Vous recevez en consultation aux urgences pédiatriques le jeune Théo, 2 ans et demi, amené par son père car il pleure sans cesse depuis deux heures et a vomi. Il est né à terme et n’avait pas de problème de santé particulier depuis la naissance. Sa température est à 37,8° C. À la palpation abdominale, vous retrouvez un ventre sensible à droite ainsi qu’une bourse droite vide. Le testicule gauche est bien présent et non douloureux.
Question 1 - Vous réalisez un examen clinique complet à la recherche d’une orientation diagnostique.
Les rectorragies sont un signe assez spécifique de l’invagination iléocæcale témoignant de lésions muqueuses superficielles.
Un ictère oriente bien évidemment vers une colique hépatique.
La psoïtis est une douleur lors de la contraction du muscle psoas, signe d’autant plus marqué que l’appendicite est postérieure, vers le psoas, donc rétrocæcale.
Le toucher rectal ne doit être réalisé qu’exceptionnellement chez l’enfant et n’a pas d’indication ici.
La hernie inguinale étranglée chez l’enfant se manifeste par une tuméfaction douloureuse et irréductible de la région inguinale.
La douleur abdominale aiguë chez l’enfant est un motif fréquent de consultation. Une anamnèse et un examen clinique adapté à l’âge sont primordiaux pour discriminer la pathologie bénigne ou fonctionnelle de la douleur abdominale organique grave nécessitant un traitement chirurgical urgent. Aucun examen complémentaire n’est systématique, et c’est bien l’examen clinique qui orientera la suite de la prise en charge diagnostique. Dans ce sens, certains signes spécifiques et orientés sont à bien connaître. Le diagnostic de torsion de testicule cryptorchide est toujours à évoquer en cas de bourse vide et de douleur abdominale, mais reste un diagnostic exceptionnel.
Vous retrouvez à l’interrogatoire que Théo n’a presque rien mangé aujourd’hui et a dû aller souvent uriner. Le transit est conservé, sans diarrhée. À l’examen clinique, vous retrouvez des orifices herniaires libres, un léger Bloomberg, pas de psoïtis.
Question 2 - Quels examens paracliniques vous paraissent nécessaires à ce stade ?
Le tableau est actuellement compatible avec une appendicite ou une pyélonéphrite aiguë justifiant la réalisation d’un bilan inflammatoire. En cas d’appendicite, la CRP est l’examen biologique ayant les meilleures performances diagnostiques.
Elle est évidemment à réaliser devant des signes fonctionnels urinaires irritatifs.
Elle pourrait être différée à l’obtention du bilan inflammatoire. Cependant, le test de Bloomberg signe une irritation péritonéale et l’échographie peut tout à fait se justifier d’emblée.
L’examen clinique n’oriente pas vers une origine hépatique de cette douleur abdominale.
La radiographie de l’abdomen est bien plus souvent utilisée face aux douleurs abdominales pédiatriques que dans le cas de l’adulte. Cependant, elle est utile dans les tableaux occlusifs, ce qui n’est pas le cas ici.
L’appendicite aiguë et la pyélonéphrite aiguë doivent toujours être évoquées devant une douleur abdominale, ici subfébrile, de par leur gravité potentielle et par argument de fréquence. Les examens complémentaires doivent être bien orientés par une évaluation clinique rigoureuse et systématique. Une appendicite aiguë peut donner des signes fonctionnels urinaires irritatifs en cas d’appendicite pelvienne.
Vous retrouvez à l’échographie une appendicite aiguë pour laquelle Théo est opéré. Vous ne notez rien d’autre qu’une appendicite simple en peropératoire. L’évolution est favorable et vous le revoyez en consultation. Tout va bien sur le plan digestif, mais vous retrouvez toujours un testicule droit non descendu dans le scrotum, palpé cette fois en position inguinale haute.
Question 3 - Quelle est votre attitude ?
Une descente post-natale du testicule est bien possible mais jusqu’à 6 mois.
Un testicule controlatéral augmenté est prédictif d’atrophie testiculaire controlatérale, mais pas de cryptorchidie.
Le risque d’anomalie du développement de l’appareil génital est plus élevé en cas d’association à une autre anomalie. Il faut donc bien réaliser un examen complet de l’appareil génital et rechercher un hypospade associé.
Aucun examen d’imagerie n’est nécessaire si le testicule est palpé. Une échographie pourra éventuellement préciser la position et surtout la taille du testicule.
L’âge idéal pour réaliser la chirurgie d’abaissement testiculaire est débattu. Une descente post-natale étant possible jusqu’à 6 mois, une prise en charge avant ce terme n’est pas indiquée. Les recommandations varient entre 6 et 18 mois (États-Unis), 6 et 12 mois (Canada), 12 et 18 mois (Europe). La principale limite est le risque anesthésique qui semble majoré avant 1 an. En France, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise : « Le moment idéal pour la chirurgie correctrice d’une ectopie testiculaire est compris entre l’âge de 6 mois et 12 mois. Il est recommandé d’adresser les enfants au chirurgien d’enfants après l’âge de 6 mois et de préférence avant l’âge de 1 an, car c’est en opérant durant cette période qu’on optimise la spermatogenèse. » (HAS, Pertinence des soins en chirurgie pédiatrique, 2018).
Le suivi après la chirurgie d’abaissement testiculaire droit est satisfaisant sans récidive.
Vous revoyez Théo bien plus tard, peu après ses 19 ans. Il consulte pour la palpation d’une boule dure sur son testicule opéré dans l’enfance.
Question 4 - Quel bilan biologique demandez-vous ?
L’AFP est surtout produite par les tumeurs vitellines et le carcinome embryonnaire et n’est pas sécrétée par le séminome.
Non spécifiques, ils sont corrélés au renouvellement cellulaire et donc au volume tumoral.
Toujours sécrétée par le choriocarcinome et dans 10 à 20 % des séminomes.
Les 3 marqueurs sériques AFP, HCGt et LDH doivent être dosés avant et après orchidectomie pour leurs valeurs diagnostique et pronostique.
Source : Murez T, Fléchon A, Savoie PH, Recommandations françaises du comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (AFU), actualisation 2018-2020 : tumeurs germinales du testicule. Progrès en Urologie 2018;28(1):R149-R166.
 
Question 5 - Quels examens demandez-vous ?
La biopsie percutanée des tumeurs testiculaires est proscrite.
Il s’agit bien de l’examen systématique à réaliser.
L’IRM testiculaire peut être utilisée avec des bonnes valeurs diagnostiques, mais il ne s’agit en aucun cas d’un examen de première intention.
Il s’agit d’un examen essentiel pour l’évaluation du stade ganglionnaire rétro-péritonéal, premier relais lymphatique du testicule.
Il est tout aussi essentiel pour la détection des métastases pulmonaires et souvent, avant ce stade, des adénopathies médiastinales.
Le bilan d’imagerie initiale comporte donc échographie testiculaire et scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP). L’imagerie cérébrale est recommandée en cas de symptômes neurologiques. La tomographie par émission de positons au 18fluoro-désoxy-glucose (TEP-18FDG) n’est pas recommandée dans le bilan initial.
Source : Murez T, Fléchon A, Savoie PH, Recommandations françaises du comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (AFU), actualisation 2018-2020 : tumeurs germinales du testicule. Progrès en Urologie 2018;28(1):R149-R166.
Vous retrouvez à l’échographie une masse testiculaire droite suspecte envahissant le cordon spermatique, et au scanner thoraco-abdomino-pelvien 3 adénopathies rétro-péritonéales de diamètre compris entre 16 et 31 mm. Le bilan retrouve : lacticodéshydrogénase (LDH) 1,7N ; human chorionic gonadotrophin (hCGt) 3 000 UI/L ; alphafœtoprotéine (AFP) 2 000 ng/mL.
Question 6 - Quels peuvent être les éléments de votre prise en charge ?
Il s’agit d’un paramètre essentiel à valeur médico-légale de la prise en charge.
Elle doit être réalisée avant une éventuelle chimiothérapie, sauf en cas de volume métastatique important/symptomatique (ex : compression urétérale sur coulée ganglionnaire).
L’orchidectomie est impérativement par voie inguinale pour respecter le drainage lymphatique du testicule.
Selon la stadification du risque du cancer, une chimiothérapie peut être proposée en traitement adjuvant. Il s’agit également du traitement de première ligne en cas de récidive.
Théo s’interroge sur l’intérêt et les modalités de préservation du sperme au Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS).
Question 7 - Quelles réponses pouvez-vous lui apporter ?
La chimiothérapie altère la fertilité parfois à très long terme. Le curage rétro-péritonéal est également de mauvais pronostic en favorisant l’éjaculation rétrograde.
Elle doit être proposée et son accès facilité, mais elle n’est bien évidemment pas obligatoire.
Des tests sérologiques sont nécessaires avant la préservation afin de ne pas stocker les prélèvements potentiellement infectés via les mêmes circuits, mais il ne s’agit pas d’une contre-indication.
Le recueil a évidemment plus de chance d’être de bonne qualité avant l’orchidectomie.
Penser à faire réaliser les tests sérologiques (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], virus de l’hépatite B [VHB], virus de l’hépatite C [VHC], syphilis) avant l’adressage à un CECOS : cela permet de faire réaliser plus vite le prélèvement.

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