Vous recevez en consultation de gastroentérologie Mme A., 45 ans, qui vous est adressée par son médecin traitant pour une diarrhée évoluant depuis 4 mois. Elle décrit des émissions non glairo-sanglantes, grasses, collantes et malodorantes avec environ 5 émissions par jour associées à des douleurs abdominales. Elle a perdu 3 kg le mois dernier. 

Mme A. n’a pas d’antécédent particulier. Elle prend du lansoprazole occasionnellement pour un reflux. L’examen clinique est sans particularité, ses constantes sont normales.
Question 1 - Vous décidez de prescrire un bilan pour explorer cette diarrhée et son retentissement. Vous demandez :
Bilan de diarrhée chronique :
– numération formule sanguine (NFS) à la recherche d’une anémie carentielle ;
– ionogramme sanguin avec calcémie, phosphorémie, magnésémie (recherche de troubles hydroélectrolytiques) ;
– protéine C réactive (CRP) pour syndrome inflammatoire ;
– bilan martial, vitamine B12 et folates sériques (recherche de carence) ;
– taux de prothrombine (TP), éventuelle carence en facteurs de la coagulation vitamine K-dépendants [II, VII, IX et X] par malabsorption de la vitamine K) ;
– électrophorèse des protéines (hypoalbuminémie) ;
– taux de TSH (hyperthyroïdie) ;
– coproculture AVEC recherche de toxine à Clostridium difficile et examen parasitologique des selles.
Le fécalogramme et la clairance de l’alpha-1-antitrypsine (augmentée dans les entéropathies exsudatives) ne font pas partie du bilan de première intention de la diarrhée chronique. Ils explorent le poids et la consistance précise des selles.
La patiente revient vous voir avec les résultats de son bilan sanguin : 
– hémoglobine (Hg) = 10,1 g/dL ; volume globulaire moyen (VGM) = 82 fl ; plaquettes = 350 G/L ; leucocytes 5 G/L ; 
– sodium (Na) = 136 mmol/L ; potassium (K) = 3,4 mmol/L ; créatininémie = 56 umol/L ; urée = N ; calcium (Ca) = 2,51 mmol/L ;
– électrophorèse des protéines plasmatiques : hypoalbuminémie ;
– glycémie à jeun : 0,5 g/L ; 
– TSH = 2 mUI/L (N = 0,12-5) ;
– albuminémie = 27 g/L ;
– vitamines B9 et B12 N ; 
– ferritinémie = 5 ng/mL ;
– taux de prothrombine (TP) = 67 % ;
– fibrillation ventriculaire (FV) = 80 %. 
Question 2 - D’après les résultats biologiques et les symptômes de la patiente, vous pouvez dire que :
Un syndrome dysentérique est défini par une diarrhée glairo-sanglante avec un syndrome rectal (épreinte, ténesme).
Pas d’altération de l’état général (AEG) dans la diarrhée osmotique.
L’hyperthyroïdie entraîne une diarrhée motrice mais il existe d’autres causes (stress, colopathie fonctionnelle).
Pas de trouble ionique ni de perte de poids dans la colopathie fonctionnelle.
Les cinq différents mécanismes de diarrhée chronique sont :
1) La diarrhée sécrétoire : 
– les sécrétions digestives excèdent les capacités d’absorption hydroélectrolytique de l’intestin grêle et/ou du côlon ;
– les selles sont très liquides ;
– il existe un important risque de déshydratation et d’hypokaliémie.
2) La diarrhée motrice : 
– accélération du transit intestinal ;
– selles fréquentes fractionnées le matin et postprandiales, pouvant contenir des résidus d’aliments ;
– selles souvent impérieuses ;
– les ralentisseurs du transit sont efficaces ;
– pas d’altération de l’état général.
3) La diarrhée osmotique : 
– secondaire à la présence de molécules peu absorbables dans la lumière intestinale ;
– les selles sont souvent liquides, mousseuses, accompagnées d’un météorisme abdominal et de flatulence ;
– elles cessent à l’arrêt de l’ingestion de l’agent responsable (médicament ou aliment) ; 
– pas de retentissement sur l’état général.
4) La malabsorption : 
– défaut d’absorption des graisses à l’origine d’une stéatorrhée ; 
– deux origines, bilio-pancréatique ou pathologie du grêle ; 
– selles grasses, collantes, souvent malodorantes ; 
– associée à une dénutrition, une perte de poids et des carences. 
5) La diarrhée lésionnelle : 
– secondaire à une altération de la muqueuse intestinale du grêle ou du côlon (inflammation, ulcérations, lymphangiectasies) ; 
– entraîne une exsudation plasmatique ; 
– en cas de lésions muqueuses notamment rectosigmoïdiennes, les selles peuvent être glairo-sanglantes.
Vous décidez devant la perte de poids, la diarrhée, l’anémie, de faire un bilan endoscopique complet à Mme A.
Macroscopiquement, l’endoscopie digestive haute est normale et la coloscopie également.
Vous attendez les résultats histologiques.
Question 3 - À ce stade vous évoquez le(s) diagnostic(s) suivant(s) : 
Une maladie de Biermer n’entraîne pas de diarrhée.
L’absence de lésion macroscopique en endoscopie n’est pas en faveur de ce diagnostic.
Tableau tout à fait compatible : diarrhée, douleurs abdominales, anémie carentielle avec endoscopie normale macroscopiquement.
Les examens endoscopiques normaux sont en faveur de ce diagnostic mais un syndrome de l’intestin irritable n’entraîne pas d’anémie ou d’hypokaliémie ni de perte de poids.
La colite à Clostridium difficile donne un tableau de diarrhée aiguë avec des selles glairo-sanglantes.
Vous recevez les résultats histologiques des biopsies. Les biopsies duodénales retrouvent une disparition des villosités avec une hypertrophie des cryptes et une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux, compatible avec une maladie cœliaque.
Le reste des biopsies est normal.
Question 4 - Afin de d’avoir des arguments supplémentaires pour votre diagnostic, vous complétez le bilan avec :
Le diagnostic de maladie cœliaque repose en première intention sur le dosage des IgA anti-transglutaminases, associé à un dosage pondéral des IgA pour éliminer un déficit. S’il y a un déficit en IgA, alors on dose en seconde intention les IgG anti-transglutaminases ou anti-endomysium.
C’est la maladie de Biermer qui est associée à la présence des anticorps anti-facteur intrinsèque.
La dermatite herpétiforme est une manifestation cutanée associée à la maladie cœliaque.
Pas indiqué. N’apporte rien au diagnostic qui n’est pas associé à des lésions radiologiques.
Le diagnostic de maladie cœliaque repose sur :
– des symptômes évocateurs : diarrhée, carence, douleurs abdominales ;
– un dosage pondéral des Ig pour s’assurer de l’absence de déficit en IgA ;
– demander les IgA anti-transglutaminases et s’il existe une carence en IgA, les IgG anti-transglutaminases ou IgG anti-endomysium ;
– faire une endoscopie digestive haute avec biopsies duodénales qui montre une disparition des villosités avec hypertrophie des cryptes et une lymphocytose intraépithéliale.

 

Figure (HAS. Quelles recherches d’anticorps prescrire dans la maladie cœliaque ? juin 2008)

Vous affirmez votre diagnostic de maladie cœliaque devant la présence d’anticorps anti-transglutaminase positifs en IgA associée à des biopsies duodénales en faveur.
Question 5 - La patiente vous pose des questions sur le traitement. Vous pouvez lui dire que : 
Le seul traitement de la maladie coeliaque est l’éviction totale et à vie du gluten donc du blé, du seigle et de l’orge. Même lorsque les symptômes ont disparu, il faut continuer le régime d’éviction car la maladie est déclenchée par la prise de gluten.
Il n’y a pas de traitement médicamenteux associé.
Le régime pauvre en FODMAP est un des traitements de la colopathie fonctionnelle, elle consiste en l’éviction de produit pouvant entraîner une fermentation colique excessive.
La maladie cœliaque ne fait pas partie de la liste des ALD éxonérantes. Cependant, il faut la déclarer en ALD non éxonérante car, ainsi, les patients peuvent recevoir une compensation de la Sécurité sociale pour l’achat d’aliments sans gluten (45 euros/mois).
Vous planifiez le suivi de la patiente.
Question 6 - Vous lui annoncez que :
Surveillance de la maladie cœliaque :
– dosage des anticorps anti-transglutamines une fois par an. Négativation au bout d’un an habituellement ;
– endoscopie digestive haute de contrôle AVEC biopsies à 1-2 ans pour vérifier que les lésions histologiques ont disparu ;
– amélioration rapide des symptômes (quelques semaines).
La maladie cœliaque est une maladie auto-immune, il faut donc au diagnostic rechercher les autres atteintes possibles : thyroïdite, diabète de type 1, etc. Cependant, en l’absence de point d’appel clinique au décours, il n’y a pas de surveillance spécifique.
Le traitement de la maladie est le régime sans gluten. Si le patient n'a pas d’amélioration, il faut rechercher un écart de régime, un autre diagnostic ou une complication (le lymphome digestif).
La maladie cœliaque n’est pas une indication de traitement immunosuppresseur.
Mme A. est perdue de vue. Elle revient vous voir sept ans plus tard en vous expliquant que la diarrhée est revenue, qu’elle a perdu 10 kg en trois mois. Elle n’a suivi le régime sans gluten qu’un an et ensuite pas partiellement car trop contraignant. Elle n’a pas osé revenir vous voir avant mais, depuis un mois, ses symptômes se sont vraiment aggravés. Elle a repris une éviction complète du gluten depuis trois semaines mais avec très peu d’amélioration.
Question 7 - Vous suspectez chez Mme A. : 
La maladie cœliaque est un facteur de risque de lymphome et d’augmentation de lymphocytes intra-épithéliaux (ce qu’on appelle la sprue réfractaire). Il faut systématiquement les rechercher en cas de non-réponse au régime sans gluten ou d’aggravation de la maladie.
La maladie coeliaque n’induit pas de sur-risque d’adénocarcinome gastrique et ou de tumeur neuroendocrine.
La gastrite atrophique à H. pylori n’explique par le tableau d’amaigrissement et n’est pas une cause de diarrhée. De plus, la maladie cœliaque n’induit pas de surrisque de gastrite à H. pylori.

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