Jeune interne en ophtalmologie, vous recevez en urgence Mme P., 77 ans. Elle se plaint d’une vision double depuis deux jours. Cette patiente a pour antécédents une hypothyroïdie, une hypertension artérielle et des troubles du sommeil. Son traitement comporte :

– périndopril 20 mg, 1 comprimé le matin ;

– Lévothyrox 75 µg, 1 comprimé le matin ;

– zolpidem 10 mg, 1 comprimé le soir.

Elle n’a pas d’antécédent ophtalmologique particulier.

Elle vous explique qu’elle voit double depuis quelques heures. La vision double est plus marquée lorsqu’elle regarde vers le haut. Ses symptômes disparaissent lorsqu’elle ferme un des deux yeux.
Question 1. À ce stade de la consultation, le(s) diagnostic(s) suivant(s) est (ou sont) compatible(s) avec ces symptômes. 
En ophtalmologie, la diplopie est un symptôme qui pousse le patient à venir consulter. Sa plainte principale lorsqu’il entre dans la salle de consultation est de voir double.
Il est donc très important de savoir raisonner directement à partir de ce symptôme et de mener une enquête clinique solide. Il faut notamment distinguer rapidement entre les causes ophtalmologiques pures (bénignes) et les causes neuro-ophtalmologiques (potentiellement mortelles). La première chose à rechercher devant une diplopie est donc la persistance des symptômes à l’occlusion d’un des yeux.
Si la diplopie persiste à l’occlusion d’un œil, celle-ci est monoculaire. On s’oriente alors vers une atteinte Cornéenne (taie cornéenne/astigmatisme important/kératocône), Iridienne (iridodyalise traumatique) ou Cristallinienne (cataracte nucléaire importante) = « causes CIC ».
Si la diplopie disparaît à l’occlusion d’un œil, on s’oriente vers les causes binoculaires : traumatique, tumorale, endocrinienne, vasculaire, neurologique, inflammatoire, iatrogène = « causes INVITTE » : Inflammatoire / Neurologique / Vasculaire / Iatrogène / Traumatique / Tumorale / Endocrinienne.
Question 2. Que recherchez-vous lors de l’entretien avec le patient devant une paralysie oculomotrice ? 
Quelques questions simples et un examen clinique ciblé dans le box des urgences permettent de s’orienter rapidement vers l’étiologie de la diplopie. On recherche notamment :
– des céphalées récentes qui peuvent être dues à une maladie de Horton ou une hypertension intracrânienne ;
– une variabilité des symptômes dans le temps qui oriente vers une myasthénie oculaire ;
– une exophtalmie pulsatile qui doit faire rechercher une fistule carotido-caverneuse ;
– un trouble neurologique récent (sensation de faiblesse d’une jambe ou d’un bras) qui doit alerter sur la possibilité d’un accident vasculaire cérébral (AVC) du tronc cérébral.
En outre, il faut établir une liste des médicaments que prend le patient car certains peuvent donner des troubles oculomoteurs et des diplopies (bêtabloquant, carbamazépine, lithium…).
La pilocarpine est un collyre parasympathomimétique. Son instillation entraîne un myosis et une diminution de la pression intraoculaire. Il aurait été utile de rechercher son usage chez un patient se plaignant d’une anisocorie (asymétrie pupillaire). Dans ce cas, ce n’est pas pertinent.
La patiente se plaint de céphalées frontales, depuis une quinzaine de jours, intermittentes, d’intensité faible, variable dans le temps, calmées la plupart du temps par des antalgiques de type paracétamol. Elle n’a pas de cervicalgie, l’examen neurologique est normal. Les pupilles sont symétriques. La vision double est permanente. L’acuité visuelle est de 10/10e Parinaud 2 à droite comme à gauche. Le fond d’œil est normal.
La patiente signale par ailleurs une perte de poids de 6 kilogrammes depuis trois mois qu’elle attribue à une difficulté à la mastication.
Question 3.Devant cette diplopie binoculaire, vous réalisez l’(les) examen(s) suivant(s). 
La découverte d’une diplopie nécessite de réaliser un examen clinique précis et des examens complémentaires spécifiques. Tout d’abord on commence par examiner les mouvements oculaires dans toutes les directions. Puis il faut vérifier la symétrie pupillaire. Ensuite on réalise, souvent avec l’aide d’une orthoptiste, un examen sous écran, un test au verre rouge et un test de Hess-Lancaster.
L’examen sous écran consiste à demander au patient de fixer un point que l’on place en vision de loin et en vision de près. On recherche une déviation manifeste de l’œil suspect de paralysie. Pour connaître l’œil dévié on cache un œil et on regarde l’œil controlatéral : si celui-ci effectue un mouvement de refixation, c’est qu’il était dévié ; s’il ne bouge pas, c’est qu’il était fixateur (c’est-à-dire non dévié). On répète l’examen pour chaque œil.
Le test au verre rouge consiste à placer devant l’œil droit du patient un verre rouge et à lui faire regarder une lumière qu’il verra dédoublée en cas de diplopie. (voir ci-dessous).
Le test de Hess-Lancaster permet de réaliser un relevé graphique de l’oculomotricité du patient. Le patient est placé devant une grille avec des lunettes rouge-verte qui permettent de tester chaque œil séparément. Le résultat permet d’objectiver les champs d’action des muscles oculomoteurs et une éventuelle paralysie.
L’échographie en mode A n’a aucun intérêt dans l’exploration d’une diplopie, elle permet de mesurer la taille de l’œil avant une chirurgie de la cataracte. L’électromyographie des muscles orbitaires est un examen très spécialisé réalisé en laboratoire de recherche, il n’a pas d’intérêt dans l’exploration d’une diplopie.
La patiente présente une discrète ptose palpébrale gauche. En position primaire, son œil gauche est en divergence. Lors de l’examen de l’oculomotricité, l’œil gauche ne parvient pas à regarder vers le haut. Lors de la présentation d’un verre rouge devant son œil droit, la patiente explique voir un point rouge à gauche du point blanc. Les pupilles sont symétriques et réactives.
Le test coordimétrique retrouve :
Question 4. Cet examen clinique est compatible avec :
Chez cette patiente, l’examen clinique et le résultat du test de Lancaster sont typiques d’une paralysie du III gauche.
L’œil paralysé a un cadre plus petit que la normale sur le résultat du test (hypo-action des muscles paralysés) et l’autre œil un cadre plus grand par hyper-action compensatoire.
Lors de l’examen au verre rouge, si le patient présente une diplopie, il verra une lumière rouge apparaître à droite de la lumière blanche. Lorsque la lumière rouge apparaît à droite de la lumière blanche, on parle de diplopie homonyme (paralysie du VI, par exemple). Si la lumière rouge apparaît à gauche de la lumière blanche, on parle de diplopie croisée. Une paralysie du III donne une diplopie croisée.
À l’examen clinique, les pupilles sont symétriques, il s’agit d’une paralysie extrinsèque touchant uniquement les muscles oculomoteurs.
Ici la patiente présente une diplopie croisée par paralysie du III gauche extrinsèque.
La patiente présente une diplopie croisée causée par une paralysie du III gauche extrinsèque.
Question 5. L’(les) étiologie(s) compatible(s) avec ce diagnostic est (sont) la (les) suivante(s).
Chez cette patiente âgée se plaignant de céphalées fronto-orbitaires et présentant une paralysie oculomotrice, la première cause à évoquer est une maladie de Horton.
À noter : devant une paralysie du III, il est classique d’apprendre qu’il faut penser systématiquement à un anévrisme intracrânien, une dissection carotidienne ou une fistule carotido-caverneuse car ce sont des urgences vitales. Néanmoins, nous avons choisi de ne mettre aucun de ces diagnostics dans les propositions de réponse car en pratique clinique un anévrisme intracrânien est retrouvé plutôt chez un sujet jeune. De plus, la paralysie est progressive et se manifeste d’abord par une atteinte de la motilité pupillaire puis par une atteinte progressive de la motricité extrinsèque (règle des 5 P : Pupil – Partial – Progressive – Pain - Patient).
Une paralysie purement extrinsèque d’apparition brutale comme présentée ici, isolée, chez un patient âgé avec des antécédents cardio-vasculaires, peut orienter vers une paralysie microvasculaire ischémique. Dans ce cas, le pronostic est bon avec régression des symptômes en quelques mois.
Le gliome des tubercules quadrijumeaux et le neurinome de l’acoustique sont des causes de paralysie du IV (réponse nécessitant une maîtrise de la neuro-anatomie). Pour rappel, le nerf III émerge à la base du crâne au-dessus de la protubérance. Il passe en dessous de l’artère cérébrale postérieure. Puis il traverse le sinus caverneux où il se divise en deux branches qui pénètrent dans la cavité orbitaire par la fente sphénoïdale.
Le strabisme décompensé est un leurre, ce n’est pas une cause de paralysie oculomotrice.
La patiente est prise en charge dans un service de médecine polyvalente pendant sept jours pour exploration de sa diplopie. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale est réalisée et ne retrouve pas d’anomalie. Une prise de sang retrouve une protéine C réactive (CRP) à 25. La glycémie à jeun est normale, l’électrocardiogramme (ECG) retrouve un rythme sinusal régulier. Aucun foyer infectieux n’est retrouvé. Il est conclu à une atteinte micro-vasculaire et un traitement par aspirine 100 mg est mis en place après avis cardiologique. La patiente retourne à domicile avec un suivi orthoptique. La diplopie régresse au bout de deux mois.
Trois mois après la régression de sa diplopie, la patiente revient en urgence pour baisse d’acuité brutale de son œil droit. Son œil est blanc et indolore. À l’examen l’acuité visuelle est de 7/10 à droite et 10/10 à gauche. La tension oculaire est à 15 mmHg à droite et 12 mmHg à gauche.
Question 6. Quels diagnostics pouvez-vous évoquer dans cette situation clinique ? 
Ici, on est devant une baisse d’acuité visuelle brutale avec un œil blanc et indolore. La baisse d’acuité visuelle n’est pas très profonde (7/10e). Il faut donc évoquer :
– une hémorragie intra-vitréenne ;
– une occlusion de la veine centrale de la rétine ;
– une DMLA exsudative compliquée de néo-vaisseaux choroïdiens maculaires ;
– une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë (NOIAA) ;
– toxoplasmose ;
– hyalite.
L’occlusion de l’artère centrale de la rétine est à évoquer devant une baisse d’acuité visuelle brutale avec un œil blanc et indolore. Toutefois, cette atteinte donne une baisse d’acuité visuelle très profonde (perception lumineuse) et une pupille en mydriase aréflectique.
Le fond d’œil est le suivant :
Question 7. L’(les) anomalie(s) présente(s) sur ce fond d’œil est (sont) la (les) suivante(s) :
Sur cette photographie du fond d’œil, on observe une papille aux contours flous. Il s’agit d’un œdème papillaire volumineux. Celui-ci englobe l’ensemble de la papille. On observe aussi une hémorragie péri-papillaire en flammèche dans le cadran papillaire inférieur. Il s’agit d’un fond d’œil typique de NOIAA.
Les autres signes à rechercher au fond d’œil sont des nodules cotonneux et une occlusion d’artère rétinienne, ces éléments sont fortement évocateurs d’une cause artéritique à la NOIAA
Question 8. Devant l’ensemble de ce tableau clinique, votre diagnostic final est le suivant :
L’histoire clinique avec la paralysie oculomotrice régressive puis la baisse de vision brutale d’un œil dans un contexte de céphalées de novo est typique d’une maladie de Horton. Il ne faut pas se laisser dérouter par une acuité visuelle à 8/10e. Lors d’une NOIAA, l’acuité visuelle peut être de 10/10e. Le patient rapporte alors une sensation de rétrécissement du champ visuel.
Dans ce cas, on peut objectiver cette sensation subjective par un champ visuel de Goldmann qui met en évidence un déficit altitudinal supérieur (voir la suite du dossier). La patiente décrite dans ce cas est une vraie patiente. Pour l’histoire, la première acuité visuelle réalisée était de 10/10e malgré un fond d’œil typique de NOIAA débutante.
Il n’y aucun signe de rétinopathie diabétique ni de rétinopathie hypertensive sur le fond d’œil présenté.
Lors d’une occlusion de la veine centrale de la rétine, le fond d’œil retrouve des veines tortueuses et dilatées ainsi que des hémorragies.
Le méningiome du nerf optique s’installe progressivement. Il aurait été identifié lors de l’IRM réalisée à la suite de la paralysie oculomotrice et n’aurait pas donné ce tableau clinique. À noter, l’analyse de la papille au fond d’œil donnait un argument contre un œdème papillaire d’hypertension intracrânienne (HTIC) en raison de la présence de l’hémorragie en flammèche superficielle.
Question 9. Vous prévoyez en urgence le(s) examen(s) complémentaire(s) suivant(s). Une (ou plusieurs) réponse(s) est (sont) exacte(s).
Devant une NOIAA, la question est de savoir si celle-ci est de cause artéritique (maladie de Horton) ou de cause non artéritique. L’examen de l’œil controlatéral permet de s’orienter vers une cause non artéritique s’il retrouve une papille de petite taille sans excavation.
Cependant, c’est avant tout le dosage de la vitesse de sédimentation (VS) et de la CRP qui est utile. Une CRP ou une VS élevée est un argument très fort pour débuter sans délai une corticothérapie.
L’artériographie des artères ophtalmiques est inutile et dangereuse. L’OCT maculaire explore le profil rétinien et la gonioscopie permet d’observer l’angle irido-cornéen, ces examens n’ont aucun intérêt dans ce contexte.
Il est pertinent de demander un ionogramme sanguin en même temps que le dosage de la CRP : on aura ainsi un dosage de la kaliémie si une corticothérapie doit être débutée rapidement.
Pour comprendre : la CRP est très sensible pour le diagnostic de NOIAA artéritique (> 90 %). C’est l’examen à demander en priorité devant une NOIAA. Il est recommandé d’y associer un dosage de la VS. Aujourd’hui, la recherche d’une maladie de Horton est l’une des rares indications à mesurer la VS en urgence. En effet, il existe 1 % des NOIAA avec une CRP normale et une VS élevée.
La CRP est à 126. Il est conclu à une NOIAA artéritique. La patiente est hospitalisée en médecine interne.
Question 10. Votre prise en charge est la suivante. 
La NOIAA artéritique est une urgence thérapeutique. Il est très important de commencer rapidement les corticoïdes, ils ne vont pas rendre la vue à la patiente mais vont essayer d’éviter la perte de l’autre œil. Il ne faut pas attendre d’effectuer d’autres examens complémentaires. La biopsie de l’artère temporale peut être réalisée dans la semaine qui suit l’initiation de la corticothérapie.
L’angiographie à la fluorescéine permet de confirmer la présence de l’œdème papillaire. Elle peut mettre en évidence des signes d’ischémie choroïdienne associée, très en faveur d’une origine artéritique (maladie de Horton) à la NOIAA.
Le test de la vision des couleurs est utile dans les atteintes du nerf optique ou certaines maculopathies (antipaludéens de synthèse).
Deux jours après son arrivée dans le service, il est décidé de réaliser une biopsie de l’artère temporale gauche.
Question 11. Concernant la réalisation d’une biopsie de l’artère temporale dans le cadre d’une maladie de Horton. 
(inacceptable) 
L’histologie de la maladie de Horton est un des sujets les plus appréciés par les internistes. Il faut donc connaître par cœur l’histologie de la maladie de Horton.
Il est important de réaliser une biopsie de bonne taille (au moins 1,5 cm) devant le caractère focal de l’atteinte artérielle et d’analyser le prélèvement en totalité. Il n’est pas possible d’analyser qu’une coupe de quelques millimètres d’épaisseur car l’on risque de passer à côté du diagnostic.
L’examen anatomopathologique trouve typiquement :
– un infiltrat inflammatoire des tuniques artérielles prédominant au niveau de la média ;
– une destruction des cellules musculaires lisses de la média ;
– une destruction de la limitante élastique interne (pathognomonique) ;
– un épaississement fibreux de l’intima ;
– des thrombus.
Il est préférable de réaliser la biopsie du côté où le patient présente des signes ophtalmologiques ou une claudication de la mâchoire. L’idéal est de biopser un site où l’artère est sensible et pulsatile ou bien rouge et indurée.
Les granulomes ne sont retrouvés que dans 50 % des cas. Leur présence est un argument très fort en faveur d’une maladie de Horton mais leur absence ne modifie pas la probabilité de la maladie.
La patiente est hospitalisée en médecine interne et reçoit des bolus de corticoïde IV à la dose de 1 mg/kg/j.
Question 12. Quels effets secondaires des corticoïdes peuvent apparaître chez cette patiente ?
Les effets secondaires des corticoïdes font régulièrement l’objet de questions aux ECNs. Ici tout était vrai sauf l’hyperéosinophilie. Même sans connaître par cœur la liste des effets secondaires, il est possible d’identifier l’item hyperéosinophilie comme faux en pensant aux autres indications des corticoïdes : asthme, réaction anaphylactique… En effet, lorsqu’ils sont prescrits dans cette indication, leur action sur la baisse des polynucléaires éosinophiles est recherchée.
Voici la liste des effets secondaires des corticoïdes à connaître :
– métabolique : hypokaliémie, rétention hydrosodée ;
– endocrinologique : dyslipidémie, prise de poids, faciès cushingoïde = redistribution facio-tronculaire des graisses ;
– orthopédique : ostéoporose, ostéonécrose fémorale ;
– musculaire : amyotrophie, atrophie musculaire proximale ;
– digestif : favorise le saignement d’un ulcère gastrique, perforation intestinale ;
– psychiatrique : décompensation d’une maladie psychiatrique, psychose hallucinatoire ;
– ophtalmologique : cataracte sous-capsulaire postérieure et glaucome chronique ;
– dermatologique : acné, atrophie cutanée ;
– gynécologique : aménorrhée ; impuissance.
Cinq jours après le début du traitement, vous faites la visite quotidienne auprès de la patiente.
Question 13. Quels signes cliniques en faveur d’une hypokaliémie (induite par les corticoïdes) devez-vous recherchez quotidiennement lors de la visite ?
La sémiologie de l’hypokaliémie et celle de l’hyperkaliémie doivent être maîtrisées sur le bout des doigts.
Pour rappel
Signe d’hyperkaliémie est synonyme d’hypoexcitabilité : bradycardie à QRS large, bloc sino-auriculaire ou atrio-ventriculaire, disparition de l’onde P. L’hyperkaliémie déclenche aussi des symptômes musculaires : paresthésies péribuccales et des extrémités, faiblesse musculaire…
L’hypokaliémie, quant à elle, est synonyme d’hyperexcitabilité : troubles du rythme supraventriculaire ou ventriculaire (fibrillation atriale, extrasystole, torsade de pointe, fibrillation ventriculaire. Au niveau musculaire : on note, à mesure que l’hypokaliémie devient profonde : crampes, myalgies, rhabdomyolyse. Sur le plan digestif, elle peut être responsable d’une constipation, voire d’un iléus paralytique dans les formes graves. Si l’hypokaliémie devient chronique, une néphropathie interstitielle chronique peut se développer.
Une pancréatite aiguë n’est en rapport ni avec une hypokaliémie ni avec une hyperkaliémie. De rares pancréatites aiguës sont dues à de l’hypercalcémie.
Vous recevez le résultat de la biopsie de l’artère temporale.
Le prélèvement de 2,5 cm a été inclus et analysé en totalité. Il n’a pas été retrouvé d’infiltrat inflammatoires des tuniques artérielles. Intégrité des cellules musculaires lisses de la média. Pas de granulome ni de thrombus visualisé. L’intima est d’épaisseur normale.
Il n’y a pas d’argument histologique pour une maladie de Horton.

 

Question 14.Quels examens complémentaires pouvez-vous prescrire en cas de biopsie négative pour étayer le diagnostic de maladie de Horton ? 
L’écho-Doppler des artères temporales peut grâce à un opérateur expérimenté guider les biopsies et apporter des arguments forts pour une maladie de Horton. L’imagerie aortique est pratiquée en deuxième intention en cas de biopsie négative.
Le test d’avidité des IgG est un leurre, cela n’a aucun intérêt dans la maladie de Horton (pour rappel, on utilise cela pour affirmer une infection récente par la toxoplasmose chez une femme enceinte).
La biopsie de l’artère rénale est inutile et dangereuse : la maladie de Horton touche les vaisseaux de gros calibre.
La patiente est revue en consultation à trois mois de sa NOIAA. Les biopsies des artères temporales étaient négatives mais le TEP-scan au 18-FDG et l’écho-Doppler des artères temporales ont pu confirmer le diagnostic. Mme P. est amenée par sa fille à la consultation. La patiente rapporte une perte d’intérêt pour ses activités de tous les jours ainsi qu’une humeur triste. La fille de la patiente vous explique qu’elle a l’impression que sa mère perd la mémoire : oublis fréquents, arrêt de toutes ses activités sociales, perte de ses clés à plusieurs reprises…
À l’examen, l’acuité visuelle de l’œil gauche est à 1/10e.
Question 15. Quels symptômes sont en faveur d’une démence débutante chez une personne âgée et non d’un syndrome dépressif réactionnel ?
Un événement comme la perte d’un œil est une source de stress importante chez un patient âgé. Un tel accident s’accompagne bien souvent d’une perte d’autonomie et d’un syndrome dépressif réactionnel. La sémiologie de la dépression chez un sujet âgé fait l’objet d’un item complet pour l’ECNi. Ce chapitre est apprécié par les gériatres car les situations où l’on hésite entre une démence débutante et une dépression chez un patient âgé sont très fréquentes. Il faut savoir faire la part des choses dès l’interrogatoire. Un test d’introduction d’un antidépresseur peut être tenté sous surveillance rapprochée. Dès qu’un patient a une baisse de vue importante, il faut par ailleurs avoir le réflexe de faire une demande de dossier à la maison départementale des personnes handicapées (dossier MDPH). La perte de la vue tout comme les chutes coïncide avec entrée en institution et perte d’autonomie accélérée.
Afin de différencier une démence d’une dépression, on peut retenir deux grands tableaux cliniques :
– un patient âgé dépressif présente dans la grande majorité des cas une tristesse permanente et un ralentissement global de toutes ses activités (peu importe leur complexité). L’anhédonie est constante. Il rapporte des émotions négatives et les amplifie. La perte de poids est rapide, les plaintes somatiques sont nombreuses et souvent il rapporte une insomnie matinale ;
– un patient avec une démence débutante aura quant à lui un état affectif fluctuant. Le ralentissement de ses activités touchera d’abord les activités intellectuelles complexes (gestion des papiers, comptabilité…). Il conserve généralement du plaisir pour les activités simples. L’état émotionnel est préservé. La perte de poids est rare et très progressive. Les plaintes somatiques sont rares. D’ailleurs, la demande de consultation aura souvent été motivée par un proche et non pas par le patient lui-même. En cas de troubles du sommeil on observe régulièrement une inversion du cycle nycthéméral.
Le cas présenté ici a été créé à partir d’une vraie patiente. Il permet de balayer de manière large différents items d’ophtalmologie. Il n’est pas rare qu’une paralysie oculomotrice précède une maladie de Horton et c’est une cause à évoquer systématiquement face à un patient de plus de 50 ans. La clé en ophtalmologie est de savoir évoquer devant chaque grand tableau clinique les bonnes causes en rapport avec quelques symptômes de base. Puis de mener un raisonnement clinique rigoureux pour arriver au diagnostic définitif. À quoi penser devant un œil rouge et douloureux, un œil rouge non douloureux, une baisse d’acuité visuelle indolore ou douloureuse, une diplopie, une anisocorie ? Si l’on évoque les bonnes causes dans sa tête, les cas cliniques deviennent simples.
La NOIAA et la maladie de Horton sont fort susceptibles de tomber aux ECN. Ce ne sont pas des maladies très fréquentes, mais c’est l’une des rares urgences en ophtalmologie où un traitement rapide a un grand enjeu : protéger l’œil controlatéral et le cerveau des manifestations ischémiques de l’artérite.

 

Références. Nechel V. Les anomalies oculomotrices dues aux médicaments. Bull Soc belge Ophtalmol. 2007;304:179-84.. Site du Collège des enseignants de neurologie, 2e cycle, chapitre Diplopie : https://www.cen-neurologie.fr/deuxieme-cycle/diplopie Dernier accès le 05/04/2019. Collège des enseignants en ophtalmologie, 3e édition, chapitre Diplopie et chapitre NOIAA.. Recommandations de la Société française de médecine d’urgence sur la maladie de Horton : https://www.sfmu.org/upload/consensus/RPC_arterite_a_cellules_geantes2017.pdf. Grzybowski A, Justynska A. Giant cell arteritis with normal ESR and/or CRP is rare, but not unique! Eye (Lond). 2013 Dec;27(12):1418-9.Collège des enseignants en rhumatologie, chapitre Horton : http://campus.cerimes.fr/rhumatologie/enseignement/rhumato15/site/html/6.html 

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