À l’âge de 3 mois et demi, au moment du sevrage de l’allaitement maternel, un nourrisson (né à terme, eutrophe) boit pour la première fois 150 mL de lait 1er âge au biberon. Dix minutes plus tard, le patient a des maculopapules en carte de géographie sur le visage et le tronc, et un œdème des mains bilatéral. Les parents vous amènent leur enfant aux urgences 15 min plus tard.

À l’accueil des urgences, l’enfant tousse. Ses constantes vitales sont les suivantes : fréquence cardiaque (FC) = 180/min ; temps de recoloration cutanée = 2 sec, taux de saturation en oxygène (SpO2) =,96 % sous air ambiant ; fréquence respiratoire (FR) = 35/min ; température (T°) = 36,5 °C.
Question 1 - Vous suspectez…
Au vu de l’anamnèse, le diagnostic le plus probable est une urticaire allergique au lait.
L’eczéma se manifeste par des lésions érythémateuses en placards assez bien limitées, associant des lésions élémentaires différentes qui se superposent au cours de la poussée de la maladie de type érythème, œdème, vésicules, excoriation, suintement, croûte, lichénification.
L’allergie à la tétine du biberon est théoriquement possible, mais elle est exceptionnelle.
Il s’agit bien d’une anaphylaxie car 2 organes sont atteints : atteinte cutanéomuqueuse avec l’urticaire et l’œdème des mains, et atteinte respiratoire avec la toux.
Les causes d’urticaire les plus fréquentes chez l’enfant sont virales. Mais dans cette situation, l’enfant a bu pour la première fois du lait 10 min plus tôt, et tousse. L’hypothèse la plus probable est donc une allergie au lait de vache. Même s’il s’agit de la première exposition par la voie entérale au lait de vache, il est tout à fait possible de faire une allergie alimentaire. Il y a parfois des expositions « cachées » par voie cutanée ou via l’allaitement maternel.
L’urticaire se caractérise par des papules érythémateuses ou rosées, œdémateuses à bords nets, fugaces, récidivantes, migratrices et prurigineuses. Le prurit est très souvent absent chez les nourrissons. L’œdème des mains oriente également vers une allergie.
Voir les items 182 et 114.
Vous diagnostiquez une anaphylaxie au lait de vache, associant une urticaire du visage et du tronc, un angiœdème périphérique et une toux avec dyspnée inspiratoire.
Question 2 - Votre prise en charge thérapeutique immédiate est la suivante :
L’association de signes cutanéomuqueux et d’une atteinte respiratoire suffisent pour poser le diagnostic d’anaphylaxie, même en l’absence de trouble hémodynamique. Le traitement de l’anaphylaxie est uniquement l’adrénaline injectable IM 0,01 mg/kg. La toux avec dyspnée inspiratoire signe une atteinte laryngée, et non une atteinte des voies respiratoires basses. La prescription d’un aérosol d’adrénaline est possible, mais seulement après avoir fait l’injection d’adrénaline IM.
Critères cliniques diagnostiques d’anaphylaxie et prise en charge :
– Muraro, Allergy, EAACI 2014 ;
– Gloaguen, Annales françaises de médecine d’urgence, 2016.
Après une injection d’adrénaline IM, l’état général s’améliore rapidement. L’enfant est surveillé pendant 12 h sans effet rebond.
Question 3 - Vous prescrivez les explorations allergologiques suivantes :
C’est la tryptase qu’il faut doser entre 30 min et 2 h après la réaction anaphylactique (pic) et à distance (tryptase basale), pour éliminer une mastocytose sous-jacente.
Le diagnostic d’allergie alimentaire est clinique avant tout. Mais le dosage initial des IgE permettra d’avoir un point de départ, pour le suivi de l’évolution des IgE. Il vaut mieux les doser à distance de la réaction allergique (au moins 15 jours) plutôt qu’à la phase aiguë.
L’évaluation régulière des IgE spécifiques, tous les 6 à 12 mois, permet de guider la réintroduction du lait, pour évaluer l’évolution de la tolérance vis-à-vis des protéines du lait.
Les prick tests sont réalisables sans limite d’âge, même si la réactivité cutanée est moins bonne chez les jeunes enfants, et que la reproductibilité est médiocre.
Ce n’est pas une contre-indication. Mais attention, il est possible de reproduire des symptômes systémiques suite à un prick-test.
Voir item 182.
L’enfant va débuter la diversification alimentaire dans 15 jours, soit à l’âge de 4 mois. La diversification doit tenir compte de cette allergie au lait de vache.
Question 4 - Vous conseillez aux parents :
L’allaitement maternel était très bien toléré jusqu’à alors. Il n’y a pas d’indication en première intention à faire une éviction des produits laitiers chez la mère. En revanche, en cas de symptômes persistants sous allaitement maternel, on pourra recommander une éviction des produits laitiers chez la mère. Attention à ne pas oublier la supplémentation vitaminocalcique chez la mère dans ce cas.
Risque important d’allergie croisée entre lait de vache, et lait d’autres mammifères tel que laits de brebis et chèvre.
Éviction non recommandée en première intention. Risque minime d’allergie croisée.
Éviction non recommandée en première intention. Risque minime d’allergie croisée.
Les yaourts au soja sont une bonne alternative aux yaourts classiques chez les enfants allergiques, permettant de bons apports calciques, mais de préférence après l’âge de 6 mois, sans contre-indication formelle avant l’âge de 6 mois.
Voir item 182.
Les parents ont bien compris vos conseils concernant le régime d’éviction du lait de vache et des laits de mammifères.
Question 5 - Vous donnez d’autres conseils plus généraux sur la diversification alimentaire :
Entre 4 et 12 mois.
Théoriquement possible dès 4-6 mois.
Théoriquement possible dès 4-6 mois.
Théoriquement possible dès 4-6 mois.
La diversification doit débuter entre l’âge de 4 et 6 mois avec l’introduction des fruits et légumes, et des céréales. Les œufs, viandes, et poissons sont habituellement proposés à partir de 6 mois, mais ils peuvent très bien être introduits entre 4 et 6 mois, de même que les fruits à coque. Le fait d’introduire les allergènes tôt dans la vie, et de les consommer de manière régulière diminue de risque d’allergies alimentaires.
Le gluten doit être introduit entre 4 et 12 mois.
Voir item 45.
La diversification se déroule sans encombre. Il consomme tous les aliments sans aucune autre éviction que lait de mammifères. À 12 mois, un dosage des IgE spécifiques est réalisé. Les IgE lait de vache ont diminué (de 12 kU/L à 4 mois à 2,5 kU/L à 12 mois). Des IgE arachide ont été dosées et reviennent positives à 0,6 kU/L.
Question 6 - Que dites-vous à la famille ?
Il faut attendre que les IgE baissent de manière significative, mais on n’attend pas une négativation.
Devant un antécédent de réaction allergique IgE-médiée, et qui plus est une anaphylaxie, la réintroduction doit se dérouler sous surveillance hospitalière.
Si l’enfant mange de l’arachide sans réaction, il ne faut pas tenir compte de ces IgE, qui reflètent simplement une sensibilisation, et qui n’auraient pas dû être prescrites. La prescription des IgE doit toujours être guidée par la clinique avant tout. Les IgE spécifiques ne doivent pas être dosées si l’aliment est consommé sans symptôme allergique.
Voir item 182.
La réintroduction du lait de vache est un succès. L’enfant n’a pas d’autres allergies alimentaires.
Concernant l’alimentation de leur enfant, les parents hésitent entre du lait de croissance (ou 3e âge) et du lait de vache entier car le lait de croissance coûte plus cher.
Question 7 - Que leur répondez-vous ?
Le lait de vache infantile contient du fer, et il est plus riche en vitamine D et en acide gras essentiels (acide alpha-linolénique [oméga 3] et acide linoléique [oméga 6]), et contient moins de protéines que le lait de vache.
Pour rappel, la carence martiale est la carence nutritionnelle la plus fréquente dans le monde.
Environ 0,65 kcal/ml.
Des cas de scorbut sont décrits chez les enfants de plus 1 an, mal diversifiés et consommant quasi exclusivement du lait de vache sans fruits et légumes.
Le lait de vache et le lait infantile contiennent tous deux de la vitamine B12.
La vitamine B12 se trouve naturellement dans les produits d’origine animale : laitages, viandes, poissons, œufs et certaines algues (nori).
Le lait de croissance coûte effectivement plus cher que le lait de vache (en moyenne 2 € versus 1,2 € par litre). Mais pour apporter suffisamment de fer à un nourrisson de 1 an sous lait de vache entier, il faudrait donner 100 g de produits carnés tous les jours. Le lait de vache contient très peu de fer contrairement au lait de croissance. Le lait de croissance est donc en réalité le moyen le plus économique et le plus pratique pour couvrir les besoins en fer absorbables chez le nourrisson. La Société française de pédiatre recommande la consommation de lait de croissance après 1 an (recommandations 2017).

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