Interne en 3e semestre d’ophtalmologie, vous êtes de garde. M. P., 56 ans, se présente aux urgences ophtalmologiques. Il se plaint d’une vision fluctuante, parfois floue, parfois nette. Il explique avoir la sensation que sa vue se trouble, en particulier en fin de journée. À l’interrogatoire, il ne rapporte pas d’antécédent particulier, il ne prend aucun traitement. Vous remarquez qu’il est en surpoids manifeste. Bien que la température dans la salle d’attente soit à peine de 18 °C, le front du patient est en sueur.

L’autoréfractomètre donne les mesures suivantes : 

– œil droit : S = -2,75 ; C = -0,75 à 85° ; 

– œil gauche : S = -3 ;  C = -1 à 90°. 
Question 1 - Ces mesures vous permettent d’affirmer que : [une ou plusieurs réponse(s) est (ou sont) exacte(s)]
Ce patient est myope astigmate. L’autoréfractomètre permet une mesure objective des troubles réfractifs de l’œil.
Ce patient est myope, la mesure de son acuité visuelle corrigée nécessite l’utilisation de verres plus épais en périphérie qu’au centre. Ce qui correspond bien à des verres concaves.
Ce patient est astigmate, la surface de sa cornée est irrégulière.
La presbytie correspond à la perte physiologique de l’accommodation. Elle ne se mesure pas à l’autoréfractomètre
L’autoréfractomètre est l’appareil utilisé quasiment à chaque consultation par un ophtalmologiste. Il permet une mesure rapide des anomalies réfractives des yeux des patients. Il donne une idée de la correction optique nécessaire pour corriger les défauts optiques de l’œil d’un patient.
L’acuité visuelle subjective corrigée mesurée par l’orthoptiste est de 10/10e Parinaud 3 à l’œil droit comme à l’œil gauche.
Question 2 - Cette baisse d’acuité visuelle légère touchant uniquement la vision de près vous fait évoquer le(s) diagnostic(s) suivant(s) :
Une cataracte nucléaire fait baisser la vision de loin.
Une cataracte sous-capsulaire postérieure débutante est ressentie par le patient comme une baisse d’acuité visuelle (BAV) de près alors que l’acuité visuelle de loin est conservée.
La presbytie n’entraîne pas de BAV de près.
Un œdème maculaire minime peut se traduire par une BAV uniquement de près.
Le glaucome pigmentaire ne se manifeste pas par une BAV de près isolée.
L’échelle de Parinaud permet d’évaluer la vision de près. Celle-ci est le reflet de la fonction maculaire du patient. Un œdème maculaire débutant peut se manifester par une BAV de près isolée. Une opacité de la partie postérieure du cristallin (cataracte sous-capsulaire postérieure) se manifeste souvent chez les patients par une BAV de près. À l’inverse, si les opacités sont situées au centre du cristallin (cataracte nucléaire), la vision de près reste conservée, alors que la vision de loin diminue.
Question 3 - Vous émettez l’hypothèse d’un œdème maculaire débutant, vous prescrivez l’examen (ou les examens) complémentaire(s) suivant(s) pour étayer votre diagnostic :
La kératométrie permet de mesurer les rayons de courbure de la cornée.
L’angiographie en ICG opacifie les vaisseaux choroïdiens. Elle ne permet pas de détecter les œdèmes intra-rétiniens.
L’examen de la rétine par impédancemétrie permet de visualiser les couches rétiniennes et donc l’œdème maculaire.
L’échographie en mode A mesure la longueur de l’œil.
La pachymétrie mesure l’épaisseur de la cornée.
L’OCT est devenue un examen quasi incontournable en ophtalmologie. Cette technique d’imagerie impédancemétrique permet de visualiser très facilement les anomalies rétiniennes.
Un œdème maculaire est visible en angiographie à la fluorescéine. (Fuite de produit de contraste aux temps intermédiaires et tardifs de l’angiographie.) Néanmoins, depuis l’apparition de l’OCT, cet examen n’est plus pratiqué pour poser le diagnostic d’un œdème maculaire.
L’examen du segment antérieur montre une chambre antérieure calme et profonde. Vous notez de fines opacités sous-capsulaires postérieures du cristallin.
À peine votre examen clinique terminé à la lampe à fente, le patient inquiet et stressé vous demande si vous avez trouvé une explication à sa vision fluctuante. Il vous explique qu’il voit flou en fin de journée quand il conduit et qu’il cligne plusieurs fois des yeux pour faire le point. Il a fait vérifier ses lunettes mais ses symptômes persistent.
Question 4 - Quelle est votre prise en charge ? [une ou plusieurs réponse(s) est (ou sont) exacte(s)]
Le patient ne se plaint pas d’une baisse d’acuité visuelle de près. Les symptômes du patient sont fluctuants.
Les larmes artificielles sont utiles en cas de sécheresse oculaire. Un film lacrymal de mauvaise qualité peut donner une vision floue mais s’accompagne de symptômes de type picotement, larmoiement…
Les symptômes du patient, son surpoids manifeste et le fait qu’il soit en sueur font évoquer des troubles visuels en rapport avec un diabète de type 2 non diagnostiqué.
La glycémie capillaire du patient est mesurée à 18 mmol.L-1. Le dernier repas remonte à plusieurs heures.
Vous reprenez l’interrogatoire du patient. Le patient est bien orienté dans le temps et l’espace. Il se plaint de mictions plus fréquentes que d’ordinaire, surtout la nuit, depuis plusieurs mois, qu’il met sur le compte du stress à son travail. Il n’a aucun autre symptôme évident.
Question 5 - Dans ce contexte, votre prise en charge aux urgences est la suivante : [une ou plusieurs réponse(s) est (ou sont) exacte(s)]
Il ne faut pas faire l’annonce d’un diagnostic aux urgences. L’organisation et le lieu ne sont pas adaptés. Cf. recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS).
Il faut prescrire un bilan sanguin à réaliser à jeun à distance et demander sur l’ordonnance de transmettre les résultats au médecin traitant.
Pas d’intérêt dans ce contexte en urgence. Certains services de consultation d’endocrinologie et des consultations spécialisées dans le suivi ophtalmologique des patients diabétiques sont dotés de bandelettes capables de mesurer l’HbA1c en quelques minutes grâce à un prélèvement capillaire.
Pas d’intérêt dans ce contexte.
Le syndrome oculo-hépatique n’existe pas. Une échographie abdominale peut se discuter en cas de suspicion de stéatose hépatique. Mais en aucun cas à faire aux urgences.
La glycémie de ce patient fait suspecter un diabète de type 2 non diagnostiqué. Sa symptomatologie doit faire éliminer une urgence endocrinologique (cétose diabétique). Les symptômes ne font pas évoquer une origine neurologique ou abdominale de ses symptômes.
 
Le patient n’a pas de cétonurie. L’ionogramme sanguin est normal. Un hôpital de jour en endocrinologie est organisé la semaine suivante grâce à votre co-interne du service de diabétologie. Vous revoyez le patient à l’occasion de cette hospitalisation pour réalisation d’un fond d’œil.
Voici la photographie de son fond d’œil (fig. 1) :
Fig. 1 (source : Hôpital Lariboisière, service du Pr Tadayoni).

 

Question 6 - Votre interprétation est la suivante : [une ou plusieurs réponse(s) est (ou sont) exacte(s)]
Les hémorragies en flammèches s’observent le long des arcades vasculaires.
Une hyalite correspond à une inflammation du vitré. Elle ne se voit pas sur une photographie du fond d’œil.
L’analyse du fond d’œil du patient révèle une rétinopathie diabétique sévère. Une angiographie à la fluorescéine est réalisée. Elle révèle de larges zones d’ischémie rétinienne. 
Question 7 - Devant ces résultats vous décidez de réaliser : [une ou plusieurs réponse(s) est (ou sont) exacte(s)]
Une rétinopathie diabétique non proliférante sévère associée à de larges zones d’ischémie, dans un contexte d'équilibration du diabète fait réaliser une panphotocoagulation rétinienne pour prévenir la formation de néovaisseaux rétiniens.

Conclusion 
Le cas présenté dans ce dossier est tiré d’un dossier d’un patient vu ce semestre aux urgences des 15-20. Avant son passage aux urgences, il a consulté dans deux centres ophtalmologiques où, vu par un orthoptiste et un opticien, seule une adaptation de sa correction optique avait été proposé. La vision fluctuante est un symptôme commun du diabète de type 2 non diagnostiqué. L’hyperglycémie entraîne des variations de l’épaisseur de la cornée qui explique les troubles visuels.

Bibliographie : Collège des ophtalmologistes universitaires de France (COUF), Ophtalmologie, diplôme de formation approfondie en sciences médicales (DFASM), chapitre réfraction/chapitre diabète. Elsevier Masson, 5e édition.
Crédit photo : hôpital Lariboisière, service du Pr Tadayoni.

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