Vous recevez en consultation Mme L., âgée de 44 ans. Cette patiente, que vous connaissez bien pour avoir suivi ses deux grossesses, vient effectuer son suivi gynécologique annuel.

Dans ses antécédents vous notez :

– poids : 70 kg, taille : 160 cm ;

– médicaux : hypertension artérielle ;

– chirurgicaux : aucun ;

– gynéco-obstétricaux : 4 grossesses, 2 accouchements (G4, P2), soit 2 accouchements normaux à terme, 1 interruption volontaire de grossesse (IVG) par curetage aspiratif, 1 fausse couche spontanée (FCS) du 1er trimestre traitée par curetage ;

– familiaux : cancer de l’ovaire chez sa mère à 62 ans.
Question 1 - Mme L. est asymptomatique et a des cycles réguliers. Elle s’interroge sur le dépistage organisé du cancer du sein. Que lui répondez-vous ?
En raison de son antécédent familial, Mme L. est dans un groupe à risque élevé de cancer du sein.
En raison de son antécédent familial, Mme L. est dans un groupe à risque élevé de cancer du sein.
Un examen clinique mammaire annuel doit être réalisé chez toutes les femmes à partir de 25 ans, qu’elles soient à haut risque ou non, en vue de déceler d’éventuelles anomalies d’un sein (aspect global, voussure, attraction, ride, inflammation, déformation du galbe…) ou d’un mamelon (rétraction, modifications d’orientation, ulcération, écoulement…).
Un antécédent familial de cancer ovarien avant l’âge de 70 ans indique la réalisation d’une consultation oncogénétique pour déterminer la nécessité ou non d’une recherche génétique notamment d’une mutation BRCA.
Le cancer du sein fait partie des items incontournables du programme de gynécologie pour l’ECNi.
Il fait partie des pathologies qui bénéficient d’un dépistage organisé en population générale en France.
En cas de risque élevé ou très élevé, on proposera à partir de l’âge de 20 ans un examen clinique annuel ; avant 50 ans (et au plus tôt à partir de 40 ans), une mammographie annuelle, en association éventuelle avec une échographie mammaire.
Le programme de dépistage organisé cible les femmes âgées de 50 à 74 ans à risque moyen, c’est-à-dire sans symptôme apparent ni facteur de risque particulier.
Elles sont invitées tous les deux ans à réaliser une mammographie et un examen clinique des seins auprès d’un radiologue agréé. Il est pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie, sans avance de frais.
Si aucune anomalie n’est décelée, la mammographie est ensuite systématiquement relue par un second radiologue expert.
Moyen mnémotechnique : « 2-2-2 » : tous les deux ans, deux clichés, deux radiologues.
Mme L. réalise donc une mammographie. Celle-ci met en évidence une lésion spiculée de 34 mm du quadrant supéro-interne du sein droit classée ACR 4, associée à une seconde lésion à la jonction des quadrants internes.
Question 2 - Comment complétez-vous votre examen radiologique ?
Toute anomalie à la mammographie doit entraîner un complément d’examen par d’autres clichés ciblés sur la lésion et une échographie mammaire permettant de mieux la définir et de réaliser une exploration du creux axillaire +/- un geste biopsique dans le même temps.
Les macrobiopsies sont plutôt à réserver aux lésions diffuses et de petite taille type microcalcifications.
L’examen de dépistage se transforme en examen de diagnostic.
On réalise plusieurs incidences en mammographie et une échographie afin de préciser la topographie et le type de lésion, et d’explorer le creux axillaire à la recherche d’adénopathies.
La microbiopsie est le plus souvent réalisée dans le même temps.
Une microbiopsie est indiquée (masse bien visible et délimitée) car cette technique est la plus efficace et peu coûteuse, avec une bonne tolérance. Les macrobiopsies au Mammotome sont à réserver aux plages de microcalcifications (risque de sous-estimation de la lésion en cas de microbiopsie).
L’IRM mammaire est indiquée en complément en cas de carcinome lobulaire infiltrant, de prise en charge par chimiothérapie néoadjuvante (tumeur de grande taille/inflammatoire), en cas de discordance radioclinique et dans la surveillance et le suivi des patientes mutées BRCA.
Une microbiopsie est réalisée, les premiers résultats anatomopathogiques vous parviennent :
Mme L. 48 ans. Biopsie ciblée d’une lésion du quadrant supéro-interne du sein droit et de la jonction des quadrants internes :
– carcinome canalaire infiltrant, grade SBR 2 ;
– récepteurs hormonaux : œstrogènes = 90 % ; progestérone = 10 %.
L’examen clinique palpe une lésion multicentrique des quadrants internes et supérieurs. Votre examen axillaire est normal chez une patiente portant un bonnet B.
Question 3 - Quelle est la prochaine étape thérapeutique ? (Plusieurs réponses possibles)
La mastectomie partielle (zonectomie ou tumorectomie) paraît impossible devant une lésion multicentrique chez une patiente de bonnet B. L’enjeu de cette chirurgie est de combiner un résultat esthétique satisfaisant associé à une exérèse en marges saines de la lésion.
Le curage n’est indiqué d’emblée uniquement en cas de tumeur N+ clinique.
En cas de tumeur N-, il faut impérativement une stadification de l’envahissement ganglionnaire. La technique du ganglion sentinelle permet d’obtenir cette information. En cas de ganglion sentinelle envahi, on complétera le geste chirurgical par un curage axillaire.
Le geste à envisager est une mastectomie.
La première étape du traitement « classique » d’un cancer du sein est la chirurgie dans la grande majorité des cas et donc pour l’ECNi. La chimiothérapie néo-adjuvante est réservée aux tumeurs inflammatoires et/ou de grande taille.
La décision thérapeutique repose sur le rapport volume tumoral/volume du sein pour obtenir un résultat esthétique satisfaisant et des marges de sécurité carcinologiques optimales, ici plutôt en faveur d’une mastectomie totale.
L’évaluation de l’extension de la maladie au niveau ganglionnaire passe aujourd’hui par la technique du ganglion sentinelle (repérage isotopique et colorimétrique du premier relais ganglionnaire et analyse extemporanée de celui-ci). En cas de ganglion sentinelle envahi, on complétera le geste chirurgical par un curage axillaire le plus souvent et une chimiothérapie.
Le curage axillaire est réservé aux patientes N+ clinique et/ou T3 au minimum (5 cm).
Vous réalisez une mastectomie avec recherche du ganglion sentinelle.
Vous repassez voir la patiente le soir de l’intervention, celle-ci a une masse indurée de plusieurs centimètres et violacée sous la cicatrice de mastectomie.
Mme L. est algique.
Question 4 - Quel est votre diagnostic ?
Complication classique à avoir en tête et à dépister après toute chirurgie mammaire, elle survient le plus souvent dans les 24 h suivant la chirurgie.
La prise en charge est simple et chirurgicale : mise à jeun, antalgiques, évacuation chirurgicale de l’hématome et surveillance de la cicatrisation.
Il s’agit bien d’un hématome postopératoire. Vous reprenez la patiente en urgence et évacuez cet hématome.
Passé cet épisode, vous revoyez Mme L. en consultation avec les résultats anatomopathologiques.
Carcinome infiltrant non spécifique de 35 mm de grand axe, grade SBR I.
– récepteurs hormonaux = RE : 90 %, RP : 10 % ;
– Ki67 = 25 % ;
– recherche de la surexpression HER2 positive +++ ;
– marges saines ;
– analyse du ganglion sentinelle 1 macro métastase/2N prélevés.
Question 5 - Quelles thérapeutiques adjuvantes proposez-vous en RCP ?
Indiquée devant la taille tumorale, le grade et le statut N+.
Indiqué car statut HER 2+.
Une radiothérapie du sein restant est systématiquement proposée en cas de traitement chirurgical conservateur.
Indiquée car tumeur hormonosensible.
L’analyse du ganglion sentinelle est négative.
Une radiothérapie du sein restant est systématiquement proposée en cas de traitement chirurgical conservateur. En cas de mastectomie la radiothérapie est indiquée si la tumeur est de grande taille ou N+.
La chimiothérapie est indiquée en cas de facteurs de mauvais pronostic de récidive, N+, patiente jeune, Ki67 élevé, cancer « triple négatif »...
Un traitement par Herceptin est recommandé chez cette patiente en association à une chimiothérapie.
Une hormonothérapie est indiquée chez toutes les patientes qui ont au moins 10 % de récepteurs présents.
Mme L. commence sa chimiothérapie.
Question 6 - Quelle(s) molécule(s) pouvez-vous lui proposer en prévention des nausées et vomissements chimio-induits ?
Les molécules utilisées dans les protocoles de chimiothérapie des cancers du sein sont en majorité hautement (cyclophosphamide) ou modérément émétisantes ; une prophylaxie primaire des vomissements chimio-induits est recommandée par aprépitant, corticothérapie ou sétrons.
La prise en charge des nausées et vomissements chimio-induits (NVCI) comporte plusieurs étapes :
– prophylaxie primaire : traitement préventif systématique optimal dès le 1er cycle de chimiothérapie contre les NVCI à la phase aiguë et à la phase retardée ;
– prophylaxie secondaire : traitement préventif réévalué et adapté à la suite de NVCI lors du précédent cycle de chimiothérapie ;
– traitements de secours : traitement à mettre en place en cas de NVCI malgré une prophylaxie bien conduite.
Question 7 - Concernant l’hormonothérapie de Mme L., quelle(s) est (sont) la (les) réponse(s) exacte(s) ? 
La durée recommandée est de cinq ans.
Mme L. a une tumeur hormonosensible.
Le tamoxifène est recommandé en première intention chez les patientes non ménopausées.
Une échographie pelvienne est indiquée avant de débuter un traitement par tamoxifène afin de dépister une éventuelle anomalie endométriale (sur-risque de cancer de l’endomètre induit par le tamoxifène).
Mme L. n’est pas ménopausée, une hormonothérapie par tamoxifène est recommandée en première intention ; une échographie pelvienne à la recherche d’un épaississement endométrial est recommandée avant de débuter le traitement.
L’hormonothérapie est prescrite pour une durée de cinq ans.
Mme L. reçoit une radiothérapie suivie d’une chimiothérapie associée à un traitement ciblé par Herceptin®.
Une hormonothérapie par tamoxifène est introduite par la suite.
Question 8 - Quelle(s) est (sont) la (les) proposition(s) correcte(s) ?
La surveillance recommandée pour le cancer du sein se poursuit à vie.
Elle comprend un examen clinique tous les six mois les deux premières années avec une imagerie annuelle par mammographie.
Question 9 - Quel syndrome génétique vous évoquent les antécédents familiaux de Mme L. ?
La tumeur de Krukenberg est un cancer de l’ovaire, secondaire à un cancer de l’estomac.
La mutation du gène BRCA est une prédisposition génétique entraînant un risque important de développer un cancer du sein et/ou de l’ovaire.
La mutation du gène BRCA est une prédisposition génétique entraînant un risque important de développer un cancer du sein et/ou de l’ovaire.
Le syndrome de Lynch (ou hereditary non polyposis colorectal cancer, HNPCC) a été initialement décrit comme une prédisposition héréditaire aux cancers colorectaux mais son spectre va au-delà du cancer colorectal avec, en premier lieu, le cancer de l’endomètre.
La polypose adénomateuse familiale est une prédisposition génétique à la survenue de centaines voire de milliers de polypes colique avec un risque quasi certain de dégénérescence maligne vers un cancer colorectal. Deux gènes sont connus pour être impliqués dans la polypose adénomateuse familiale : le gène APC et le gène MYH.
Cinq ans plus tard, Mme L. consulte de nouveau pour un épisode de saignements vaginaux spontanés de faible abondance survenus la semaine dernière ; elle se demande si ce n’est pas dû à l’arrivée de sa ménopause il y a deux ans.
Votre examen au spéculum est sans particularité.
Question 10 - Quelle est votre démarche diagnostique en première intention concernant les métrorragies ? (Plusieurs réponses possibles)
Toute patiente ayant des métrorragies sous tamoxifène a un cancer de l’endomètre jusqu’à preuve du contraire !
L’acide traxenamique (Exacyl®) est indiqué en cas de saignement important en traitement des épisodes aigus.
L’examen paraclinique de première intention devant des métrorragies est l’échographie pelvienne par voie suspubienne et endocavitaire.
Le dépistage du cancer du col est toujours indiqué chez cette patiente, mais attention à l’énoncé ! ici on demande l’examen à réaliser dans le cadre de la démarche diagnostique devant ces métrorragies.
Tout saignement postménopausique incite à la prudence et doit vous faire redouter un cancer de l’endomètre.
Le traitement par tamoxifène entraîne un sur-risque de cancer de l’endomètre et doit être arrêté le temps de réaliser les explorations de ces saignements anormaux.
L’examen paraclinique de première intention devant des métrorragies est l’échographie pelvienne par voie sus-pubienne et endocavitaire.
Vous réalisez une échographie pelvienne qui montre un endomètre mesuré à 19 mm d’épaisseur.
Question 11 - Quel est votre bilan paraclinique pour progresser dans votre diagnostic ?
Indiquée en deuxième ligne si le diagnostic histologique de cancer d’endomètre est posé.
Pas d’indication.
Indiqué dans les bilans d’infertilité. Sans rapport ici.
En cas de métrorragies post-ménopausiques et devant toute épaississement endométrial de manière plus générale, une hystéroscopie est recommandée, associée à un prélèvement, afin de dépister un cancer de l’endomètre ; l’IRM est indiquée dans le cadre du bilan d’extension de ce cancer lorsqu’il est avéré.
L’endomètre ne doit pas être mesuré à plus de 6 mm en dehors de tout traitement substitutif, et 10 mm en cas de prise de traitement hormonal substitutif (THS).
Vous réalisez une hystéroscopie qui retrouve ceci :
Figure 1 (Source : Pr Agostini, hôpital de la Conception, La Revue du Praticien)
Question 12 - Quel diagnostic évoquez-vous en priorité ?
La lésion intracavitaire est irrégulière, vascularisée ; un cancer de l’endomètre est à évoquer en priorité.
Le fibrome sous-séreux est par définition visible à l’extérieur de la cavité, au cours d’une cœlioscopie, par exemple.
L’hyperplasie endométriale se présente de façon plus diffuse.
L’anatomopathologiste conclut à un adénocarcinome endométrioïde utérin de grade I.
Question 13 - Quel est votre bilan d’extension ?
L’examen clinique permet d’apprécier au toucher vaginal une éventuelle extension locorégionale (paramètres, annexes).
L’IRM est systématiquement indiquée pour réaliser le bilan d’extension locorégionale.
L’IRM est systématiquement indiquée pour réaliser le bilan d’extension locorégionale. Elle permet d’évaluer la taille de la lésion et apporte des informations pronostiques comme le degré d’invasion myométriale, l’étendue éventuelle de la lésion au col utérin et aux organes de voisinage (vessie, rectum), la présence d’adénopathies.
Elle permet de guider le geste chirurgical et les traitements adjuvants.
Le scanner abdominopelvien n’est pas indiqué dans le cancer de l’endomètre sauf en cas de suspicion de carcinose péritonéale.
Le TEP-scan est indiqué en cas de tumeurs de stades III/IV de la Federation of Gynecology and Obstetricals (FIGO) afin de rechercher la présence de métastases à distance.
L’IRM pelvienne retrouve une lésion endométriale infiltrant moins de 50 % du myomètre sans extension locorégionale ni adénopathies suspectes.
Question 14 - Quelle est la première ligne de prise en charge de ce nouveau cancer pour Mme L. ?
Le premier temps de la prise en charge du cancer de l’endomètre est le plus souvent chirurgical et comporte au minimum une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale.
Les traitements adjuvants sont indiqués en fonction des résultats anatomopathologiques et hors programme pour l’ECN. L’endométrectomie (résection hystéroscopique de la muqueuse endométriale) n’est jamais indiquée.
Question 15 - Quel facteur de risque identifiez-vous chez Mme L. de développer un cancer de l’endomètre ?
Les facteurs de risque du cancer de l’endomètre sont :
– âge ;
– obésité ;
– diabète et hypertension artérielle ;
– histoire familiale ;
– tamoxifène ;
– hyperplasie adénomateuse ;
– antécédent d’irradiation pelvienne.

Attention aux énoncés des questions ! En calculant l’indice de masse corporelle de la patiente, on constate que celle-ci est obèse.

Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien