Une patiente de 26 ans consulte aux urgences pour des troubles de la marche apparus 48 heures après une soirée festive. L’examen clinique met en évidence un signe de Romberg proprioceptif.
Quel est votre diagnostic ?
Sur cette IRM on observe l’aspect de « V inversé » sous la forme d’un signal réhaussé par le gadolinium en T1 coupe axiale ; et en coupe sagittale : l’hypersignal T2 FLAIR représentant la myélite.
Lors d’une intoxication au protoxyde d’azote (N2O), l’IRM médullaire montre typiquement une myélite étendue, signe d’un œdème au niveau des cordons postérieurs. L’atteinte est le plus souvent cervicale où le faisceau gracile a une forte densité de myéline. En coupe axiale, un aspect de « V inversé » est aussi décrit.
L’ENMG montre une polyneuropathie axonale ou démyélinisante prédominante aux membres inférieurs d’évolution le plus souvent favorable.
Le trouble de la marche est le symptôme le plus commun pouvant survenir après une consommation de protoxyde d’azote qui entraîne une ataxie proprioceptive (typiquement : une épreuve de Romberg qui entraîne une chute non latéralisée après la fermeture des yeux). Il peut survenir immédiatement ou jusqu’à environ 3 semaines après la consommation. La plupart du temps, ces symptômes surviennent après un usage chronique avec une corrélation dose consommée/symptôme clinique.
On constate aujourd’hui une augmentation de l’usage récréatif de protoxyde d’azote avec, de 2020 à 2021, 3 fois plus de signalements aux centres anti-poisons et 10 fois plus en addictovigilance depuis 2019. Pour rappel, sa vente est interdite aux mineurs et interdite également aux personnes majeures dans les bars, discothèques, débits de boisson temporaires (foires, fêtes publiques, etc.) et dans les bureaux de tabac.
On peut exclure les autres diagnostics proposés : la neurosyphilis peut entraîner un syndrome radiculo-cordonal-postérieur lorsqu’elle est dite « tardive » donc plus d’un an après l’infection ; l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke entraîne un syndrome confusionnel, un syndrome cérébelleux et des signes oculomoteurs (son atteinte est cérébrale). Enfin, il n’y a pas suffisamment d’arguments pour évoquer une ischémie médullaire ici.
 
À noter :
Si son effet euphorique et de désinhibition sont bien connus pour son utilisation récréative, le protoxyde d’azote peut aussi entraîner une multitude d’autres symptômes : des paresthésies à type d’engourdissements des extrémités sont décrites dans environ 80 % des cas, faiblesse musculaire dans 43 % et des crampes paroxystiques peuvent aussi être observées. Il peut aussi entraîner une anesthésie, analgésie, une anxiolyse ou de l’anxiété, ou encore des crises d’épilepsies et des thromboses (artérielles ou veineuses)... jusqu’à des ischémies cérébrales !
D’un point de vue biochimique, le N2O entraîne une inactivation par oxydation de l’ion Cobalt sur la cobalamine (co-facteur enzymatique), une vitamine B12 diminuée et donc une augmentation de l’homocystéine (défaut de conversation en méthionine si carence en B6 ou B9), avec une augmentation d’acide méthylmalonique (signe le plus spécifique) et une anémie macrocytaire.
 
Références :
Caré W, Dufayet L, Piot MA, et al. Toxicités aiguës et chroniques associées à l’usage et au message du protoxyde d’azote : mise au point.  Revue Med Intern 2022;43(3):170-7.
Hankiewicz K, Nardin C, Meppiel E, et al. Myéloneuropathie par intoxication par le protoxyde d’azote. Quand le gaz hilarant devient neurologique. Une série observationnelle de 15 cas.  Pratique Neurologique 2022;13(2):102-7.
Dematteis M. Quand le protoxyde d’azote ne fait plus rire : en informer les usagers et y penser devant des troubles neurologiques inexpliqués.  Pratique Neurologique 2022;13(2):82-5.
Zheng D, Ba F, Bi G, et al. The sharp rise of neurological disorders associated with recreational nitrous oxide use in China: a single-center experience and a brief review of Chinese literature.  J Neurol 2020;267(2):422-9.
Zhang J, Xie D, Zou Y, et al. Key Characteristics of Nitrous Oxide-Induced Neurological Disorders and Differences Between Populations.  Front Neurol 2021;12:627183.
 
Par Pierre-Andréa Cervellera, interne en neurologie, CHU Amiens-Picardie.

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