Vous recevez à 20 heures aux urgences pédiatriques Martin, âgé de 10 jours, pour des vomissements évoluant depuis deux heures. Martin est né au terme d’une grossesse bien suivie menée sans particularité. À la naissance, il pesait 3 100 g, mesurait 50 cm et son périmètre crânien (PC) était de 35 cm. L’accouchement a eu lieu par voie basse après 14 heures de rupture de la poche des eaux. Martin est nourri avec du lait artificiel depuis la naissance. Le premier méconium a été émis à 24 heures de vie. À la sortie de la maternité, il pesait 3 120 grammes. Les vomissements, de couleur verte, sont survenus une heure après la prise du dernier biberon. Les dernières selles ont été émises à 3 heures ce jour.

À l’examen clinique, vous notez : poids 3 300 g ; apyrexie ; FC : 150/mn ; FR : 40/mn ; SpO2 : 100 % en air ambiant ; geignement ; PC : 35,5 cm ; temps de recoloration cutanée (TRC) à 1 seconde ; abdomen ballonné, tendu, douloureux à la palpation ; absence de contracture abdominale ; auscultation cardio-pulmonaire normale ; fontanelle normotendue ; hypotonie généralisée.
Question 1: Votre analyse sémiologique est compatible avec un tableau :
En cas d’HTIC avant la fermeture des fontanelles, le PC augmente. La fontanelle serait bombante et les vomissements seraient alimentaires
Un obstacle en amont de l’abouchement du canal de Wirsung (sténose hypertrophique du pylore, par exemple) ne donne pas de vomissements verts
Le transit d’un nouveau-né étant constitué de 5 à 7 selles par jour, vous ne pouvez pas vous fier à la cinétique de survenue des vomissements par rapport à l’arrêt des selles pour caractériser le niveau de l’occlusion
Le transit d’un nouveau-né étant constitué de 5 à 7 selles par jour, vous ne pouvez pas vous fier à la cinétique de survenue des vomissements par rapport à l’arrêt des selles pour caractériser le niveau de l’occlusion
Un iléus réflexe peut se rencontrer à cet âge, en particulier en cas d’infection néonatale bactérienne (anciennement infection materno-fœtale) et peut occasionner la survenue de vomissements verts. Il faut savoir évoquer l’infection en cas d’occlusion néonatale
Question 2: À ce stade, vos hypothèses diagnostiques sont :
Pas de vomissement vert en cas d’occlusion en amont de l’abouchement du canal de Wirsung
Avec iléus réflexe. Anciennement appelée infection materno-fœtale (précoce dans les 7 premiers jours de vie, tardive de J7 à 3 mois de vie)
Urgence chirurgicale à évoquer devant toute occlusion digestive néonatale
Exceptionnelle à cet âge
Le tableau occlusif survient dans les premières heures de vie en cas d’atrésie du grêle
Rappels sur les principales atrésies intestinales congénitales :
1. Atrésie duodénale :
– épidémiologie : 1/3 000 naissances vivantes, 25 % associées à une trisomie 21, 20 % des cas associés à une cardiopathie congénitale ;
anatomopathologie/embryologie : seconde portion du duodénum, 85 % après ampoule de Vater, défaut de perméabilisation pendant l’embryogenèse ;
– clinique : hydramnios en anténatal, vomissements précoces, abdomen plat ;
– ASP : double bulle ;

– traitement : chirurgical, anastomose duodéno-duodénale dans les 24-48 premières heures.
2. Atrésie du grêle :
– épidémiologie : 1/5 000 naissances vivantes ;
– anatomopathologie/embryologie : accident vasculaire mésentérique pendant la vie fœtale ;
– clinique : vomissements bilieux et distension abdominale dans les premières heures de vie ;
– pronostic : dépend de la longueur d’intestin restant et fonctionnel.
Voici la radiographie réalisée chez Martin quelques minutes après l’arrivée aux urgences.
Question 3: Interprétez-la.
L’absence de pneumopéritoine (absence d’air sous les coupoles diaphragmatiques) n’est pas en faveur de la présence d’une perforation digestive
Occlusion haute de type duodénale : double bulle gastrique sur l’ASP (voir image ci-dessous : "ASP 1 : occlusion duadénale)
Se rencontre en cas d’entérocolite ulcéro-nécrosante (ECUN). Dédoublement de la paroi digestive (voir image ci-dessous : "ASP 2 : pneumatose pariétale")
Se rencontre en cas d’ECUN
ASP 1 : occlusion duodénale.

ASP 2 : pneumatose pariétale.
Vous suspectez un volvulus du grêle.
Question 4: Le(s) examen(s) radiologique(s) que vous pouvez demander pour poser le diagnostic sont :
Visualisation d’une inversion des vaisseaux mésentériques
De type « cadre duodénal », permet de poser le diagnostic en cas d’absence d’un opérateur entraîné à réaliser une écho-Doppler ou en cas de normalité de l’écho-Doppler
N’est pas nécessaire pour poser le diagnostic. Les deux examens précédents, peu ou pas irradiants, permettent d’exclure le diagnostic en cas de normalité
Utile en cas de suspicion d’iléus méconial ou de maladie de Hirschsprung
Écho-Doppler des vaisseaux mésentériques.
Vous réexaminez Martin après l’échographie qui a permis de visualiser une inversion des vaisseaux mésentériques.
À l’examen, vous notez :
FC : 190/mn ; TRC : 4 secondes ; marbrures généralisées ; SpO2 : 85 % en transcutané (capteur au pouce droit) en air ambiant ; FR : 30/mn ; pas d’hépatomégalie, pouls fémoraux perçus ; pas de signes de lutte respiratoire ; murmure vésiculaire bilatéral et symétrique ; contracture abdominale ; rectorragies dans la couche.
Question 5: Les signes cliniques présents chez Martin témoignent :
Les rectorragies, dans un contexte de volvulus du grêle, témoignent d’une souffrance digestive avec ischémie
La contracture abdominale, associée aux rectorragies dans le contexte de volvulus du grêle, témoigne d’une perforation intestinale
Martin est en défaillance hémodynamique mais l’absence d’hépatomégalie n’est pas en faveur d’une origine cardiaque
La tachycardie, le TRC allongé (> 3 secondes) et les marbrures généralisées sont le reflet d’une défaillance hémodynamique
La FR normale et l’absence de signes de lutte respiratoires ne sont pas en faveur d’un tableau de détresse respiratoire. L’hypoperfusion périphérique peut être à l’origine de la SpO2 basse
Évaluation clinique d’un enfant : recherche de signes de gravité
Hémodynamique :
Respiratoire :
fréquence respiratoire ;
signes de lutte respiratoire (tirage, balancement thoraco-abdominal, battement des ailes du nez) ;
saturation en oxygène ;
signes d’hypercapnie (sueurs, agitation).
Neurologique :
tonus ;
conscience/réactivité ;
geignement.
pression artérielle : chute très tardivement.
diurèse (peser les couches) ;
marbrures ;
chaleur des extrémités ;
temps de recoloration cutanée ;
fréquence cardiaque : tachycardie > 170-180 avant 6 mois, > 130 avant 10 ans, > 110 après 10 ans, à moduler en fonction de la température ;
La radiographie réalisée à l’instant chez Martin est la suivante :
Question 6: Interprétez-la.
La présence d’air sous les coupoles diaphragmatiques (pneumopéritoine) dans ce contexte d’ischémie digestive signe la présence d’une perforation digestive
Présence d’air sous les coupoles diaphragmatiques
La présence d’air entre la paroi abdominale et le foie (pneumopéritoine) permet la visualisation du ligament rond devant le foie
Question 7: Votre attitude thérapeutique comporte :
Il faut effectuer un remplissage chez Martin mais la quantité de sérum physiologique à apporter est de 20 mL/kg en 10 à 20 minutes selon le degré d’urgence
Car tableau d’occlusion digestive.
Il faut arrêter toute alimentation entérale devant un tableau occlusif, d’autant plus qu’il y a ici une perforation digestive
Le volvulus du grêle est une urgence chirurgicale car le risque est une nécrose irréversible du grêle
Car risque de translocation bactérienne + péritonite devant la perforation digestive
Grâce à votre remplissage vasculaire, vous stabilisez l’état hémodynamique de Martin. Il bénéficie d’une prise en charge chirurgicale en urgence. Malheureusement, le diagnostic de volvulus du grêle avec nécrose d’une partie du grêle est confirmé. Une iléostomie de décharge très haut située dans l’iléon est mise en place pour quelques semaines.
Question 8: La (les) conséquence(s) attendue(s) de l’iléostomie haute chez Martin sur les plans nutritionnel et hydro-électrolytique comporte(nt) :
Car l’iléostomie haut située est un équivalent de grêle court. La surface d’intestin grêle utile est insuffisante pour permettre une absorption lipidique/glucidique/protidique suffisante. De plus, l’absorption des lipides nécessite la formation de micelles hydrosolubles avec les acides biliaires (cf. questions suivantes)
Car l’iléostomie haut située est un équivalent de grêle court. La surface d’intestin grêle utile est insuffisante pour permettre une absorption lipidique/glucidique/protidique suffisante
Car l’iléostomie haut située est un équivalent de grêle court. La surface d’intestin grêle utile est insuffisante pour permettre une absorption lipidique/glucidique/protidique suffisante. L’absorption protidique a lieu principalement dans l’intestin grêle proximal
L’absorption de la vitamine a lieu préférentiellement au niveau de l’iléon terminal. La vitamine B12 est conjuguée avec un facteur intrinsèque sécrété par la muqueuse de gastrique puis maturée au cours de la digestion dans l’intestin grêle. La vitamine B12 conjuguée à son facteur sera reconnue par des récepteurs spécifiques au niveau de l’iléon terminal où elle est absorbée. L’iléon terminal est situé en aval de la stomie chez Martin
A lieu au niveau de l’intestin grêle et du côlon
Question 9: Le(s) support(s) nutritionnel(s) et hydro-électrolytique(s) que vous pouvez proposez à Martin à ce stade consiste(nt) en :
La surface d’absorption digestive des nutriments est insuffisante du fait de l’iléostomie haut située. Un apport des nutriments sur sonde uniquement ne permettrait pas de solutionner le problème de malabsorption rencontré chez Martin
Il faut si possible continuer à apporter des nutriments par voie entérale ou per os pour :
– limiter la survenue de troubles de l’oralité
– avoir une action trophique sur le tube digestif situé en amont de l’iléostomie
La surface d’absorption digestive des nutriments est insuffisante du fait de l’iléostomie haut située. Une nutrition per os même enrichie ne permettra pas à elle seule de fournir les apports nécessaires à la croissance chez Martin
Le problème ne concerne pas uniquement les apports hydro-électrolytiques mais également les apports de nutriments. La nutrition parentérale, hyperosmolaire, ne peut être administrée sur voie veineuse périphérique
Martin, actuellement âgé de 3 mois et demi, bénéficie d’une alimentation parentérale sur cathéter central associée à une nutrition entérale sur sonde gastrique. Le débit de selles par la stomie est régulier. L’infirmière vous interpelle car Martin est fébrile à 38,5 °C depuis quelques minutes. À l’examen clinique, pas de point d’appel infectieux en dehors d’une rhinorrhée, l’état général est conservé et l’hémodynamique est bonne. Les dernières recherches de bactéries multirésistantes (BMR) dans les selles chez Martin étaient négatives.
Question 10: Votre attitude thérapeutique consiste en :
La fièvre chez un enfant porteur d’un cathéter central est une urgence thérapeutique. Le risque de bactériémie est important
Le traitement symptomatique de la fièvre chez l’enfant est indispensable : découvrir l’enfant, hydratation, traitement antipyrétique
La fièvre chez un enfant porteur d’un cathéter central est une urgence thérapeutique. Le risque de bactériémie est important. La réalisation d’examens complémentaires pour documenter une infection bactérienne est systématique
Urgence diagnostique et thérapeutique
La fièvre sur cathéter central est une urgence. Le risque d’infection bactérienne est important. L’administration d’antibiotiques sans attendre les résultats des examens complémentaires est systématique
Question 11: Vous réalisez immédiatement :
Recherche d’hyperleucocytose, à polynucléaires neutrophiles
Recherche d’un syndrome inflammatoire biologique
Documentation de l’infection bactérienne
Documentation de l’infection bactérienne
En l’absence de signes de méningite (pas d’hypotonie, fontanelle normotendue, conscience normale) chez un enfant de plus de 3 mois, la ponction lombaire n’est pas indiquée
Quelques mois plus tard, Martin bénéficie d’un rétablissement de continuité de son tube digestif. Cependant, la nécrose du grêle était étendue et le grêle restant chez Martin est court. La valvule de Bauhin a dû être réséquée. Vous réalimentez progressivement Martin par voie entérale. Vous constatez la survenue de selles diarrhéiques liquidiennes pluriquotidiennes.
Question 12: La diarrhée présente chez Martin peut être liée à :
Voir commentaire général
Voir commentaire général
Voir commentaire général
Voir commentaire général
Voir commentaire général.
Conséquences d’une résection iléale étendue :
– malabsorption des lipides et des vitamines liposolubles (A, D, E, K) avec stéatorrhée ;
– carence en vitamine B12 ;
– rupture du cycle entéro-hépatique : carence en sels biliaires non compensée, ce qui aggrave la malabsorption des lipides (l’absorption des lipides nécessite la formation de micelles avec les sels biliaires) ;
– excès de sels biliaires et de lipides dans le côlon (car malabsorbés au niveau iléal) à l’origine d’une irritation de la muqueuse colique : diarrhée sécrétoire et réduction de la capacité de réabsorption de l’eau et du sodium.
Les sels biliaires sont sécrétés par le foie et sont indispensables, en conjonction avec les sécrétions des lipases pancréatiques, pour l’absorption des graisses. En effet, ils forment avec les graisses une émulsion qui va permettre à la lipase pancréatique la digestion des triglycérides à longues chaînes formant ainsi des chaînes plus courtes qui seront absorbées par la muqueuse intestinale. Ces sels biliaires ne sont pas excrétés en totalité, la plus grande partie est absorbée au niveau de l’iléon terminal pour être recyclée. S’ils n’étaient pas absorbés, on observerait un phénomène de diarrhée osmotique permanent. Les sels biliaires sont très chargés osmotiquement et, s’ils se retrouvaient en trop grande quantité dans le côlon, il y aurait un phénomène d’accélération du transit permanent.
Question 13: Les suppléments en vitamines et minéraux à apporter à Martin de façon systématique sont :
Les vitamines liposolubles sont malabsorbées en cas de syndrome du grêle court
À proposer à tous les enfants
L’absorption de la vitamine a lieu préférentiellement au niveau de l’iléon terminal. La vitamine B12 est conjuguée avec un facteur intrinsèque sécrété par la muqueuse de gastrique puis maturée au cours de la digestion dans l’intestin grêle. La vitamine B12 conjuguée à son facteur sera reconnue par des récepteurs spécifiques au niveau de l’iléon terminal où elle est absorbée.
Uniquement en cas de carence martiale. Le fer est principalement absorbé au niveau du duodénum et du jéjunum
Les vitamines liposolubles sont malabsorbées en cas de syndrome du grêle court
Vous revoyez Martin à 10 mois en consultation pour un érythème érosif anal et péri-anal. Sa croissance staturo-pondérale est satisfaisante.
Question 14: Vos hypothèses diagnostiques concernant cet érythème chez Martin sont les suivantes :
L’absorption du zinc se fait principalement au niveau de l’intestin grêle. Une carence en zinc peut être à l’origine d’anomalies des muqueuses (atrophie, ulcération) et peut occasionner la survenue d’un érythème anal érosif
À évoquer en cas d’anite chez l’enfant, même sans fièvre. Il faut faire un strepto-test anal pour confirmer cette hypothèse diagnostique
La carence martiale ne se manifeste pas par une atteinte des muqueuses
Par diarrhée profuse liée au syndrome du grêle court
La carence en vitamine B12 ne se manifeste pas par une atteinte des muqueuses
Au cours de cette consultation, la maman se confie sur les difficultés qu’elle rencontre lors des repas de son fils depuis le début de la diversification. Martin refuse de manger à la cuillère, il est impossible de lui faire manger des morceaux. Il n’accepte que l’alimentation liquide au biberon. Les repas sont des moments difficiles qui durent plus d’une heure et qui, selon les propos de la maman, sont « des moments de guerre permanente avec son fils ».
Question 15: Vous répondez à la maman de Martin que :
L’entité « troubles de l’oralité » désigne des difficultés alimentaires (refus alimentaire, refus de porter à la bouche, refus des aliments solides) rencontrées chez les enfants qui ont été hospitalisés sur de longues périodes, qui ont une histoire digestive longue et douloureuse, qui ont été nourris sur sonde sur de longues périodes…
Il n’y a pas d’argument à l’interrogatoire en faveur de ce diagnostic
La présence de troubles de l’oralité chez Martin ne doit pas pousser au recours à une nutrition entérale sur sonde qui favoriserait l’aggravation de ces troubles. Si la croissance de Martin est suffisante avec l’alimentation liquide pour le moment, il faut favoriser la rééducation de l’oralité
Les orthophonistes spécialisés dans les troubles de l’oralité font partie intégrante de la prise en charge multidisciplinaire des troubles de l’oralité
Les centres d’action médico-psychosociaux (CAMPS) permettent de coordonner les différentes rééducations et les différents intervenants médicaux et paramédicaux nécessaires à la prise en charge de Martin

 

 

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