Mme L., 40 ans, est amenée aux urgences psychiatriques par son compagnon pour agitation et propos agressifs. Elle travaille comme secrétaire, mais elle serait en arrêt maladie pour dépression depuis plusieurs mois, d’après elle. Elle serait suivie par son médecin traitant, et prend un traitement par paroxétine. Elle a comme antécédent une cardiopathie congénitale non cyanogène, sans traitement nécessaire. Dans la salle d’attente, elle ne tient pas en place, on note une tension interne importante, elle tient des propos incohérents et a un regard menaçant.
Question 1 - Au vu des premiers éléments retrouvés en salle d’attente, vous pouvez déjà estimer qu’il est nécessaire de mettre en place :
Le traitement médicamenteux sédatif est probablement nécessaire vu l’état d’agitation, mais la voie per os doit toujours être privilégiée en première intention : on pourra donc proposer une benzodiazépine à demi-vie courte per os avant d’envisager un traitement injectable.
La mesure de contention physique ne se justifie qu’après échec de la prise en charge relationnelle.
Nous avons ici un cas d’agitation aiguë d’origine indéterminée. Pour l’instant, nous avons trop peu d’éléments pour savoir quelle est la cause la plus probable, la conduite à tenir dans cette situation est d’éliminer en priorité une pathologie non psychiatrique, même si la personne a des antécédents psychiatriques connus. À ce stade, une hospitalisation en soins sous contrainte est prématurée : nous ne savons pas si une hospitalisation en psychiatrie est nécessaire et nous n’avons pas recueilli son consentement.
Elle a accepté de prendre 10 mg d’oxazépam per os. Un examen somatique a été réalisé, la patiente était observante. Les constantes étaient : pression artérielle (PA) = 155/85 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 85 battements par minute (bpm) ; saturation en oxygène (SaO2) = 99 % ; température (T°) = 36,5 °C.
Elle mesure 1,65 m et pèse 46,3 kg. On ne retrouvait pas d’anomalies à l’examen clinique, notamment sur le plan neurologique. Un bilan sanguin avec ionogramme, urée, créatinine, un hémogramme, un bilan hépatique ont été réalisés, nous sommes en attente des résultats. On note une certaine incurie chez la patiente, lors de l’examen clinique le discours est logorrhéique et circonlocutoire. Elle essaie de nous expliquer que ses voisins feraient parti d’un complot pour essayer de lui soutirer de l’argent, qu’ils lui auraient volé son numéro de carte de crédit et ils la surveilleraient par des caméras. Elle dit voir des démons et pense qu’elle va finir en enfer, etc.
Son mari rapporte qu’elle n’irait pas bien depuis 3 jours, elle aurait fermé tous les volets de leur maison, et se serait repliée dans la chambre. Il évoque aussi qu’ils étaient tous les deux d’anciens consommateurs de cocaïne et qu’ils ont arrêté il y a plusieurs mois. Elle aurait repris depuis quelques semaines et prendrait plusieurs grammes par jour ces derniers temps. Avant ces quelques jours, le mari évoque qu’elle n’avait jamais eu de discours aussi étrange.
Question 2 - Avec les informations complémentaires obtenues, on peut dire que Mme L. a :
La patiente a un état délirant aigu depuis 3 jours dans un contexte de prise de substances, c’est donc une pharmacopsychose jusqu’à preuve du contraire. Il n’y a pas assez d’éléments pour pouvoir évoquer le diagnostic d’anorexie mentale, l’anorexie est probablement secondaire à la prise de cocaïne.
Question 3 - La prise en charge implique donc :
Les deux restent encore possibles, de préférence les soins avec consentement sont à privilégier. Cependant, dans ce contexte, la mesure de contrainte est envisageable, tout dépend de son adhésion aux soins proposés.
Du fait de l’agitation extrême ou de l’envahissement délirant, il est nécessaire de prévenir les troubles du comportement associés.
Les benzodiazépines sont les plus indiquées dans cette situation dont la cause est encore inconnue.
Nous sommes ici dans une situation classique de délire aigu, hypothétiquement en lien avec une étiologie toxique. La mesure de contention n’est à mettre en place qu’après échec de toutes les autres mesures.
Question 4 - Avec ces éléments, au sujet de la cocaïne, nous pouvons parler :
Puisque la situation actuelle est une conséquence des consommations, nous ne sommes plus dans un usage à risque, mais dans le cadre d’un usage nocif.
En présence de trouble addictologique lié à l’usage de la cocaïne (pharmacopsychose), nous parlons aussi d’un usage nocif pour la santé.
Nous n’avons pas assez d’éléments pour parler de dépendance.
Un usage de cocaïne est forcément considéré comme un mésusage.
Question 5 - Au sujet de la consommation de cocaïne et sa prise en charge dans cette situation :
La cocaïne peut être fumée, injectée, sniffée…
Suivant certaines modalités, les complications peuvent être différentes et nécessitent d’être explorées.
L’objectif se travaille avec la patiente. Il peut consister en une réduction des quantités, une réduction des risques associés sans diminution, ou un arrêt.
Elle est le plus souvent ambulatoire.
Elles sont à éviter du fait d’un risque d’addictions supplémentaires. Il n’existe pas de traitement pour l’arrêt de la cocaïne.
Cette question aborde les bonnes pratiques pour la prise en charge de la cocaïne, certaines de ces réponses sont des erreurs qui peuvent être régulièrement faites car elles sont contre-intuitives. Il était donc important de les souligner.
Vous n’avez pas exploré les éléments évoqués à la question précédente chez la patiente. Quelques heures après son arrivée dans le service des urgences, elle s’agite à nouveau et se met à avoir des frissons, des myalgies, des douleurs abdominales, puis elle se met à vomir à plusieurs reprises.
Question 6 - À partir de ces quelques éléments, la situation de la patiente peut évoquer :
On retrouve les éléments évoquant un syndrome grippal : myalgies, frissons.
Il faut évoquer une endocardite dans cette situation, car elle a des frissons. Elle s’injecte peut-être les toxiques et aurait pu développer une infection systémique secondairement.
Nous n’avons pas d’élément pouvant évoquer cette hypothèse (vomissement à la suite d’une ingestion massive de nourriture, par exemple).
Aucune raison de l’évoquer non plus.
Nous avons peu d’éléments ici pour exclure certains diagnostics, mais une cause somatique est une priorité à rechercher dans tous les cas.
La patiente est agitée et anxieuse.
À l’examen clinique, vous trouvez des tremblements, des frissons, des diarrhées et vomissements. Elle a le nez et les yeux qui coulent. Elle a une douleur à la palpation abdominale.
À l’examen neurologique, vous ne retrouvez pas de déficit sensitivomoteur, l’examen des paires crâniennes est normal, vous retrouvez une mydriase bilatérale.
Les constantes montrent une PA à 156/75 mmHg, un pouls à 85 bpm et une température à 38 °C.
Question 7 - Avec ces éléments et le contexte général, le diagnostic le plus probable qui peut expliquer ce tableau est :
Tous les symptômes observés se retrouvent dans un syndrome de sevrage aux opiacés. Tous les diagnostics présentés sont éventuellement possibles, mais l’ensemble du cortège des symptômes ne se retrouve que dans ce syndrome de sevrage. La rhinorrhée, les larmoiements et la mydriase bilatérale n’ont pas lieu d’être si nous parlons uniquement d’une endocardite, d’une appendicite ou d’un abcès.
Vous suspectez donc un syndrome de sevrage aux opiacés, et vous vous rendez compte que vous n’avez pas assez exploré la question des addictions avec la patiente. Lors d’un nouvel entretien, vous apprenez qu’elle consomme du speedball en injection (mélange de cocaïne et d’héroïne). Elle se l’injecte dans les veines des jambes, elle vous montre les zones d’injection qui sont propres et ne semblent pas infectées. Elle consomme aussi de temps à autre de l’alcool en quantité importante, mais pas récemment. Vous discutez donc de l’éventualité d’un traitement substitutif, elle est d’accord pour en mettre un en place.
Question 8 - Votre prise en charge immédiate est :
Le test de grossesse est important pour le bilan préthérapeutique car il contre-indique le sevrage à cause du risque de fausse couche associé.
La prise en charge générale d’une addiction aux opiacés injectés nécessite d’explorer les complications possibles, notamment infectieuses, devant les symptômes de cette patiente. L’échographie transthoracique est nécessaire devant la suspicion d’endocardite infectieuse qui ne peut pas être exclue chez cette patiente à l’antécédent de cardiopathie congénitale. Voir les critères de Duke (3 critères mineurs présents pour une suspicion d’endocardite possible).
Les deux traitements substitutifs sont possibles, mais surtout pas de traitement antagoniste des récepteurs morphiniques (naloxone) car le syndrome de sevrage risquerait d’être majoré brutalement.
Voir réponse 3.
Voir réponse 3.
Vous revoyez la patiente deux semaines plus tard. Elle va beaucoup mieux, les symptômes délirants ont disparu et elle n’a plus de traitement sauf la buprénorphine haut dosage.
Question 9 - Vous faites son ordonnance de sortie, cette prescription suit certaines règles :
La buprénorphine haut dosage se prescrit sur une ordonnance sécurisée, d’une durée maximale de 28 jours avec nom, posologie et durée du traitement écrits en toutes lettres.
Mention obligatoire du nom du pharmacien sur l’ordonnance.
Délivrance fractionnée par période de 7 jours, sauf mention expresse du prescripteur : “délivrance en une seule fois”.
Elle est ensuite suivie en ambulatoire pour le renouvellement de son ordonnance substitutive. Six mois plus tard, elle n’a pas eu de nouveau de syndrome positif comme lors de l’hospitalisation, elle n’a pas non plus de syndrome négatif ou de désorganisation. Elle prend régulièrement du lorazépam prescrit par son médecin traitant, il lui arrive parfois d’en prendre 2 d’un coup quand elle est très stressée et cela la soulage. Elle en prendrait de plus en plus depuis sa sortie de l’hôpital et n’arriverait pas à diminuer pour arrêter le traitement. Elle vous dit par ailleurs en entretien vouloir arrêter le tabac.
Question 10 - Les traitements qui ont montré leur efficacité pour l’arrêt du tabac sont :
L’entretien motivationnel fait partie des traitements non pharmacologiques possibles.
Question 11 - Au sujet du lorazépam, elle a :
Elle n’a pas pris ce jour une quantité importante de traitement.
Il n’y a pas de dommage associé aux prises de traitement.
Nous avons ici l’utilisation d’une substance en dehors des règles d’utilisation des benzodiazépines (moins de 12 semaines).
Nous sommes dans une situation d’usage à risque ; de plus, elle relate ne pas arriver à arrêter de consommer : il s’agit donc d’une dépendance.
Question 12 - Vous devez l’alerter sur le risque d’effets secondaires associés au lorazépam :
Vous la revoyez quelques semaines plus tard, elle est dysarthrique, somnolente, elle tient des propos flous et peu compréhensibles. Son état de conscience se dégrade. Vous souhaitez appeler le Samu, mais vous avez du mal à les joindre. Le temps passe et son état de vigilance se dégrade rapidement. Vous arrivez finalement à les joindre par téléphone. À ce moment-là, vous évaluez son état de vigilance : elle n’ouvre pas les yeux spontanément et elle ne répond pas lors des demandes d’ordres simples. Lors de la stimulation douloureuse, elle ouvre les yeux et réagit de manière orientée, les réponses verbales sont des bruits incompréhensibles.
Question 13 - Vous pouvez transmettre au Samu que son Glasgow est de :
Ouverture des yeux à la douleur = 2, réponse verbale avec bruits incompréhensibles = 2, réponse à la douleur orientée = 5.
Question 14 - Les premières choses à faire sont :
Car Glasgow > 8
Seulement après un premier examen approfondi de la patiente.
Les constantes font partie de l’évaluation de la gravité.
Il fait partie du bilan étiologique.
Antidote pour le paracétamol.
Dans ce type de prise en charge en urgence, la priorité est d’évaluer un diagnostic de gravité et étiologique. Nous avons ici une situation de coma calme avec un Glasgow à 9 dans un contexte évoquant une intoxication aiguë. Il est cependant important d’éliminer tout diagnostic différentiel.
Un premier examen neurologique ne révèle pas de signe de localisation, l’examen des paires crâniennes ne retrouve pas d’anomalie hormis les pupilles qui sont en myosis serré aréactif, sa fréquence respiratoire est à 4 cycles/minute. Les constantes prises sont : PA = 88/45 mmhg ; FC = 52 bpm ; SaO2 = 85 %.
Question 15 - À partir de ces éléments, une suspicion d’intoxication aiguë est évoquée, les substances susceptibles de donner ce genre de tableau sont :
On retrouverait une mydriase.
Pas de myosis, mais possiblement une mydriase en cas de coma dépassé.
Pas de myosis.
Mydriase également.

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