Vous recevez aux urgences M. B., 64 ans, pour des douleurs articulaires. Il a dans ses antécédents une découverte récente de diabète de type 2 et une obésité avec un indice de masse corporelle (IMC) à 38. Il a été récemment opéré en neurochirurgie pour un hématome sous-dural post-traumatique. Il n'a pas d’allergie. Il est vacciné contre le Covid. Il a une exogénose chronique à 3 verres par jour et un tabagisme sevré à 50 paquets-années. Il est autonome à domicile. Il ne prend pas de médicaments.

Il décrit depuis son retour à domicile de neurochirurgie des douleurs articulaires et un œdème du genou droit, puis des douleurs lombaires, du poignet droit et du genou gauche, sans notion de traumatisme, se majorant malgré la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en automédication. Il rapporte des frissons sans prise de température à domicile. Il consulte aujourd’hui car les douleurs l’empêchent de dormir.
Question 1 - Quels éléments de l’interrogatoire initial vous orientent vers une douleur d’origine inflammatoire ?
La localisation des douleurs ne permet pas de distinguer mécanique versus inflammatoire.
Caractère insomniant très évocateur.
En faveur d’une origine infectieuse.
Non spécifique.
Elle n’oriente pas vers un type de douleur particulier.
Clinique : douleur mécanique versus inflammatoire
Douleur mécaniqueDouleur inflammatoire
Raideur matinale < 15 minMajorée à l’effortPas de symptômes extra-articulairesPas d’arthriteDérouillage matinal > 30 minAugmente au repos, diminue à l’effortSignes d’arthrite : rougeur, chaleur, œdèmeSymptômes systémiques : fièvre, altération de l’état général (AEG), éruption cutanée…
L’infirmière d’accueil et d’orientation (IAO) relève les paramètres vitaux suivants : température = 38,4 °C ; pression artérielle (PA) = 142/87 mmHg ; fréquence cardiaque (FC) = 120 bpm ; saturation pulsée en oxygène (SpO2) = 97 % en air ambiant.
À l’examen, le patient a une arthrite clinique du genou droit, un genou gauche avec impotence fonctionnelle totale, une arthrite du poignet droit et une érythrose palmo-plantaire. L’auscultation cardiaque est difficile du fait de l’obésité mais il ne semble pas y avoir de souffle. L’auscultation pulmonaire est normale. La cicatrice opératoire est inflammatoire mais non purulente. Le reste de l’examen est sans particularité.
Question 2 - Quel bilan complémentaire réalisez-vous aux urgences dans un premier temps ?
Le genou est beaucoup plus accessible à la ponction articulaire, qui est indispensable. Il n’est pas nécessaire de ponctionner plusieurs articulations devant une polyarthrite.
Pas nécessaire dans un premier temps pour un diagnostic de polyarthrite.
Le terrain et l’histoire clinique n’évoquent pas une connectivite mais plutôt une origine infectieuse ou microcristalline. À discuter dans un second temps en fonction des résultats de la ponction.
Tout épanchement articulaire, qui plus est fébrile, doit être ponctionné.
Le bilan biologique est le suivant : hémoglobine = 12,7 g/dL ; leucocytes = 9,1 G/L dont 80 % de polynucléaires neutrophiles (PNN) ; plaquettes = 121 G/L ; protéine C réactive (CRP) = 333 mg/L ; sodium (Na) = 131 mmol/L ; potassium (K+) = 3,1 mmol/L ; créatinine = 95 µmol/L.
Liquide articulaire (purulent au direct) : 105 éléments/mm3 ; présence de Cocci à Gram positif en amas au direct ; test rapide PLP2a négatif.
Question 3 - Quelle antibiothérapie débutez-vous ?
Les caractéristiques d’un liquide articulaire inflammatoire sont : éléments > 2 000/mm3 et > 90 % de PNN. Ici, le direct est positif pour des Cocci à Gram positif en amas, évocateurs de staphylocoque. Le test rapide à la PLP2a permet de dépister une résistance à la méticilline avant l’antibiogramme.
L’antibiothérapie est urgente et doit être adaptée au direct. Ici, Staphylococcus aureus est le plus probable devant ce tableau très bruyant. Le test PLP2a négatif élimine un Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) [possible du fait du séjour récent à l’hôpital]. L’antibiothérapie la plus adaptée est l’oxacilline, à dose articulaire. La vancomycine est peu active sur Staphylococcus aureus sensible à la méticilline (SAMS). La rifampicine est bactériostatique et n'a pas une antibiothérapie de première intention ici.
Vous avez débuté une antibiothérapie par oxacilline 2 g/6 h par voie intraveineuse. Le patient est hospitalisé en médecine interne.
Les hémocultures reviennent positives 4 jours de suite à Staphylococcus aureus Péni-R, Méti-S, fluoroquinolone-S, rifampicine-S, cycline-S.
Question 4 - Comment interprétez-vous ces résultats ?
Indispensable devant toute bactériémie à Staphylococcus aureus, pour rechercher une greffe valvulaire cardiaque.
En premier lieu une porte d’entrée cutanée. Ici probablement nosocomiale dans le contexte de neurochirurgie récente.
Staphylococcus aureus a un fort pouvoir adaptatif et a développé différents mécanismes de résistance aux anti-staphylococciques. Plus de 90 % des souches produisent une pénicillinase (il est dit sauvage lorsqu’il reste sensible à la pénicilline). 
L’oxacilline reste active contre ces souches, mais des staphylocoques hospitaliers, et plus récemment communautaires (présents hors de l’hôpital), ont développé une résistance croisée entre les pénicillines M (méticilline, oxacilline) et les autres bêtalactamines par la production d’une protéine, la PLP2a (protéine liant la pénicilline), ceci expliquant le profil de multirésistance des SARM hospitaliers.
Adapté de : Dumitrescu O, Dauwalder O, Boisset S, et al. Résistance aux antibiotiques chez Staphylococcus aureus. Les points-clés en 2010.Med Sci (Paris) 2010;26:943-9.
Vous réalisez une échographie cardiaque par voie transthoracique dont le compte-rendu est le suivant : absence de végétation ou arguments pour une endocardite sous réserve d’une échogénicité médiocre. 
La bactériémie à SAMS persiste à J7 d’antibiothérapie. Le patient a toujours une polyarthrite avec une impotence fonctionnelle maintenant totale.
Question 5 - Que proposez-vous à ce stade (une ou plusieurs réponses possibles) ?
La persistance de la bactériémie peut provenir de l’inoculum articulaire mais aussi d’une endocardite. De plus, la bactériémie soutenue à Staphylococcus aureus est à haut risque d’endocardite.
Pas d’intérêt démontré.
Germe identifié sensible, pas d’argument en faveur d’un autre germe.
Il faut doser l’oxacilline pour vérifier son efficacité thérapeutique mais il s’agit comme les autres bêtalactamines d’un antibiotique temps-dépendant. Le pic n’a pas d’intérêt, il faut doser une résiduelle.
Indispensable pour diminuer l’inoculum bactérien, aurait probablement dû être fait dès le début de la prise en charge.
Le patient bénéficie d’un lavage chirurgical des articulations touchées, avec une amélioration clinique franche. Il persiste à 48 h du bloc une bactériémie.
Question 6 - Comment poursuivez-vous la recherche d’une endocardite infectieuse ?
Parfois utile pour documenter une endocardite en l’absence d’hémocultures « classiques » positives, notamment pour rechercher des bactéries à croissance lente (groupe HACEK).
À la recherche d’une végétation, d’un abcès ou d’une déhiscence valvulaire.
À la recherche d’emboles septiques.
Utile sur les valves prothétiques.
Comme le TEP-scan, utile et évalué pour les valves prothétiques.
Critères de Duke selon l’European Society of Cardiology (ESC) 2015 
Critères diagnostiques majeurs 
1) Hémocultures positives pour les organismes typiques de l’endocardite infectieuse (Streptococcus viridans ou Streptococcus bovis, organismes HACEK, Staphylococcus aureus sans autres sites primaires, Enterococcus), issues de deux hémocultures séparées ou deux cultures positives provenant d’échantillons prélevés à > 12 heures d’intervalle, ou trois, ou une majorité de quatre hémocultures séparées (les premier et dernier échantillons étant prélevés à une heure d’intervalle) ; ou hémoculture positive unique pour Coxiella burnetii ou titre d’anticorps antiphase 1 IgG > 1:800.
2) Échocardiogramme avec masse intracardiaque oscillante sur la valve ou les structures de support, au niveau des flux de régurgitation, ou sur un matériel implanté en l’absence d’autres explications d’ordre anatomique, ou abcès, ou nouvelle déhiscence partielle de la valve prothétique, ou nouvelle régurgitation valvulaire.
Critères diagnostiques mineurs 
1) Prédisposition à une maladie cardiaque ou consommation de drogue par injection.
2) Température > 38 °C.
3) Phénomènes vasculaires : embolie artérielle, infarctus pulmonaire, anévrysmes mycotiques, hémorragie intracrânienne, hémorragie de la conjonctive, placard érythémateux de Janeway.
4) Phénomènes immunologiques : glomérulonéphrite, nœuds d’Osler, taches de Roth, facteur rhumatoïde.
5) Preuve microbiologique : l’hémoculture est positive mais ne répond à aucun critère majeur mentionné ci-dessus ou preuve sérologique d’une infection active avec un organisme ayant les signes d’une endocardite (à l’exception du staphylocoque négatif quant à la coagulase et autres contaminants communs).
Liste de critères adaptée de : Habib G, Lancellotti P, Antunes MJ, Bongiorni MG, Casalta JP, Del Zotti F, et al. 2015 ESC Guidelines for the management of infective endocarditis: The Task Force for the Management of Infective Endocarditis of the European Society of Cardiology (ESC). Endorsed by: European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS), the European Association of Nuclear Medicine (EANM).  Eur Heart J 2015;36(44):3075-128.
L’endocardite infectieuse est confirmée à l’échographie transœsophagienne (ETO) qui révèle une végétation mitrale. Le scanner montre des anévrysmes mycotiques spléniques et rénaux avec des infarctus rénaux multiples. L’antibiothérapie intraveineuse est poursuivie, avec une évolution infectieuse favorable.
Malgré la diminution des arthrites, le patient conserve une impotence fonctionnelle quasi complète avec un alitement complet pendant plusieurs semaines. Il a une escarre sacrée de grade III. Son poids est passé de 134 kg à 117 kg.
Le bilan biologique après deux mois d’hospitalisation est le suivant :
– hémoglobine (Hb) = 9,2 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 79 ; leucocytes = 8 G/L ; polynucléaires neutrophiles (PNN) = 6,7 G/L ; lymphocytes = 0,7 G/L ; plaquettes = 578 G/L ;
– protéine C réactive (CRP) = 21 mg/L ; bilan hépatique normal ; créatinine = 91 µmol/L ; sodium (Na) = 136 mmol/L ; potassium (K) = 4,3 mmol/L ; magnésium (Mg) = 0,78 mmol/L ; phosphore (Ph) = 0,67 mmol/L ;
– albumine = 28 g/L ; pré-albumine = 0,09 g/L ; ferritine = 203 µg/L ; coefficient de saturation de la transferrine = 15 % ; fer sérique = 6 µmol/L.
Le patient ne s’alimente plus depuis plusieurs semaines, vous proposez la pose d’une sonde nasogastrique.
Question 7 - Comment poursuivez-vous la prise en charge ?
Il faudra démarrer un apport calorique progressif, notamment pour prévenir le syndrome de renutrition inadaptée.
En amont de la renutrition, pour prévenir le syndrome de renutrition inappropriée.
En amont de la renutrition, pour prévenir le syndrome de renutrition inappropriée (même si la kaliémie est normale).
Ici, l’anémie est probablement inflammatoire (persistance de l’inflammation à deux mois). Dans ce contexte, le dosage de la ferritine pour évaluer la carence martiale n’est pas fiable (augmentation avec l’inflammation). Une carence martiale est en revanche éliminée par un coefficient de saturation > 10 % dans un contexte inflammatoire.
L’albumine a une demi-vie longue et il n’est pas nécessaire de la doser plus d’une fois par mois. Le suivi se fera sur le poids et éventuellement la pré-albumine.
Le syndrome de renutrition inappropriée doit être systématiquement prévenu chez les patients dénutris (réalimentation progressive, supplémentation en phosphore et potassium, surveillance biologique régulière).

Les principaux facteurs de risque d’escarre sont :
– facteurs extrinsèques ou mécaniques : pression, friction, cisaillement, macération, immobilité ;
– facteurs intrinsèques ou cliniques : état nutritionnel, incontinence urinaire et fécale, état de la peau, baisse du débit circulatoire, neuropathie, état psychologique, âge, antécédent d’escarres, déshydratation, maladies aiguës, pathologies chroniques graves et leur phase terminale. 
Seules l’immobilisation et la dénutrition sont réellement des facteurs prédictifs du risque d’escarre.
Source : HAS. Prévention et traitement des escarres de l’adulte et du sujet âgé. 1er novembre 2001.

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