Rectorragies chez un nouveau-né allaité : faut-il s’inquiéter ?

La survenue de rectorragies chez un nouveau-né allaité est source d’inquiétude chez les parents. Elles sont le plus souvent la traduction de situations bénignes, mais peuvent, dans des cas rares, révéler des pathologies sévères engageant le pronostic vital. L’allergie aux protéines du lait de vache (PLV) est le diagnostic le plus fréquemment évoqué, bien qu’il ne soit pas en cause dans la majorité des cas. 
Des causes organiques doivent être éliminées au premier plan par un examen clinique minutieux : fissure anale, érosions périanales, entérocolite ulcéronécrosante, un volvulus. Il faut également rechercher des crevasses du mamelon chez la mère, responsables de sang dégluti. L’interrogatoire vérifie la supplémentation correcte de l’enfant en vitamine K. Si l’examen clinique est normal, une coproculture peut être réalisée pour éliminer une bactérie pathogène. Lorsque toutes les causes précédentes ont été écartées, en l’absence d’autres signes associés (diarrhée, vomissements, perte de poids, altération de l’état général) et si les rectorragies ne sont pas abondantes (filets de sang dans les selles), aucune mesure particulière n’est nécessaire pendant 4 jours. Si les rectorragies disparaissent dans les 4 jours, le diagnostic de colite néonatale transitoire est retenu. 
Si les rectorragies persistent au-delà de 4 jours, une exclusion des protéines du lait de vache (PLV) et des autres laits de mammifères est prescrite à la mère. En cas d’évolution favorable avec disparition des rectorragies, habituellement en 3 à 15 jours, une réintroduction des PLV peut être tentée chez la mère 1 mois plus tard. En cas de récidive, le régime les excluant doit être poursuivi jusqu’au sevrage de l’allaitement. Ce dernier se fait avec un hydrolysat extensif de PLV, suivi après 2 à 4 semaines d’un test de réintroduction des PLV. 
Si les rectorragies ne récidivent pas lors de la réintroduction des PLV 1 mois plus tard, le diagnostic de colite néonatale transitoire est retenu. Le sevrage de l’allaitement se fait avec des PLV entières au domicile.
Si les rectorragies persistent au-delà de 15 jours après l’exclusion des PLV, ces dernières sont réintroduites dans l’alimentation de la mère. Certains tentent une exclusion de l’œuf chez la mère qui permet parfois la résolution des saignements. Compte tenu de la bénignité de la situation, il faut rassurer la mère (pour ne pas provoquer d’arrêt intempestif de l’allaitement), éviter les exclusions alimentaires multiples et la faire patienter jusqu’au sevrage de l’allaitement qui permettra la guérison des rectorragies dans les 1 à 2 semaines qui suivent. Les rectorragies peuvent donc persister plusieurs mois si l’allaitement se prolonge, sans aggraver le pronostic ni remettre en cause le diagnostic. L’origine de ces rectorragies sous lait de mère n’est pas parfaitement connue. On évoque une allergie aux protéines ingérées par la mère et excrétées dans son lait ou une hyperplasie lymphoïde liée à la stimulation des follicules lymphoïdes intestinaux par le transforminggrowthfactor-β (TGF-β) contenu dans le lait de mère.
En pratique, avant de poser un diagnostic d’APLV souvent abusif, il convient d’éliminer d’abord des causes organiques et locales. Il faut savoir attendre 4 jours avant de mettre en place un hydrolysat de PLV car la plupart des rectorragies cèdent dans les 4 jours faisant porter le diagnostic de colite néonatale transitoire.
 
 
Alexandra Karsenty
 
Pour en savoir plus
Tounian P, Lemoine A, Rectorragies du nouveau-né à terme. Pas-à-pas en pédiatrie. Août 2019.

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