Vous recevez en consultation de suivi de médecine interne Mme A., 38 ans, d’origine antillaise, pour un lupus de présentation cutanéo-articulaire diagnostiqué il y a plus de dix ans. Son traitement habituel comporte : hydroxychloroquine 400 mg/j, prednisone 5 mg/j, optimizette 1 cp/j (microprogestatif). Son lupus est associé à des anticorps anti-ADN natif, anti-RNP, anti-nucléosome, anti-Sm et anti-ribosome. Elle n’a pas de biologie antiphospholipide. Le lupus est calme depuis plusieurs années. Elle a eu deux enfants en 2015 et 2018, elle a accouché de son 3e bébé il y a exactement un an, qu’elle n’allaite plus. Les grossesses se sont bien déroulées sous hydroxychloroquine, naissance d’enfants à terme bien portants. Elle exerce comme journaliste et ne fume pas. Elle vous dit être parfaitement observante de ses traitements. Elle a refusé la vaccination anti-SARS-CoV-2.

Elle vous rapporte la recrudescence d’arthralgies matinales des petites articulations des mains et des pieds sans gonflement évoluant depuis quelques semaines. L’examen clinique est pauvre en dehors de légers œdèmes péri-malléolaires prenant le godet, les constantes sont normales.

La biologie est la suivante : numération formule sanguine (NFS) normale ; protéine C réactive (CRP) négative ; C3 = 0,2 g/L (N = 0,71-1,36 g/L) ; C4 = 0,14 g/L (N = 0,14-0,32 g/L) ; albumine = 25 g/L ; créatinine = 65 µmol/L ; dosage d’hydroxychloroquine = 0 µg/L.

Biochimie des urines : protéines = 1,71 g/L ; créatinine = 6,2 mmol/L.

Bandelette urinaire : protéines+++ ; densité++ ; leucocytes = 0 ; glucose = 0 ; corps cétoniques = 0.
Question 1 - Comment interprétez-vous ce tableau clinico-biologique (une ou plusieurs réponses possibles) ?
La CRP est le plus souvent négative au cours du lupus sauf en cas de sérite ou d’infection intercurrente.
Toute élévation de la protéinurie chez un patient lupique doit faire rechercher une atteinte rénale du lupus.
Le rapport protéinurie/créatininurie est égal à 0,27 g/mmol, ce qui équivaut à environ 2,7 g/24 h (en partant du principe que l’on urine environ 10 mmol de créatinine par jour). Ce chiffre est très au-dessus de la normale qui est de l’ordre de 0,1-0,15 g/24 h. Cela est congruent avec la bandelette urinaire.
Le dosage d’hydroxychloroquine est négatif, il est donc quasiment certain que la patiente a très peu pris son traitement ces trois derniers mois.
De même que le fort titre d’anticorps anti-ADN natifs.
Vous récupérez quelques jours plus tard le bilan auto-immun qui montre des anticorps antinucléaires fortement positifs au titre 1/1 260, et des anticorps anti-ADN natifs.
Question 2 - Quelle est votre attitude ?
Aucun argument clinique ou anamnestique pour ce diagnostic.
La biopsie permet de stadifier l’atteinte et de guider l’intensité du traitement.
L’atteinte articulaire est typique au cours du lupus et ne nécessite pas de rechercher une autre cause en première intention.
Une protéinurie > 0,5 g/g chez un patient lupique doit faire biopsier le rein afin de stadifier et traiter l’éventuelle atteinte glomérulaire.
Le Plaquénil est la pierre angulaire du traitement du lupus et doit être maintenu à vie, sauf toxicité rétinienne. Il doit être associé aux autres traitements s’il y en a, et est compatible avec la grossesse. Par ailleurs le dosage de Plaquénil montre que cette patiente n’est pas observante et de façon générale on ne peut pas conclure à l’inefficacité d’un traitement que le patient ne prend pas !
Devant cette protéinurie quasiment de rang néphrotique et les signes biologiques d’activité du lupus, vous programmez une biopsie rénale. Le geste se déroule sans encombre, vous recevez le compte-rendu anatomopathologique qui vous confirme le diagnostic de glomérulonéphrite de classe IV avec un fort pourcentage de lésions actives.
Vous débutez un traitement par bolus de méthylprednisolone 1 000 mg trois jours de suite, relais par prednisone orale 1 mg/kg, mycophénolate mofétil 3 g/j.
Vous revoyez la patiente en consultation un mois plus tard pour son suivi. Elle arrive à la consultation asthénique depuis 48 h et fébrile à 38,2 °C. Elle a été en contact avec son mari qui est positif au SARS-CoV-2. Elle se plaint de céphalées frontales discrètes. Vous prélevez une PCR nasale SARS-CoV-2. La biologie prélevée en urgence montre une CRP à 40 mg/L, la NFS, l’ionogramme sanguin, le taux de prothrombine (TP) et le temps de céphaline activée (TCA) sont normaux. Le prélèvement d’une paire d’hémocultures et un examen cytobactériologique des urines (ECBU) sont effectués. Vous hospitalisez la patiente en attendant le résultat du SARS-CoV-2.
Le lendemain matin à la visite, vous trouvez que l’état général de la patiente s’est dégradé. La température est à 39 °C. L’hémodynamique est stable. La patiente répond aux ordres simples mais elle est très somnolente, n’arrive pas à vous donner la date du jour, et elle ne termine pas ses phrases. Elle vous dit avoir d’importantes céphalées. Il n’y a pas de signe de localisation neurologique, les pupilles sont symétriques. La flexion de la nuque est difficile et la patiente plie les genoux lorsqu’on lui soulève les jambes. Elle est couchée en chien de fusil, yeux fermés, sourcils froncés. L’auscultation cardiopulmonaire est normale, l’abdomen souple et indolore. Le laboratoire vous communique par téléphone le résultat de la PCR SARS-CoV-2 : positif.
Question 3 - Quelle est votre attitude (une ou plusieurs réponses possibles) ?
Voir la figure ci-dessous :
Figure 1 (Source : Élisabeth Capelle, La Revue du Praticien [librement inspiré de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPLIF)])
Vous réalisez une ponction lombaire. Le liquide céphalo-rachidien (LCR) est légèrement trouble à l’œil nu.
Question 4 - Votre prise en charge thérapeutique est la suivante :
Le statut immunodéprimé de la patiente ainsi que les signes encéphalitiques doivent faire suspecter une listériose neuro-méningée, il faut démarrer également de l’amoxicilline. 
Voir les tableaux 1 et 2 ci-dessous :
Tableau 1 (Source : Élisabeth Capelle, La Revue du Praticien [librement inspiré de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPLIF)])
Tableau 2 (Source : Élisabeth Capelle, La Revue du Praticien [librement inspiré de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPLIF)])
Le bactériologiste vous appelle pour vous communiquer les résultats de l’examen direct : bacille Gram+.
Les hémocultures sont également positives à bacille Gram+.
Question 5 - Quel(s) est/sont le(s) diagnostic(s) le(s) plus probable(s) ?
La Listeria est un bacille Gram+.
Le bactériologiste vous confirme qu’il s’agit bien de Listeria monocytogenes.
Question 6 - Comment adaptez-vous votre traitement anti-infectieux ?
Le traitement de la listériose neuro-méningée repose sur amoxicilline + gentamicine. Ce germe n’est pas couvert par les céphalosporines de troisième génération (C3G).
La patiente évolue favorablement sur le plan neurologique.
Question 7 - Quelle(s) mesure(s) supplémentaire(s) prenez-vous ?
La patiente a le SARS-CoV-2.
La listériose est une maladie à déclaration obligatoire afin de déclencher une enquête alimentaire. Il n’y a pas de transmission interhumaine et donc pas d’isolement. L’hygiène hospitalière n’a pas à s’en soucier sauf si l’aliment source provient de l’hôpital.

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