Vous travaillez dans un cabinet de médecine générale. Vous rencontrez pour la première fois Théo, 14 ans, amené par ses parents car ils le trouvent très fatigué ces derniers temps. En effet, depuis trois semaines, ils trouvent que Théo n’a plus goût à rien, il ne prend plus de plaisir à aller au judo et a même raté son dernier entraînement. D’habitude plutôt social, il refuse d’aller voir ses copains le week-end et passe ses journées dans son lit tant que ses parents ne l’ont pas difficilement forcé à se lever pour aller prendre une douche. Au collège, Théo écoute de moins en moins en classe, ses notes ne sont pas aussi bonnes que d’habitude et il lui est même arrivé de répondre aux professeurs qui lui faisaient des remarques. À la maison, c’est la même chose : Théo est devenu très irritable avec sa petite sœur et « pique des crises » de colère à répétition. 

Quand vous interrogez le garçon, vous notez qu’il est peu expressif, ses réponses sont lentes et monocordes. Il dit « ne pas savoir ce qu’il ressent » quand vous l’interrogez sur son moral. Il a moins d’appétit mais son père le force à finir ses assiettes, il n’est pas objectivé de perte de poids notable mais vous n’avez accès à aucune mesure antérieure. 

Sur le plan du sommeil, il s’endort vers une heure du matin puis se plaint de réveils nocturnes multiples. Il se réveille naturellement vers 5 h du matin, et reste dans son lit jusqu’à devoir aller à l’école. 

Il ne rapporte aucune prise de toxiques.
Question 1 - Quel élément sémiologique relevez-vous durant cette consultation (une ou plusieurs réponses exactes) ? 
Accélération de la pensée, non décrite ici.
Au contraire, « faciès peu expressif » correspond à une hypomimie voire une amimie.
Ralentissement du discours.
Incapacité à identifier, comprendre et exprimer ses émotions.
Perte de plaisir dans ses intérêts habituellement présents (judo, relations sociales).
L’examen clinique et les constantes (pression artérielle, fréquence cardiaque, saturation en oxygène, température) sont dans les limites de la normale.
Question 2 - Quel examen prescrivez-vous en première intention (une ou plusieurs réponses exactes) ? (grade B)
Cannabis, cocaïne, opiacés, etc. Le patient ne dira pas forcément la vérité lors d’une première consultation et de surcroît devant ses parents.
Recherche d’une hypo- ou hyperthyroïdie.
TSH en première intention du dépistage d’une dysthyroïdie.
Pas en première intention sans point d’appel clinique.
Comme pour tout trouble psychiatrique, notamment si le début est aigu, une étiologie non psychiatrique devra être éliminée à l’aide d’un bilan clinique complet et d’un bilan paraclinique orienté.
Au minimum : glycémie capillaire voire veineuse, ionogramme, calcémie, bilan rénal (urée, créatinémie), NFS, plaquette, CRP, TSH-us (ultrasensible), bilan hépatique, toxiques urinaires.
Pour en savoir plus : Macone A, Laidi C, Pelissolo A. Item 66. Diagnostiquer : un trouble dépressif, un trouble anxieux, un trouble obsessionnel compulsif, un trouble de stress post-traumatique, un trouble de l’adaptation, un trouble de la personnalité. Partie 2 : troubles dépressifs.  Rev Prat 2021;71(5);557-64.
Vous revoyez Théo et ses parents en consultation. Les examens paracliniques sont normaux. 
L’état clinique de Théo ne s’est pas amélioré. Il a manqué deux jours de cours car il n’arrivait pas à se lever. Il passe tout son temps libre au lit sur son téléphone portable. Cette conduite amène beaucoup de disputes avec ses parents qui ne comprennent pas ce qu’il se passe. En effet, Théo était décrit comme un enfant heureux et agréable, ne posant pas de problème de comportement, que ce soit à la maison ou à l’école. Le développement s’est déroulé sans contrariété. Les parents notent une nette modification de son comportement depuis maintenant un mois, sans aucun facteur déclenchant.
En entretien individuel, Théo dit beaucoup ruminer à l’idée de passer le brevet, se sentant incapable de le réussir. De manière générale, il se sent nul et pas à la hauteur. Il a la sensation qu’il n’arrivera jamais à réussir sa vie. Il n’exprime pas d’idées suicidaires franches mais dit être déçu de se réveiller chaque matin.
Question 3 - Quel(s) diagnostic(s) suspectez-vous ?
L’anxiété doit être apparue depuis plus de six mois, ce qui n’est pas le cas de Théo.
Le retrait social est décrit comme très récent et sans trouble du neurodéveloppement dans l’enfance. Ce n’est pas un diagnostic à envisager en premier lieu.
Il n’est pas possible de poser un diagnostic de trouble de la personnalité possible avant 18 ans. De plus, les troubles de la personnalité ne font pas rupture avec un fonctionnement antérieur.
Altération marquée du fonctionnement évoluant depuis au moins quinze jours, en rupture avec l’état antérieur : humeur dépressive ou irritabilité chez l’adolescent, diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir, perte d’appétit, insomnie, fatigue, ralentissement psychomoteur, dévalorisation inappropriée, diminution de la concentration.
Nécessite des conduites bafouant les droits fondamentaux d’autrui et transgressant les normes sociales pendant au moins six mois à un an.
L’épisode dépressif caractérisé de l’adolescent peut être un diagnostic différentiel difficile d’une simple crise de l’adolescence. Ici, l’insomnie et l’anorexie permettent d’appuyer le caractère pathologique de l’épisode.
Vous annoncez un diagnostic d’épisode dépressif caractérisé modéré.
Question 4 - Quelle prise en charge proposez-vous (une ou plusieurs réponses exactes) ? (grade B)
En cas d’EDC modéré, l’antidépresseur est à discuter avec le patient et la famille.
La psychothérapie de soutien est toujours indiquée en cas d’EDC
Les IME sont pour les enfants avec des troubles sévères du neurodéveloppement (institut médico-professionnel pour les adolescents). L’objectif est de maintenir une scolarité normale le plus possible. Dans cette situation, le risque est la déscolarisation avec le développement d’une phobie scolaire ou « refus scolaire anxieux ».
Pas d’urgence suicidaire. Pas de critère de gravité. Pour autant, une hospitalisation programmée pour introduction d’un antidépresseur peut se discuter, en veillant à ne pas trop interférer avec la scolarité.
Lieu de soins ambulatoires de 0 à 6 ans. Un centre médico-psychologique (CMP) pourrait être discuté.
Les parents de Théo n’ont pas souhaité débuter un traitement médicamenteux. Il a débuté un suivi avec une psychologue une fois par semaine à la maison des adolescents de son quartier. Vous n’avez plus de nouvelles de lui jusqu’à ce que, cinq mois plus tard, la psychologue vous l’adresse de nouveau. Elle est inquiétée par les « idées noires » de Théo, qui n’est plus venu en consultation depuis deux semaines. Vous le recevez seul, sans ses parents.
Théo vous confirme avoir des idées suicidaires par intoxication médicamenteuse volontaire et par défenestration. En effet, il y a quatre jours, lors d’une crise d’angoisse, il a pris une plaquette de phloroglucinol dans le but de mourir, trouvée dans la pharmacie familiale. Il n’a ressenti aucune répercussion physique mais regrette que ça n’ait pas fonctionné. Il ne va actuellement quasiment plus au collège et, si oui, c’est avec 8 comprimés de paracétamol dans sa poche car « ça le rassure ». Il a vérifié la dose toxique sur Internet. Il habite dans une maison de plein pied et au collège les bâtiments n’excèdent pas un étage. 
Il vous dit avoir pris la décision de mourir après y avoir longuement réfléchi. Il ne voit pas de solution à son état dépressif et est persuadé d’avoir tout essayé, sans espoir d’aller mieux. Le premier passage à l’acte n’était pas prémédité. Il réfléchit à quel sera le meilleur moment pour le prochain pour « ne pas se louper ».
La présence de ses parents a longtemps été un facteur protecteur mais dorénavant il est sûr d’être un poids pour eux et que sa famille serait mieux sans lui.
Question 5 - Qu’expliquez-vous aux parents de Théo (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Attention à la crise suicidaire de l’adolescent, risque élevé du fait d’une forte impulsivité. Un antécédent récent de tentative de suicide augmente le risque de passage à l’acte.
L’accord des parents suffira, il n’existe pas de soins psychiatriques à la demande d’un tiers dans le cas d’un mineur non émancipé.
Une OPP peut être décidée si la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en danger. Dans cette situation, si les parents refusent l’hospitalisation, il est encore possible de négocier des soins en ambulatoire avec un renforcement des soins et un renforcement de la vigilance parentale (suppression des accès aux moyens létaux indispensable et surveillance rapprochée).
Le danger est tel que le/la médecin peut déroger au secret et prévenir les parents dans cette situation, en ne révélant que le strict nécessaire pour la sécurité de l’enfant.
Facteur de Risque de suicide : antécédent personnel de tentative de suicide, diagnostic d’épisode dépressif caractérisé, expression d’idées suicidaires.
Urgence élevée : a le sentiment d’avoir tout fait et tout essayé, a un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider, coupé de ses émotions, rationalisant sa décision, en rupture thérapeutique (ne va plus voir la psychologue).
Danger : en possession d’un traitement potentiellement létal à dose toxique, facilement accessible sans ordonnance ou au domicile.
Les adolescents sont d’autant plus à risque de passage à l’acte suicidaire qu’ils sont impulsifs. La prise de phloroglucinol lors d’une attaque de panique peut faire penser à un raptus anxieux/suicidaire (l’agitation anxieuse majore le risque impulsif de passage à l’acte). 
Théo a été hospitalisé en urgence pendant une semaine en pédopsychiatrie. Vous revoyez Théo avec ses parents trois jours après sa sortie. Le compte-rendu d’hospitalisation rapporte un diagnostic d’épisode dépressif caractérisé sévère avec un risque suicidaire élevé. L’hospitalisation a permis dès son entrée la mise en place d’un traitement sédatif et anxiolytique de type hydroxyzine si besoin, puis l’introduction d’un antidépresseur inhibiteur sélectif de la sérotonine, fluoxétine, au bout du troisième jour. Les parents ont rapidement demandé une sortie contre avis médical car leur fils disait ne plus supporter les autres patients et il lui devenait intolérable d’être enfermé dans le service. 
En consultation, en effet, Théo est très volubile, il vous explique dans un flot de paroles avoir détesté l’hospitalisation, entouré de tous ces « minables » alors que lui vaudrait beaucoup mieux, qu’il n’aurait rien à faire là-bas. Il dort 5 h par nuit mais ne se sent plus fatigué, au contraire, il déborde de projets « à sa hauteur », mais « tu n’as pas le droit d’être au courant ». Il est très irritable la journée, sursaute puis s’énerve au moindre bruit fait par sa famille, il ne supporte aucune contradiction. 
Vous avez du mal à suivre son discours, vous obligeant à l’interrompre à plusieurs reprises, sans succès. Ses parents expliquent avoir du mal à le canaliser, il s’emporte très rapidement. Ils l’ont surpris à chuchoter seul dans sa chambre mais Théo refuse d’en dire plus.
Les constantes (pression artérielle, fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, température) sont bonnes, il n’existe aucune plainte somatique.
Question 6 - Quel est votre diagnostic principal ? 
Possible syndrome confusionnel, agitation, hallucinations… pouvant être un diagnostic différentiel difficile d’un trouble psychiatrique. Ici, pas de symptôme digestif ou neurovégétatif.
Schizophrénie si symptomatologie délirante supérieure à  six mois. Ici, idées délirantes probables mais congruentes à l’humeur, en faveur d’un épisode maniaque à caractéristique psychotique.
Clinique non spécifique d’un surdosage en inhibiteur du recaptage de la sérotonine (IRS) ou en hydroxyzine, mais une prise de toxiques devra être éliminée pour poser le diagnostic de virage maniaque.
Aucune benzodiazépine n’a été prescrite.
Irritabilité au premier plan, classique dans la clinique des adolescents. Les hallucinations sont présentes dans 50 % des épisodes maniaques.
Vous suspectez un virage maniaque sous fluoxétine. 
Question 7 - Quelle est votre prise en charge (une ou plusieurs réponses exactes) ?
Possible réintroduction d’un antidépresseur si associé à un thymorégulateur à posologie efficace.
Possible réintroduction d’un antidépresseur si associé à un thymorégulateur à posologie efficace.
Ce n’est pas la priorité dans l’urgence de la situation.
L’accord des parents suffira, il n’existe pas de soin psychiatrique pour péril imminent dans le cas d’un mineur non émancipé.
Antipsychotique de première génération, n’a pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ni chez le patient de moins de 18 ans ni dans les troubles thymiques/bipolaires.
Les modes d’hospitalisation pour un mineur non émancipé sont : 
– hospitalisation libre (accord parental) ;
– ordonnance de placement provisoire (désaccord parental et mise en danger immédiate de la santé, la sécurité ou la moralité du mineur) ;
– hospitalisation sous contrainte à la demande d’un représentant de l’État.
Les antidépresseurs IRS sont prescrit dans les troubles bipolaires si, et seulement si, associé à un thymorégulateur à posologie efficace. 
Les antipsychotiques régulateurs de l’humeur sont tous de deuxième génération : olanzapine, rispéridone, aripiprazole, quétiapine. 
Dans cette situation, un arrêt de tous les traitements est recommandé avec une orientation aux urgences pour bilan paraclinique à la recherche d’un diagnostic différentiel et hospitalisation en pédopsychiatrie pour adaptation thérapeutique.

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