalle, en l’absence de facteurs confondants (pas de troubles métaboliques, pas de sédatifs, et en normothermie) ;
– soit une angiographie cérébrale des 4 axes objectivant l’arrêt de la circulation encéphalique (cet examen peut parfaitement être remplacé par un angioscanner cérébral). Attention, le doppler transcrânien, s’il permet de s’orienter vers le diagnostic au lit du malade, n’est pas un examen officiellement admis pour poser le diagnostic de mort encéphalique.
Référence : Boulard G, Guiot P, Pottecher T, et al. Prise en charge des sujets en état de mort encéphalique dans l’optique d’un prélèvement d’organes.  Annales françaises d’anesthésie et de réanimation 2005;24:836-43.
Votre diagnostic d’état de mort encéphalique est confirmé.
Question 13 - Comment prenez-vous en charge la réanimation de ce patient en attendant l’éventuel prélèvement d’organes ?
Une fois l’état de mort encéphalique confirmé, tout l’objectif est de réaliser une réanimation symptomatique afin de préserver le fonctionnement des organes qui vont être prélevés. Le diabète insipide est fréquent et doit être traité par desmopressine si la diurèse est trop importante, associé éventuellement à une compensation de diurèse pour lutter contre l’hypovolémie.
La ventilation doit être adaptée pour obtenir une PaO2 entre 80 et 100 mmHg et une PaCO2 entre 35 et 40 mmHg.
L’assistance circulatoire périphérique, qui permet de maintenir le débit de perfusion, ne doit évidemment pas être arrêtée.
Après de longues discussions avec les membres de la famille, ceux-ci ne souhaitent pas de prélèvement d’organes. Vous déclarez donc le décès du patient.
Question 14 - Parmi les propositions suivantes concernant le certificat de décès, laquelle/lesquelles est/sont exacte(s) ?
Dès que le 2e examen paraclinique confirme l’état de mort encéphalique, un procès-verbal de constat de mort doit être rédigé, et signé par 2 médecins n’appartenant pas à l’équipe de transplantation. L’heure indiquée sur ce procès-verbal correspond à l’heure de réalisation de l’examen paraclinique ayant confirmé la mort encéphalique (soit l’angioscanner, soit le 2e EEG).
Ce procès-verbal est nécessaire à l’Agence de la biomédecine pour vérifier notamment le Registre national des refus.
En cas d’acceptation et une fois les organes prélevés, le certificat de décès sera rédigé. Là encore, l’heure indiquée sur le certificat correspond à l’heure de l’examen paraclinique de confirmation de l’état de mort encéphalique. Ce certificat de décès est indispensable pour que l’officier d’état civil délivre le permis d’inhumer.
Ce certificat de décès comporte deux parties :
• La première partie est publique et purement administrative. Elle comporte :
– les prénoms et le nom du défunt ;
– sa date de naissance ;
– son sexe, et son domicile ;
– la commune du décès ;
– la date et l’heure de sa mort ;
– les informations nécessaires à la délivrance de l’autorisation de fermeture du cercueil et à la réalisation des opérations funéraires ;
– la signature et le cachet du médecin.
• La deuxième partie est purement médicale, confidentielle et anonyme.
Elle comporte la ou les cause(s) de décès. Elle est anonyme et ne comporte ni le nom, ni le prénom de la personne décédée. Il faut savoir que l’Institut national de la santé et de la recherche médicale est chargé de gérer la base constituée de l’ensemble des informations figurant sur le volet médical des certificats de décès qui lui sont transmis. Ces informations sont utilisées pour des motifs de santé publique.
La mort ici n’étant pas suspecte, il n’est pas nécessaire de cocher « obstacle médico-légal ».
La famille souhaite accéder au dossier du patient afin de connaître les causes du décès.
Question 15 - Parmi les propositions suivantes concernant l’accès au dossier médical de ce patient, laquelle/lesquelles est/sont exacte(s) ?
Le site Internet Service public résume les modalités d’accès au dossier médical. Celles-ci doivent être connues.
La demande de dossier médical se fait par lettre recommandée, auprès du directeur de l’établissement, qui dispose de 8 jours pour accéder à la requête, sauf bien sûr si le patient a expressément fait part de son refus de son vivant. La présence d’un professionnel de santé est recommandée mais non obligatoire. Toutes les pièces du dossier ne sont pas transmises : seules celles qui permettent de répondre à la question posée sont transmises.
Il n’y a que trois raisons pour lesquelles la famille peut exiger de voir le dossier médical d’un défunt : faire valoir ses droits, connaître les causes du décès et défendre la mémoire du défunt.

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