Veuillez lire l’article suivant : Lechien JR, Chiesa-Estomba CM, De Siati DR, et al. Olfactory and gustatory dysfunctions as a clinical presentation of mild-to-moderate forms of the coronavirus disease (Covid-19): a multicenter European study. European Archives of Oto-Rhino-Laryngology, 2020:1-11. https://doi.org/10.1007/s00405-020-05965-1.
Question 1 - Concernant la méthodologie choisie et le type d’études, il s’agit d’une étude : 
Il s’agit d’une étude transversale, avec un recueil prospectif des données.
Les méta-analyses visent à synthétiser plusieurs études sur un même sujet afin de gagner en puissance.
Attention ! Il est très important de bien différencier :
– les études expérimentales : les investigateurs évaluent l’effet d’une intervention (traitement, suivi médical, examen biologique) sur la prise en charge et l’évolution d’un patient, principalement les essais contrôlés randomisés ;
– les études observationnelles : à aucun moment les investigateurs n’interviennent dans la prise en charge du malade :
          . cohorte observationnelle comme ici,
          . étude transversale,
          . étude cas-témoins.
Il s’agissait donc ici d’une étude observationnelle. On pourrait encore distinguer aussi au sein des études observationnelles :
– les études descriptives (comme ici) : description des caractéristiques brutes d’une population ;
– les études analytiques : recherche d’association statistique entre des facteurs explicatifs et des effets observés.
Question 2 - Le ou les objectifs de cette étude sont :
“The aim of this study is to investigate and characterize the occurrence of olfactory and gustatory disorders in patients with laboratory-confirmed Covid-19 infection.”
Les malades inclus étaient exclusivement des malades avec une forme modérée de la maladie.
L’étude des traitements reçus par les patients est purement observationnelle et il n’est pas essayé de les corréler à l’issue du traitement.
Il s’agit d’une étude transversale : les patients ne répondaient qu’une fois au questionnaire, et on étudiait en fonction de cela la cinétique de leurs symptômes. On pouvait donc juste préciser la proportion de malades chez qui cette résolution était lente.
Le but de cette étude est avant tout de décrire un symptôme et ses implications chez les malades ayant une infection à Sars-CoV-2 : “The aim of this study is to investigate and characterize the occurrence of olfactory and gustatory disorders in patients with laboratory-confirmed Covid-19 infection.”
Question 3 - Les auteurs justifient leur étude par le(s) élément(s) suivant(s) :
“Over the past few weeks, some European otolaryngologists observed that many patients infected by Sars-CoV-2 presented with severe olfactory and gustatory dysfunctions without rhinorrhea or nasal obstruction.”
“At baseline, no Covid-19 was suspected in some of these patients, because they had no fever, cough, or other systemic complaints.”
“Many viruses may lead to olfactory dysfunction (OD) through an inflammatory reaction of the nasal mucosa and the development of rhinorrhea.”
Cette atteinte n’était pas décrite pas les études chinoises.
“However, olfactory dysfunction linked to Covid-19 infection seems particular as it is not associated with rhinorrhea.”
Question 4 - Concernant l’inclusion des patients dans cette étude : 
Les sujets avec atteinte gustative et olfactive sont ainsi plus intéressés pour participer à cette étude, ce qui peut « gonfler » les chiffres d’incidence, par exemple.
Les biais de classements sont des biais liés à la façon de mesurer la maladie.
On inclut des malades issus d’horizons plus divers, plus représentatifs de la population européenne.
Il fallait juste être majeur, avoir le Covid et pouvoir (linguistiquement) répondre aux questions…
Il est très important de comprendre et de connaître les trois grandes catégories de biais dans les études biomédicales.
Biais de sélection : anomalie dans le recrutement ou le suivi de mon échantillon. Mon échantillon n’est plus représentatif de la population source ou mes groupes de traitement non comparables, le cas échéant. Il existe plusieurs sous-types de biais de sélection qu’il faut avoir en tête :
          . biais de recrutement : le recrutement fausse mon échantillon initial ;
          . biais des perdus de vue : perte de comparabilité en cours d’étude ;
          . biais d’attrition : perte de comparabilité en cours d’étude.
Biais de classement : anomalie dans le recueil de données ou la mesure des variables.
Biais de confusion : erreur dans l’interprétation des résultats, à cause d’un facteur de confusion :
          . exemple typique : essais montrant une relation entre alcool et cancer du poumon -> facteur de confusion : le tabac -> les buveurs fument plus et font plus de cancer du poumon, mais il n’y a pas de surrisque de cancer du poumon lié à l’alcool ;
          . pour éliminer l’effet d’un facteur de confusion, on peut :
               – stratifier les groupes a priori : étudier la survenue de cancer du poumon dans deux groupes (un de buveurs, un d’abstinents), mais en fixant un nombre égal de fumeurs dans les deux groupes a priori ;
               – faire une analyse multivariée : permet d’ajuster sur la proportion de fumeurs entre les deux groupes, par exemple ;
               – exclure des malades ayant le facteur de confusion : réalisation d’une étude avec uniquement des buveurs non fumeurs.
Question 5 - En tant que jeune chef de clinique en charge du recueil des données, je peux inclure :
Il faut être majeur.
Il ne fallait pas avoir de trouble du goût sous-jacent.
Les patients asymptomatiques pouvaient être inclus, mais ils sont moins susceptibles d’être testés positifs… ce qui est, en soi, un biais de sélection.
Le diagnostic devait être posé par RT-PCR.
Le diagnostic devait être posé par RT-PCR.
Question 6 - Pour pouvoir inclure des malades français, les promoteurs de cette étude ont dû :
Il s’agit d’une recherche biomédicale non interventionnelle selon la loi Jardé de 2016.
La loi Huriet-Sérusclat de 1988 est la première loi venant encadrer la recherche biomédicale. Celle-ci a depuis été remplacée par la loi Jardé (cf. infra).
La dernière loi sur la recherche biomédicale en France est la loi Jardé de 2016.
Elle classe la recherche biomédicale en trois catégories :
– RECHERCHE INTERVENTIONNELLE : en gros, les essais contrôlés randomisés.
          . L’investigateur est un médecin avec des compétences particulières
          . Autorisations nécessaires :
               – CPP
               – CNIL
               – ANSM
          . Il est nécessaire d’obtenir un consentement écrit de la part du malade.
– RECHERCHE INTERVENTIONNELLE QUI NE COMPORTE QUE DES RISQUES ET CONTRAINTES MINIMES : en gros, les études expérimentales sans administration de médicament donc en soins courants, de suivi…
          . L’investigateur est un médecin avec des compétences particulières
          . Autorisations nécessaires :
               – CPP
               – CNIL
          . Consentement oral du patient seul.
– RECHERCHE NON INTERVENTIONNELLE : actes et produits utilisés de manière habituelle, aucun risque ni contrainte pour le malade.
          . Toute personne reconnue comme qualifiée par le CPP peut être investigateur.
          . Autorisations nécessaires :
               – CPP
               – CNIL
          . Consentement oral seul
Question 7 - Concernant les questionnaires à remplir par les patients :
On pouvait y répondre à la consultation ORL, au téléphone, ou en ligne.
Le questionnaire a été créé spécifiquement pour cette étude, à partir d’un accord d’experts fondé sur une analyse de la littérature.
Les patients ne remplissaient les formulaires qu’une fois ! Donc pas de notion de suivi !
Question 8 - Concernant les patients inclus (tableau 1) :
Il s’agit de l’âge moyen ! L’âge médian représente l’âge tel que 50 % des patients sont plus jeunes et 50 % plus âgés… mais il n’était pas renseigné dans cette étude.
Nous n’avons pas de bras comparatif permettant d’affirmer une surreprésentation…
Visible dans « range » : le plus jeune avait 19 ans et le plus âgé 77 ans.
Si la distribution suit une loi normale (on dit également qu’elle est gaussienne), la moyenne = médiane, et on considère qu’environ 68 % des patients sont compris entre – et + un écart type. En revanche, 95 % des patients sont situés entre -2 écarts types et +2 écarts types.
Rappel sur les indices de dispersion et de position :
– Moyenne : somme des observations/nombre d’observations.
– Médiane : valeur telle que 50 % des observations sont inférieures et 50 % supérieures.
En cas de distribution normale, la courbe de distribution est une courbe de Gauss, et la médiane = moyenne.
– Écart type : notion plus difficile à aborder, il s’agit d’une variable de dispersion permettant de décrire comment les valeurs se répartissent autour de la médiane et de la moyenne.
          . Calculée : racine carrée de la variance.
          . En cas de répartition gaussienne :
               – 68 % des observations se trouvent entre médiane-écart type et médiane + écart type ;
               – 95 % des observations se trouvent entre médiane-2 écarts types et médiane + 2 écarts types.
– Quantile : un pourcentage des valeurs observées est inférieur au quantile. Par exemple :
          . Centile : 1 % des valeurs est inférieur au quantile.
          . 37e percentile : 37 % des valeurs sont inférieures.
          . La médiane = 50e percentile = 5e décile…
          . Ces quantiles permettent d’établir des espaces interquartiles : espace entre le premier quartile (25 % des malades) et le troisième quartile (75 % des malades). Le deuxième quartile correspond à la médiane.
               – 25 % des malades ont une valeur observée inférieure à la borne inférieure de l’intervalle ;
               – 50 % ont une valeur observée entre les deux bornes de l’intervalle ;
               – 25 % ont une valeur observée supérieure à la borne supérieure de l’intervalle.
On peut être amené à réaliser une boite à moustache avec toutes ces données :
Question 9 - Concernant l’atteinte olfactive due au Covid-19 tels que présentés dans l’étude :
85,6 % des patients avaient une anosmie ou hyposmie DONT 79,6 % d’anosmiques… soit environ 68 % des patients de l’étude.
En effet, dans 65,4 % des cas, elle se développe après l’apparition des signes généraux.
La toux est présente dans moins de 80 % des cas (figure 2 de l’article), alors que 85,6 % avaient une atteinte olfactive.
“There was no significant association between comorbidities and the development of olfactory or gustatory dysfunctions.”
Cette étude incluait les patients testés positifs dans des pays où les tests sont effectués selon le caractère symptomatique. Les malades asymptomatiques ne sont donc probablement pas représentés dans cette étude…
Donc il y a probablement moins d’anosmiques que cela au cours de l’infection à Sars-CoV-2.
Question 10 - Au total, l’atteinte olfactive du Covid-19 semblait associée à :
“Olfactory dysfunction was not significantly associated with rhinorrhea or nasal obstruction” ... ce qui suggère qu’il s’agit d’une atteinte spécifique du bulbe olfactif par le virus.
L’association entre les deux n’est pas étudiée. On sait juste que 62 % des patients sont traités par paracétamol.
“The females would be proportionnally more affected by hyposmia or anosmia.”
Il suffit de regarder le tableau 3 de l’article pour voir l’impact de l’anosmie/hyposmie sur la qualité de vie… avec un score total QOD-NOS de 9,15 pour les anosmiques vs 13,60 pour les personnes sans atteinte olfactive.
Selon cette étude, on pouvait donc dire que l’atteinte olfactive du Covid est responsable d’une altération de la qualité de vie, et est associée à :
– la présence d’une fièvre ;
– le fait d’être une femme ; 
– le fait d’avoir une atteinte gustative.
En revanche, pas d’identification de comorbidité favorisant le développement de cette atteinte.
Question 11 - Après analyse des figures 1 et 2 et du tableau 2 de l’article, vous pouvez affirmer que :
Voir figure 1.
Il s’agit d’environ 50 % des patients ayant un Covid-19… La fièvre étant par ailleurs associée aux atteintes olfactives, ce chiffre est probablement supérieur si on ne prend que les patients avec atteinte olfactive.
Il s’agit de 13 patients au total (tableau 2), soit 3,13 %.
C’est vrai… mais rien ne l’affirme dans cette étude : pas de coefficient de corrélation entre les deux, donc pas d’analyse de leur association. D’une certaine manière, c’est normal, cela ne répond pas à la question posée.
Question 12 - En ce qui concerne les méthodes statistiques utilisées dans cette étude :
En effet, c’est le sens de la phrase : “A level of p < 0.05 was used to determine statistical significance.”
Il n’y a pas de puissance calculée pour une étude observationnelle, car pas de thèse a priori et de calcul de nombre de sujet nécessaire pour la démontrer.
“Significant association between the fever and the anosmia (p = 0.014).”
V. infra.
Le test du log-rank est un test statistique permettant de comparer deux courbes de survie. La méthode pour faire une analyse multivariée sur des données de survie est le modèle de Cox.
De manière très schématique, il peut être intéressant de connaître les principaux tests statistiques :
– variable qualitative (pourcentage, score…) :
          . test du Chi-2 ;
          . test exact de Fischer ;
– variable quantitative (moyenne, médiane…) :
          . test de Student.
Question 13 - Concernant la vitesse de résolution des symptômes :
Attention, et c’est ce qui rend leurs analyses de délai de récupération très difficile. La figure 3 analyse exclusivement les patients GUÉRIS de leur anosmie, c’est-à-dire que, chez ceux qui ont guéri, moins de 5 % ont guéri en plus de 15 jours…
Difficile en effet d’évaluer une cinétique de résolution de symptômes sur une photographie à un instant T des patients qui ont guéri/pas guéri.
Il s’agit du temps moyen entre l’apparition de la maladie et la réalisation de l’interrogatoire chez les patients avec une atteinte olfactive/gustative persistante après la résolution des symptômes généraux.
En effet, cette analyse est assez difficile, car les auteurs essayent de tirer des vérités en termes de résolution des symptômes sur une étude transversale. Il serait pertinent de réaliser un suivi de tous les malades ayant eu une anosmie, etc., afin d’obtenir un délai moyen de résolution de l’anosmie, par exemple, ce qui n’a pas été réalisé par les investigateurs : la majorité des patients avaient toujours l’atteinte olfactive.
Question 14 - Pour justifier la différence de présentation clinique entre le Covid-19 dans les études chinoises et européennes, notamment sur la présence ou non d’une atteinte olfactive ou gustative, les investigateurs supposent que :
“Either they did not assess the ENT complaints.”
“It is conceivable that the diversity of ACE2 expression pattern in Asian and European populations could be an important track.”
Question 15 - En conclusion de cette étude, vous pourriez dire que :
85,6 % des patients avec un Covid-19 avaient cette atteinte dans cette étude. 
Les résultats sont probablement un peu surévalués dans cette étude :
– biais de sélection : le volontariat fait que les patients avec atteinte ORL sont plus susceptibles de vouloir participer ;
– patients testés Covid-19 : probablement uniquement des patients déjà symptomatiques, donc pas d’inclusion des asymptomatiques.
Les atteintes sévères étaient exclues de l’étude !
En effet, on a 85,6 % de patients avec cette atteinte vs moins de 80 % pour le symptôme général le plus fréquent, la toux.
Les patients anosmiques étaient majoritairement traités par paracétamol, mais ça n’en fait pas une causalité !
Voilà ! J’espère que cette LCA vous a plu, et qu’elle était intéressante, tant méthodologiquement que dans son contenu.
N’hésitez pas à m’envoyer un mail à matthieu.roulleauxdugage@gmail.com en cas de question/incompréhension.

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