Julie est une fillette de 4 ans, née à terme, sans antécédent médical personnel, qui consulte aux urgences pédiatriques avec ses parents. Sa mère a une maladie de Wegener et son grand-père maternel une maladie de Basedow. Son père n’a pas d’antécédent médical personnel ou familial. Elle a depuis 2 mois un strabisme convergent et un stridor intermittent. Ces épisodes durent environ une minute, pendant laquelle elle est gênée pour respirer, et s’amendent spontanément. Son médecin traitant a été rassurant du fait du caractère transitoire des symptômes et a seulement initié un traitement par hydroxyzine (Atarax®) depuis 3 jours. Les parents décident de l’emmener aux urgences devant la survenue de douleurs intermittentes à type de brûlures au niveau des deux genoux depuis quelques jours.
Question 1 - Vous examinez l’enfant, et les parents vous montrent des vidéos des épisodes de strabisme. Votre attitude vis-à-vis de ce signe clinique est la suivante :
La survenue d’un strabisme de manière brutale après l’âge de 3 ans doit faire suspecter une atteinte centrale et la réalisation d’un fond d’œil à la recherche d’hypertension intracrânienne.
Le fond d’œil est normal. L’examen ORL révèle une parésie bilatérale des cordes vocale isolée.
Question 2 - Vos hypothèses diagnostiques sont les suivantes :
Oui, car retentissement musculaire possible.
Oui, en cas d’atteinte du tronc cérébral.
Non, pas de manifestation musculaire. 
Non, atteinte musculaire avérée, pas du tout l’âge de survenue.
Possible car atteinte de la sphère oto-rhino-laryngée (ORL) intermittente, compatible avec une anomalie de la jonction neuromusculaire.
L’urgence est d’éliminer une tumeur cérébrale, y compris en cas de fond d’œil normal, l’hypertension intracrânienne pouvant être secondaire. Ne pas méconnaître les anomalies de la calcémie devant toute manifestation musculaire atypique.
Question 3 - Pour étayer ou infirmer vos hypothèses diagnostiques, vous demandez la réalisation des examens suivants :
Oui, pour tester l’hypothèse d’une myasthénie.
Oui, recherche de signes ECG de dyscalcémie.
Non, pas d’atteinte musculaire.
Recherche d’anomalie de la calcémie.
Recherche de tumeur cérébrale.
Il sera important de hiérarchiser ces examens en fonction du degré d’urgence, de la probabilité des hypothèses émises et de leur disponibilité (IRM et bilan biologique en premier lieu).
L’IRM cérébrale et l’électromyogramme sont normaux.
L’ECG est le suivant :

Et le bilan biologique prélevé retrouve :
Question 4 - Votre diagnostic est donc le suivant :
Oui, une parathormone (PTH) basse en contexte d’hypocalcémie révèle son inactivité et donc l’étiologie de l’hypocalcémie.
Dans ce cas, la vitamine D serait élevée.
Ces électrolytes sont régulés par les mêmes hormones mais ne se régulent pas entre eux…
Dans un syndrome de résistance à la PTH, elle est au contraire élevée et inactive.
Si apports calciques insuffisants, augmentation de la PTH.
Schéma de régulation hormonale de la calcémie (source : Dr Eloïse Giabicani – Sorbonne Université)
Question 5 - Devant cette hypocalcémie profonde, vous débutez une supplémentation calcique selon les modalités suivantes :
Vu la profondeur de l’hypocalcémie et les premiers signes ECG, il faut effectuer une supplémentation intraveineuse mais sans nécessité de passer par une voie centrale. Pour éviter la toxicité veineuse on ne dépassera pas 2 mg/kg/h de calcium élément sur voie veineuse périphérique en intraveineuse lente (6-8 h).
C’est essentiel de supplémenter en vitamine D (forme un-alpha-hydroxylée, car cette hydroxylation est sous la dépendance de la PTH) qui va stimuler l’absorption de calcium.
L’hydroxyzine fait partie des traitements responsables d’allongement du QT qui sont à proscrire lors d’une hypocalcémie. Vérifier tout médicament sur le Vidal ou le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Devant la présence de signes ECG et l’hypocalcémie profonde, la survenue de trouble du rythme grave est possible.
Le risque est en effet qu’un apport en excès de vitamine D et de calcium entraîne une néphrocalcinose, on adapte donc la supplémentation en vitamine D (1 alpha-hydroxylée) au rapport calciurie/créatininurie
L’objectif thérapeutique est en premier lieu de normaliser l’ECG, l’objectif calcémique est autour de 2-2,2 mmol/L avec un relais per os dès que possible. La supplémentation en un-alpha s’adaptera à la calciurie.
Devant cette hypoparathyroïdie, des analyses génétiques sont menées. Elles retrouvent la présence de deux mutations faux sens héritées de chacun de ses parents dans le gène AIRE, responsable d’un syndrome autoimmune polyendocrinopathy-candidiasis-ectoderma dystrophy (APECED) ou polyendocrinopathie de type I chez Julie. Ce syndrome extrêmement rare se manifeste classiquement pas une triade associant : hypoparathyroïdie, candidoses cutanéo-muqueuses et insuffisance surrénalienne.
Question 6 - Pour explorer la présence d’insuffisance surrénalienne chez Julie, vous effectuez les examens suivants :
Oui, sera élevé en cas d’insuffisance surrénalienne.
Non, à 8 h.
Oui, permet de faire le diagnostic d’insuffisance surrénalienne complète ou partielle.
La mesure du cortisol libre urinaire vise à dépister les hypercorticismes et donc n’est pas justifiée ici.
Le scanner surrénalien ne permet pas de faire le diagnostic d’insuffisance surrénalienne et n’est utile qu’à visée étiologique dans certaines situations.
Le cortisol est un glucocorticoïde sécrété par la corticosurrénale selon un cycle circadien. Physiologiquement, il existe un pic de sécrétion en fin de nuit, c’est pourquoi la recherche d’une sécrétion insuffisante s’effectue sur un dosage le matin à 8 h. La sécrétion du cortisol étant sous la dépendance de l’ACTH hypophysaire et le cortisol effectuant un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion d’ACTH, en cas d’insuffisance surrénalienne (= périphérique) les taux d’ACTH seront élevés alors que les taux de cortisol seront bas. Le test au synacthène consiste à doser le cortisol de base et après stimulation par un agoniste de l’ACTH (SynACTHène), afin de dépister une éventuelle insuffisance surrénalienne partielle (taux de base normal mais taux stimulé n’augmentant pas suffisamment) qui met le patient à risque d’insuffisance surrénalienne aiguë en situation de stress. Pour en savoir plus sur le syndrome APECED, allez sur la page dédiée à la polyendocrinopathie auto-immune type 1 sur Orphanet
Cycle nycthéméral du cortisol (source : Dr Eloïse Giabicani – Sorbonne Université)
Représentation schématique de la régulation de l’axe corticotrope (source : Dr Frédéric Brioude – Sorbonne Université)
Les parents vous posent des questions concernant le risque de pathologie dans la famille, dans la descendance de Julie et de récurrence lors d’une prochaine grossesse.
Question 7 - Vous donnez aux parents les informations suivantes :
Non, 25 %.
Non, car maladie récessive.
Non, car maladie récessive.
Oui, car maladie autosomique récessive.
Oui, les mutations étant identifiées, on peut les rechercher sur des prélèvements de liquide amniotique ou de villosités choriales lors d’une grossesse.
Il s’agit d’une maladie autosomique récessive, les individus porteurs d’une mutation ne sont pas atteints et le syndrome ne s’exprime que chez les individus porteurs d’une mutation sur chacun de leurs allèles. Le risque de survenue du syndrome dans la fratrie de Julie ou lors d’une prochaine grossesse est de 25 %. Julie, elle, transmettra une des mutations à ses enfants mais pas le syndrome (cela dépendra du statut génétique du père). Enfin, il ne ségrège qu’une seule mutation dans chaque famille maternelle ou paternelle et le risque de survenue du syndrome est donc exceptionnelle.

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