Vous recevez en consultation, dans votre cabinet de médecine générale, Kilian, un jeune garçon âgé de 7 ans, accompagné de ses deux parents. Ces derniers sont très inquiets vis-à-vis du comportement de leur enfant. Vous connaissez bien Kilian que vous suivez depuis ses 4 ans, vous connaissez également bien les parents que vous suivez également depuis longtemps. Kilian est né prématurément et a eu des troubles du sommeil dans ses premières années de vie. Il n’a aucun autre antécédent. Les parents sont tous deux en bonne santé et sans aucun antécédent médical. Il a toujours été décrit comme « bougon », comportement cependant sans grande conséquence au domicile ou à l’école.

Les parents vous rapportent que, depuis l’entrée en CE1, Kilian ne tient plus en place et perturbe la classe au point que l’enseignante a eu besoin de convoquer les parents plusieurs fois. Il aurait été impliqué dans une bagarre à l’école « parce qu’il n’attend jamais son tour à la cantine et passe devant tout le monde, ça a énervé les autres, ils l’ont tapé », vous rapporte la maman. Elle vous explique : « À la maison, la petite, âgée de 5 ans, fait les mêmes bêtises… Elle fait tout comme son frère, ils sont usants ! » La réalisation des devoirs à la maison semble être un parcours du combattant : « Une mouche dans la pièce le déconcentre ! Il peut même oublier de lire une phrase dans un texte parce qu’il est dans la lune. »

Pendant que vous tentez de discuter avec les parents, Kilian touche à tous les objets de votre bureau, il semble « monté sur des ressorts » et passe d’un jeu à l’autre, d’un bout à l’autre de la pièce. Il coupe fréquemment la discussion en cours par des interventions diverses : « c’est quoi, ça ? », « pourquoi y’a ça ? », « regarde, je ressemble à un pirate ! ». Alors que vous tournez le dos quelques secondes pour attraper votre stéthoscope, Kilian décide de se mettre debout sur votre table d’examen et manque de tomber.

« Vous voyez, docteur, pourquoi on est fatigué, c’est comme ça tout le temps ! »
Question 1 - Le(s) symptôme(s) retrouvé(s) dans la description clinique sont :
Kilian semble facilement distrait : par exemple, lors des devoirs, « une mouche le déconcentre ».
Que ce soit dans votre bureau ou à l’école, Kilian ne semble pas tenir en place, il ne reste pas assis, touche à tout.
Kilian ne semble pas réussir à attendre son tour (à la cantine, par exemple), il se met en danger sans prendre conscience des risques (monte sur votre table d’examen).
On ne retrouve pas de défiance vis-à-vis de l’autorité, les comportements de Kilian ne semblent pas être présents pour provoquer ou s’opposer mais plutôt de façon incontrôlable, dans diverses situations.
On retrouve ici les 3 grandes composantes du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité :
– déficit attentionnel avec distractibilité, trouble de la concentration, fautes d’étourderie ;
– syndrome d’impulsivité : prise de risque inconsidérée, précipitation ;
– syndrome d’hyperactivité : instabilité motrice, activité intense mais désordonnée, non productive.
Devant la présentation clinique typique, vous posez un diagnostic de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Le diagnostic n’étonne pas les parents qui avaient des doutes depuis longtemps. Ils vous rapportent que la scolarité est compliquée depuis l’entrée en primaire, avec des difficultés en lecture, en plus des troubles de l’attention. Kilian semble, de plus, très maladroit, surtout pour les travaux manuels qui demandent de la précision.
Question 2 - Quel(s) élément(s), retrouvé(s) chez Kilian, est (sont) fréquemment associé(s) au diagnostic de TDAH ?
Il s’agit en effet d’un facteur de risque de TDAH.
La sœur semble avoir des symptômes similaires. Il existe une forte héritabilité du TDAH, il est ainsi fréquemment retrouvé chez des membres de la famille.
Le trouble oppositionnel avec provocation est en effet fréquemment associé à un TDAH et complique le tableau clinique, en revanche il n’est pas présent chez Kilian.
Kilian a des difficultés en lecture. Il peut s’agir d’une dyslexie. De façon générale, le TDAH est très souvent associé à d’autres diagnostics de TND.
Les garçons sont 3 à 4 fois plus touchés que les filles.
De façon général, les TND sont fréquemment associés entre eux : trouble du spectre de l’autisme, troubles des apprentissages, TDAH, déficience intellectuelle, etc.
Qu’il s’agisse du trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou du TDAH, les garçons sont plus à risque que les filles.
Des complications périnatales, la naissance prématurée ou la prise de toxiques pendant la grossesse sont des facteurs de risque communs à tous les TND.
Question 3 - En vue de la mise en place d’un traitement médicamenteux et d’une prise en charge globale pour cet enfant, quel(s) bilan(s) est (sont) indispensable(s) ?
Bien que le diagnostic de TDAH repose principalement sur la clinique, le tableau de Kilian est plus complexe, il y a en effet des arguments pour des comorbidités qui sont donc à explorer.
Il est nécessaire d’explorer plus finement les difficultés en lecture de Kilian.
Kilian est décrit comme maladroit et en difficulté pour les activités manuelles, on peut penser à un trouble de la motricité (globale et fine), dans le contexte de TND multiples, cette exploration est indispensable.
Ce bilan est indispensable si l’enfant ou les parents ont des antécédents de pathologie cardiovasculaire.
Il ne s’agit pas d’un examen indispensable dans ce contexte.
La famille revient vous voir avec les résultats des différents bilans. Kilian a en effet un trouble du langage écrit (dyslexie), ainsi qu’un trouble de la coordination motrice. L’orthophoniste a commencé la prise en charge à raison de deux fois par semaine et la psychomotricienne rencontre Kilian une fois par semaine. Les parents souhaiteraient également une prise en charge du TDAH.
Question 4 - En première intention, vous proposez :
Le traitement par psychostimulant n’est pas un traitement de première intention. Il sera prescrit après échec d’une prise en charge non médicamenteuse ou en cas d’urgence sur le plan comportemental (mises en danger très fréquentes, crises au domicile…).
Ce type de programme est recommandé dans ce contexte ; de plus, il permettra aux parents d’acquérir des compétences dans la gestion du TDAH de Kilian, mais également de gérer précocement les troubles de la petite sœur.
La TCC permettra de travailler individuellement avec Kilian sur l’estime de soi, la gestion de l’impulsivité, de renforcer les comportements positifs (maintien de l’attention, par exemple).
Kilian a besoin d’une aide personnalisée à l’école : pour l’aider à maintenir son attention, pour fractionner les consignes, les reformuler si besoin, l’aider dans l’écriture, la lecture.
Il n’y a aucune indication d’hospitalisation dans ce contexte. La prise en charge est ambulatoire. Une hospitalisation de très courte durée peut être pensée lors d’un changement de traitement complexe, pour une évaluation pluridisciplinaire de l’enfant ou lors des situations de crise.
La prise en charge recommandée pour les TDAH en première intention comporte plusieurs volets :
– prise en charge de la famille dans sa globalité : accompagnement social, mise en place du dossier par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), de l’affection longue durée (ALD), groupes pour les parents, consultation de coordination des prises en charge ;
– prise en charge de l’enfant : thérapie comportementale ou TCC, remédiation cognitive ;
– prise en charge scolaire : aménagement à l’école (mettre l’enfant devant le tableau, loin de la fenêtre pour éviter les distracteurs), présence d’une AVS toute la semaine, ou sur les matières difficiles ;
– suivi et évaluation régulière des symptômes de TDAH à l’école et à la maison grâce à des questionnaires.
Malheureusement, la prise en charge non médicamenteuse n’a pas permis d’améliorer les symptômes de TDAH. Le médecin hospitalier responsable du groupe auquel ont participé les parents leur a proposé la mise en place d’un traitement par méthylphénidate. Les parents vous demandent des informations au préalable sur ce médicament.
Question 5 - Vous leur donnez comme information(s) :
L’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l’enfant a été obtenue pour des enfants de 6 ans et plus.
Le méthylphénidate a une action pharmacologique similaire aux amphétamines (augmentation des taux de dopamine) mais avec un mécanisme différent, limitant les risques de dépendance. Attention à cette confusion qui a tendance à effrayer (à juste titre) les parents d’enfant souffrant de TDAH !
La première prescription, les modifications de dose ou le renouvellement annuel doivent être faits par un médecin hospitalier.
Il s’agit d’un effet indésirable fréquent pour lequel une surveillance de la courbe staturo-pondérale est nécessaire.
Le traitement est à prendre lors des périodes qui nécessitent un maintien de l’attention et de la concentration ; la plupart du temps, il est pris lors des périodes scolaires uniquement. Cependant, pour les enfants ayant un TDAH sévère, une prise le week-end pour les activités en famille ou lors des vacances pour les devoirs peut s’avérer nécessaire.
Les parents reviennent vous voir un mois après la mise en place de Ritaline LP 20mg (DCI = méthylphénidate) pour un renouvellement de l’ordonnance. Voici l’ordonnance rédigée par votre interne, sur une ordonnance sécurisée, que vous vérifiez avant de la signer et de la donner aux parents.
Figure 1 (source : L. Jurek)
Question 6 - Combien d’erreurs ou d’éléments manquants, qui empêcheront la délivrance à la pharmacie, détectez-vous sur cette ordonnance ?
La durée de délivrance n’est pas la bonne : la prescription est limitée à 28 jours. De plus, il manque le nom et l’adresse de la pharmacie où les parents iront chercher le traitement.
L’ordonnance pour un traitement par méthylphénidate doit comporter :
– nom, prénom du praticien, numéro RPPS, numéro ADELI ;
– nom, prénom du patient, date de naissance ; le poids n’est pas obligatoire, mais permet d’avoir un indicateur à chaque renouvellement et de surveiller les effets indésirables ;
– date de la prescription (attention ! le traitement doit être retiré sous 3 jours à la pharmacie) ;
– prescription en toutes lettres ;
– durée de prescription (28 jours pour le méthylphénidate) ;
– nom et adresse de la pharmacie qui délivrera le traitement ;
– nombre de substances prescrites dans le carré en bas de l’ordonnance.
Kilian a maintenant 14 ans. Il a pu poursuivre sa scolarité en milieu ordinaire avec l’aide d’une auxiliaire de vie scolaire (AVS). Cependant, depuis son entrée en 4e, les enseignants rapportent des difficultés d’attention. Kilian bavarde beaucoup, se laisse facilement distraire et ne cesse de gesticuler sur sa chaise pendant les cours. À la maison, ces comportements sont également rapportés par les parents, avec de nombreux oublis de la part de Kilian : son sac avant de prendre le bus pour le collège, fermer le réfrigérateur après s’être servi…
Question 7 - Quelle(s) est (sont) votre (vos) principale(s) hypothèse(s) vis-à-vis de cette recrudescence de symptômes ?
Il n’y a pas de tolérance au méthylphénidate.
Si les bavardages peuvent être en effet un « comportement adolescent », le reste du tableau clinique évoque bien le retour de la symptomatologie de TDAH.
Le méthylphénidate est efficace chez l’enfant et l’adolescent. Il l’est également chez l’adulte, sous certaines conditions.
En cas de « perte » d’efficacité d’un traitement qui était pourtant efficace, il est important de s’assurer en premier lieu de l’observance. Chez l’adolescent, l’observance n’est plus uniquement l’affaire des parents, qui responsabilisent leur enfant afin que celui-ci prenne de lui-même son traitement. Des oublis peuvent ainsi avoir lieu. Certains adolescents n’ont « plus envie » de prendre un médicament et l’arrêtent sans en parler. Il est important de vérifier la prise correcte mais également de réexpliquer pourquoi le traitement est important.
Chez l’enfant et l’adolescent, la croissance est un facteur important mais sous-estimé de diminution de l’efficacité d’un médicament.
Concernant le traitement et la forme à libération prolongée, il est important de vérifier les conditions de prise du traitement, surtout lorsque le traitement est décrit comme efficace mais de trop courte durée. La libération prolongée est en effet permise si le traitement est avalé en entier (pour la Ritaline LP, la gélule peut être ouverte mais les billes à l’intérieur doivent être avalées).

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